Suite de l’article paru hier.
Désobéir est donc nécessaire pour revenir sur des bases plus saines, dans l’intérêt collectif. Oui, mais désobéir pour quoi ?
Pourquoi s’abstenir ?
Que faire pour sortir de ce « cauchemar qui n’en finit pas » ?
Désobéir est nécessaire pour revenir sur des bases plus saines, dans l’intérêt collectif.
Oui, mais désobéir pour quoi ?
S’il s’agit de proposer une économie plus saine, OK ; mais bien sûr, cela n’est pas suffisant !
Il faut créer un rapport de force ; et nous n’avons pas d’autre choix que de faire d’autres propositions, radicalement AUTRES !
Ce qui se passe à NDDL montre que l’on peut construire autre chose, tenter de sortir de l’ordre marchand et fonctionner en dehors de l’économie ; cela signifie remettre en question tout de ce que l’on produit et tout ce que l’on consomme ! c’est se situer autrement dans le monde, non comme producteur-consommateur, mais comme « vivant » ; c’est surtout être convaincu qu’un autre monde est possible et lui donner corps ! Cela se met en place progressivement, malgré un environnement quelquefois défavorable -par exemple, les forces de répression du pouvoir en place et leurs moyens de semer la pagaille sans aucun risque de sanctions.
À Bure, malgré les pressions -principalement financières- des services de l’État, malgré un dispositif policier conséquent -avec intervention aussi de milice privée-, un groupe important tient le cap pour dénoncer cette volonté d’enfouir les déchets nucléaires. Cela se fait globalement avec une organisation qui permet à tout un chacun de s’exprimer … sans attendre la voix éclairée d’un leader.
On retrouve le même genre d’actions et d’activités dans le Tarn pour protéger la zone humide du Testet à Sivens ; ceci malgré les méthodes violentes -encore- de la part des forces de police (un mort en 2014) et du Conseil Général du département qui a un intérêt dans le projet de barrage.
Résister est aussi le maître-mot de l’association NOVISSEN pour empêcher l’installation de la ferme des 1000 vaches à Drucat (Somme). Cette bataille est importante dans la région, elle est significative de la lutte contre l’agro-industrie menée globalement avec plus ou moins de succès par la Confédération Paysanne.
C’est aussi le sens des combats contre des projets de porcheries : à Heuringhem (Pas-de-Calais) avec l’association AIVES et à Raimbeaucourt (Nord) avec l’association ARPE.
D’autres exemples de résistance et de désobéissance : centrale biomasse à Gardanne ; Europacity dans le triangle de Gonesse-région parisienne ; ferme des bouillons à Rouen ; stade de foot à Grenoble ; LGV ou TGV sur la ligne Lyon-Turin et depuis Bordeaux ; méthaniers … Pour d’autres exemples, lire le livre « résister aux grands projets inutiles » ; notamment aux pages 38 et 39.
Pour connaître les projets alternatifs -notamment dans la perspective d’une société basée principalement sur l’humain-, le livre « les néo-paysans », écrit par Gaspard d’Allens et Lucile Leclair, regorge d’exemples … essentiellement dans le domaine rural.
L’abstention au fil du temps
Il faut rappeler le texte d’Élisée Reclus, daté de 1885 et résumé ainsi : « Voter, c’est abdiquer ; … voter, c’est être dupe ; … voter c’est évoquer la trahison. » https://opdlm.jimdo.com/opdlm-s%C3%A9cession/ ; ce site est une mine intéressante dans différents domaines.
Raoul Vaneigem -un citoyen belge, connu de certains- a publié un article en 2010 : « Pourquoi je ne vote pas » ;
http://susauvieuxmonde.canalblog.com/archives/2010/03/24/17335153.html
Parmi les écrits récents, il faut se tourner vers Antoine Peillon qui vient de publier un livre dont le titre indique la même couleur qu’Élisée Reclus : « voter, c’est abdiquer ». Extraits :
« L’élu trahit toujours l’électeur ;
L’élection, d’origine aristocratique, est une pratique conservatrice, le vote instituant toujours la même classe dominante au pouvoir et maintenant le statu quo social ;
Les élections sont inefficaces à générer le changement ; boycotter le vote, c’est donc dénoncer une illusion ;
Elles sont au fond illégitimes car l’individu ne doit pas abdiquer sa souveraineté au profit de représentants qui agissent à leur guise durant toute la durée du mandat ;
Le changement social ne peut et ne doit advenir que par l’action directe des dominés ;
Participer aux élections c’est accepter de réduire la politique à des enjeux de pouvoir, cautionner la domination sociale et économique d’une élite sur tous, et donc légitimer le régime que l’on croit combattre ;
Le vote, qui suppose la soumission, la compromission et la corruption ne saurait être l’arme de ceux qui veulent la plénitude de leur autonomie, de leur désintéressement et de leur droiture. Il ne peut faire droit à la double revendication d’égalité et de liberté qui est au fondement du socialisme libertaire ».
