Suite de l’article paru hier
Dans cette partie : comment se construit la politique actuelle chez les élus.
Comment les structures étatiques -Etat, région, département, EPCI, communes- se plient petit à petit aux desiderata des multinationales.
Par exemple, Quiéry se met à genou devant RTE pour avoir des sous ; sans consulter les citoyens … et sans les en informer.
On en arrive à penser que la politique est l’art de jouer la comédie et de se moquer des citoyens.
Henri Queille (plusieurs fois président du conseil sous la quatrième république) l’a énoncé ainsi : « La politique n’est pas l’art de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent. »l en a rajouté : « Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. » : repris, en 1988, par Charles Pasqua et Jacques Chirac, tous deux membres -à l’époque- du RPR -ancêtre de LR. C’est ce que font souvent les élus qui agitent leur programme pour mieux le laisser de côté dès qu’ils sont élus.
Autre technique : nombre de ces élus promettent tout et son contraire. Un exemple : Eric Woerth annonce qu’il est prévu dans le programme de son candidat la suppression progressive de 500 000 fonctionnaires. Dans la même intervention, il affirme que ce programme vise à réduire le chômage !
Il faut rajouter la « politique de l’oxymore » récemment caractérisée par le philosophe Bertrand Méheust. « Les oxymores font fusionner deux réalités contradictoires : « développement durable », « marché civilisationnel », « flexisécurité », « moralisation du capitalisme », etc. Ils favorisent la destruction des esprits, deviennent des facteurs de pathologie et des outils de mensonge. Plus l’on produit d’oxymores et plus les gens sont désorientés et inaptes à penser. Utilisés à doses massives, ils rendent fou. Plus la crise s’aggrave, plus le réchauffement climatique nous menace et plus nous assistons à la production et à l’usage cynique, sans précédent dans la démocratie française, d’oxymores à grande échelle. »
http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-La_politique_de_l_oxymore-9782707182050.html
Les élus et leurs partis
Les élus fonctionnent principalement en vase clos. Quel que soit le parti -toute tendance confondue-, ils forment un groupe à part des citoyens : un clan… qui ne pense qu’à lui, qui se protège avec son immunité parlementaire, qui ne pense qu’à se faire réélire.
En même temps, ils doivent donner l’impression d’être actifs sur tous les terrains, bien qu’ils ne soient pas souvent moteurs.
Quelques exemples.
Le TAFTA va engager les relations entre les États-Unis et l’Union Européenne. Qui a pris conscience de l’ampleur des dégâts à venir (notamment dans les domaines économique, écologique, démocratique …) ? Des collectifs qui se sont constitués, malgré toutes les embûches pour obtenir des informations. Certains élus ont pris le train de la contestation en marche ; d’autres ont approuvé le projet sans états d’âme.
L’amiante fait partie des sujets qui arrivent peu à peu sur la place publique. C’est aussi dramatique que la silicose -maladie du mineur. Son exploitation a commencé au début du 20ème siècle et n’a été interdite qu’en 1997. Il reste encore 20 millions de tonnes d’amiante disséminées dans les bâtiments. Les droits des victimes de l’amiante sont en train d’être diminués alors que ce minéral continue de tuer. Ce matériau sera certainement responsable de 100 000 morts d’ici à 2025. Des associations ont sonné le tocsin. Ce n’est que très lentement que des élus ont fait avancer sur le plan législatif. Il y a pire : certains élus ferment les yeux quand on démolit des bâtiments amiantés en dehors des normes légales de protection.
Dans l’Avesnois, deux gros problèmes : la dilapidation du patrimoine forestier dans la forêt de Mormal et le projet de construction d’une usine à pellets. On n’entend pas beaucoup les élus sur le premier sujet, alors que tout le monde sait que l’on est en train de saccager la forêt domaniale au profit de privés … chinois. Pour ce qui est du deuxième problème, il est question de fabriquer des pellets pour les envoyer principalement en Allemagne. Peu d’élus se sont impliqués, beaucoup y ont vu un intérêt économique sans se préoccuper de l’aspect écologique. Il a fallu la création d’une association de citoyens pour que ce projet d’usine soit mis à mal par la justice. Actuellement, Anor-Environnement a gagné une bataille mais on n’est pas encore à la fin de la guerre !