Récemment, Philippe Drenntel a écrit sur son blog :
« Compte tenu du climat général, il serait d’ailleurs plus juste de parler de boycott que d’abstention. Puisqu’elle est alimentée tous les jours par les malversations et la corruption du régime représentatif et qu’elle est donc de fait plus un rejet lié au dégoût qu’un simple désintérêt du fait politique.
L’abstention ne rejette pas les candidats (les effets induits). Elle rejette le système (le régime représentatif) qui produit pour son fonctionnement les effets induits.
Elle n’a donc aucune parenté et aucune proximité avec le vote blanc. Elle ne propose pas de changer de mal pour un moindre mal. Elle propose de mettre un terme à l’outil qui produit le mal.
Son diagnostic ne s’arrête pas aux effets, il remonte à la cause. L’abstentionniste ne cautionne pas le régime qui est la cause, là où le vote blanc le cautionne ».
Que faire pour sortir de « ce cauchemar qui n’en finit pas » ?
Quelques pistes
Il faut constater que les forces politiques ont tendance à monopoliser le débat et à laisser peu de place à l’expression syndicale, associative et culturelle… Elles n’imaginent pas changer leur fonctionnement pyramidal ; elles ne pensent que dans l’optique de la croissance (« la croissance n’est pas la solution, elle est le problème ») ; elles n’envisagent pas de changer de paradigme. C’est là le modus vivendi de cette société capitaliste.
La sinistrose ambiante laisse pourtant entrevoir des lueurs d’espoir. Ce n’est pas encore significatif.
Cela risque d’aboutir un jour si on envisage une convergence des luttes et des pratiques alternatives ; si nous mettons en acte, d’autres façons de dessiner nos vies, d’autres solidarités, d’autres mutualisations …. pour sortir de l’économie et pour laisser un avenir possible.
La conclusion du texte (« alliance électoral ou changement de société ? ») écrit par Vincent Liegey avec Stéphane Madelaine, Christophe Ondet et Anisabel Veillot montre une orientation intéressante, appelant au débat :
« Alors, rencontrons-nous, dans le respect de la diversité de nos cultures politiques, de nos réseaux, de nos visions, de nos expériences et de nos compétences. Si cette diversité complique les coopérations dans le cadre d’une élection présidentielle, elle est pourtant fondamentale pour transformer parallèlement nos sociétés complexes et espérer éviter ou minimiser les barbaries en cours et à venir. Soyons aussi humbles que possible face à l’immensité de la tâche, et ne perdons pas de vue qu’avoir raison tout seul, c’est avoir tort ! »
La fin du texte de Pierre Dardot et Christian Laval (« l’urgence démocratique ») va dans ce sens ; extraits :
« Il faut agir vite pour que dès les législatives le sort de la gauche anti-néolibérale ne soit pas entièrement condamné. … »
« Compte tenu de la décomposition de la gauche actuelle, il importe de réfléchir à la constitution rapide d’un vaste bloc démocratique anti néolibéral, rassemblant de multiples composantes politiques, syndicales, associatives, d’accord pour faire front commun contre les deux ennemis aux destins inséparables que sont le néofascisme et le néolibéralisme. »
… « Soit le sectarisme d’appareil se prolonge, et ce sera la fin pour longtemps de la gauche critique et radicale, soit il peut être dépassé par la création d’une nouvelle formation à la fois unitaire et diverse, et le couple infernal de ses deux ennemis pourra alors être combattu et vaincu. »
… « Si tous les appels à l’unité sont restés vains, si nous ne pouvons plus rien empêcher, en tout état de cause, après les élections, il restera l’« urgence démocratique » de faire face au néofascisme, fruit d’un désespoir doublement alimenté par le néolibéralisme et l’absence d’une vraie alternative politique. Car il ne faut pas s’y tromper : la menace du néofascisme est une menace de guerre civile. C’est donc dès maintenant, si l’on veut vraiment éviter que le pire n’advienne, qu’il faut penser et expérimenter les formes d’un front commun démocratique. »
En tout cas, dans l’atmosphère pestilentielle des pollutions des affaires masquées par le tapage médiatique de cette élection présidentielle, une chose apparaît clairement :
la solution aux problèmes sociétaux et environnementaux ne passe pas par les urnes.
Mais bien évidemment cela ne suffit pas !
Notre volonté de changement vers une autre façon de vivre, qui laisse une vraie place au local, au débat, au collectif et au citoyen et permet une réelle gestion des problèmes doit être déterminée et déterminante.
Il faut donc revoir le type de démocratie et les formes de délégation de pouvoir, réfléchir sur les modes de fabrication -dans le respect de l’écologie ; ce qui implique de mettre sur d’autres rails la société non anthropocentrée.
Il faudra que les structures politiques non politiciennes développent des pratiques alternatives permettant d’envisager un ciel plus serein…
Si d’autres pistes ne se tracent pas, les catastrophes -climatiques, sociales, démocratiques, culturelles… -vont s’accumuler ; et l’humanité disparaîtra !
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Cet article est le troisième et dernier sur le sujet ; réalisé avec l’aide de plusieurs personnes ; la partie 1 est parue samedi 15 avril ; la partie 2 est parue le 16 avril.
Pour retrouver l’article complet : Si voter servait à quelque chose 170418