Gaz de schiste et de couche. Quand on a appris que certaines entreprises (TOTAL pour la France) s’intéressaient à l’exploitation du gaz de schiste, ce sont des citoyens du Sud de la France qui ont créé des collectifs et des associations pour refuser cette exploitation d’énergie fossile. Certains élus de la région – de gauche comme de droite- ont pris le train en marche pour venir soutenir cette mobilisation qui avait pris une grande ampleur. C’est contraint et forcé par ce travail de mobilisation et d’information des populations impactées par les projets de forage que le gouvernement de l’époque a dû légiférer et voter dans l’urgence la loi dite Jacob, en juillet 2011, interdisant la fracturation hydraulique. La détermination existe encore puisque le dernier grand rassemblement de 15 000 personnes a eu lieu en février 2016 à Barjac, dans le Gard.
A contrario, en Lorraine et dans le Nord/Pas-de-Calais, il n’y a pas encore beaucoup de mobilisation pour empêcher l’exploitation du gaz de couche. Pourtant les risques sont du même type que pour les gaz de schiste. Ce manque de combativité dans les deux principales régions concernées permet à de nombreux élus de se complaire dans une neutralité complice des gaziers. Pire encore, avec les élus PS dans l’hémicycle, c’est l’état d’urgence législatif et les tripatouillages grossiers sur le code minier. Dans une procédure accélérée, initiée début 2017, ils avaient comme idée de sortir les gaz de couche de la catégorie des hydrocarbures non-conventionnels et de permettre leur extraction, sous le prétexte fallacieux qu’il n’y a pas besoin de fracturer le charbon pour extraire le méthane – ce qui est contredit par les exploitations dans des pays comme les États-Unis, l’Australie et la Chine. Pour comprendre la procédure législative accélérée autour du code minier, il faut rappeler la situation d’état de siège pétrolier de la France avec 55 permis d’exploration en cours de validité et 132 demandes en attente, ce qui représente sur le terrain la menace de centaines de forages par permis.
Il est question de renforcer la ligne Très Haute Tension (THT) entre Gavrelle et Avelin dans le Nord/Pas-de-Calais. Le but est de permettre le transport d’électricité en direction de la Belgique, en remplaçant la production d’électricité des centrales nucléaires de Gravelines par celle -très hypothétique- de l’EPR de Flamanville. Des associations se sont créées pour empêcher ce nouveau projet inutile, nuisible et imposé. Ces associations comprenaient, à l’origine de leur création, peu d’élus. Quand elles ont commencé à avoir un certain impact, on a vu arriver quelques élus.
Il n’est pas inutile de rappeler ce que disait, en 1940, la philosophe Simone Weil à propos des partis -structure qui regroupe la presque totalité des élus :
« Un parti politique est une machine à fabriquer de la passion collective. Un parti politique est une organisation construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres. La première fin, et, en dernière analyse, l’unique fin de tout parti politique est sa propre croissance, et cela sans aucune limite. Par ce triple caractère, tout parti est totalitaire en germe et en aspiration. S’il ne l’est pas en fait, c’est seulement parce que ceux qui l’entourent ne le sont pas moins que lui. Il est douteux qu’on puisse remédier à cette lèpre, qui nous tue, sans commencer par la suppression des partis politiques. » Note sur la suppression générale des partis politiques.
Pour compléter cette analyse sur les partis politiques et leurs représentants à l’élection présidentielle -bien évidemment « anti-système »-, on peut lire les pages 3 à 5 du document intitulé « l’urgence démocratique » et écrit par P. Dardot et C. Laval ;
https://www.mediapart.fr/journal/france/250317/l-urgence-democratique.
Les nouvelles pratiques visibles des pouvoirs économiques et financiers
Ceci met en évidence un type de rapport entre les élus et les pouvoirs économiques et financiers : les grosses entreprises font miroiter aux élus une subvention qui pourrait les aider à faire fonctionner leur structure.
RTE (Réseau de Transport d’Électricité) prévoit un financement pour les communes impactées par le passage de la ligne THT. Cela s’est concrétisé déjà dans le Cotentin. C’est acté dans le budget prévisionnel du projet de renforcement de ligne dans le Nord/Pas-de-Calais. C’est un bon moyen pour faire taire les communes récalcitrantes aux projets de RTE et pour mettre un département de son côté. Quiéry-la-Motte, Moncheaux et Thumeries (entre autres) ont sauté sur l’occasion pour demander des sous ! Le département du Nord, en contrepartie au soutien du projet de RTE, aurait proposé de subventionner certains projets environnementaux : par exemple le secteur abandonné par Iméris ! Cette pratique est évidemment une des conséquences du choix de l’austérité pris par le gouvernement qui se traduit par des diminutions drastiques des dotations de l’État aux communes et aux départements.
Bien entendu, cette technique d’arrosage financier n’est pas l’apanage d’une seule entreprise. C’est la même méthode qui inspire l’État et des entreprises pour des implantations d’éoliennes ou de centrales nucléaires et EPR ; pour le projet d’aéroport à NDDL, de barrage à Sivens et d’usine à pellets (Anor, dans le Nord) ; ou pour l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure dans la Meuse …
On voit bien comment des élus ne se gênent pas non plus pour déléguer la gestion de l’eau à des cadors comme Veolia, Noréade, Suez, Saur … Ils prétendent que cette gestion dépasse les capacités communales. Que l’eau soit éventuellement non potable et que les tarifs soient élevés -parce qu’il faut nourrir les actionnaires … ou les élus- sont des corollaires dommageables pour les populations mais ne rentre pas en compte dans les prises de décisions.
Les grosses entreprises font miroiter aux élus une subvention qui pourrait les aider. Quand Emmanuel Macron propose d’exonérer les citoyens d’impôts locaux, cela aura comme conséquence directe de placer les élus locaux directement à la merci des grandes entreprises ! Ces entreprises font aussi du chantage à l’emploi (avec de fausses promesses), parlent souvent de retombées indirectes sans les définir. Leur intense lobbying (notamment à Bruxelles), leur tentatives de corruption (comme on le voit avec les amis de François Fillon) font partie de leurs techniques … avec espoir de retour d’ascenseur.
Il y a aussi une autre technique : le cadeau à tel ou tel élu. Il suffit de voir ce qui se passe dans la région lilloise à propos du fameux stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d’Ascq : c’est tellement naturel pour un élu d’avoir un cadeau personnel de la part d’une entreprise qui aura emporté un contrat !
Il n’est donc pas folklorique de penser que de nombreux élus ont envie de faire partie de l’élite et servent globalement de courroie de transmission pour les pouvoirs économiques et -surtout- financiers.
Pourquoi désobéir ? Pourquoi agir autrement ?
Pour montrer que les élections ne doivent pas être le principe de base d’une véritable politique non politicienne en France, il est utile de voir ce qui se passe sur le territoire ; tant dans les luttes de territoire (GP2I…) que dans les propositions alternatives.
« Agir contre » ne signifie pas qu’on agit négativement, mais que l’on s’oppose à des projets destructeurs. « Lutter contre » propose déjà un autre monde, dans lequel le financier n’est pas le cœur de tout.
Remettons donc les choses dans le bon ordre : ce sont ces porteurs de projets inutiles qui agissent négativement. Ils sont tellement obnubilés par le pouvoir de l’argent et/ou le pouvoir sur d’autres humains qu’ils détruisent sans complexe la biodiversité, les humains … Ce sont eux les casseurs.
Il est d’ailleurs remarquable de constater que les initiateurs de projets nuisibles n’hésitent pas à agir sans vergogne, assez souvent de façon illégale ou au mépris de règles démocratiques.
Désobéir est donc nécessaire pour revenir sur des bases plus saines, dans l’intérêt collectif.
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Cet article est la deuxième des trois parties sur le sujet.