A l’occasion de son assemblée générale annuelle tenue à Paris le samedi 8 avril 2017, la plus importante fédération française d’associations de défense de l’environnement – elle en revendique 3000 -, se voyait proposer par sa direction d’adopter une motion dans laquelle elle “appelait à s’opposer au modèle de société proposé par le Front national”… Au terme d’un vif débat, cette motion a été refusée par son assemblée générale
Tout un symbole. Les délégués de la galaxie FNE montés de toute la France à Paris en ce samedi matin ensoleillé tenaient conclave au sous-sol de la flambant neuve Auberge de jeunesse Yves Robert, esplanade Nathalie Sarraute, à la frontière des 18ème et 19ème arrondissements. Une enclave “bobo” dans un quartier déshérité, avec son long roof en planches et ses “terrasses” où d’avenants “millenials” se régaleront à midi de quelques miettes veggie…
Hier matin, en remontant la rue Pajol depuis le métro La Chapelle, sur les trottoirs, quelques dizaines de matelas sur lesquels autant de “migrants” finissent leur nuit, avant que d’aller déposer leur couche sur un petit autel de béton en surplomb au carrefour Pajol-Philippe-de-Girard, qui a échappé, momentanément (miracle), à la fureur des urbanistes (dûment rétribués à cet effet), que la mairie expédie en rangs serrés pour hygiéniser la no-go zone… Le minuscule bureau d’accueil de France Terre d’Asile devant lequel la queue se déploie dès six heures du matin est à deux pas.
Flash-back. Il y a bientôt vingt ans, au 20 Esplanade Nathalie Sarraute, c’était le 20 rue Pajol, l’immense entrepôt désaffecté de la SNCF, où s’échouèrent plusieurs semaines durant les expulsés de Saint-Bernard.
Debré, la porte de l’église brisée à la hâche le 23 août 1996 au matin, 525 gardes mobiles protégés par 500 policiers des commissariats environnants, et 480 CRS…
L’évacuation de l’église se solda par 220 interpellations, dont 210 sans-papiers (98 hommes, 54 femmes et 68 enfants) qui furent placés dans le centre de rétention de Vincennes. Bien que tous soient en principe menacés d’arrêté de reconduite à la frontière, seules huit personnes le seront effectivement.
Les pleurs d’Emmanuelle Béart.
Voilà les images qui nous revenaient hier matin en découvrant la motion que la centaine de délégués de FNE étaient invités à adopter en fin d’après-midi :
“Un renouveau démocratique pour une transition écologique.
Dans le cadre des prochaines élections présidentielles et législatives, fidèle à ses principes de neutralité, FNE n’appelle à voter pour aucun candidat et demande à ses adhérents susceptibles de faire campagne de ne pas arguer de la qualité de membre du mouvement FNE.
Par ailleurs, au nom d’un humanisme revendiqué, engagée pour plus de démocratie, notamment dans le domaine environnemental, FNE appelle à s’opposer au modèle de société proposé par le Front national qui représente un danger réel pour notre pays.
Il s’agit pour notre mouvement de mettre en pièces les arguments délétères avancés par ce parti d’extrême droite, incompatible avec notre objectif de protection de la nature et de l’environnement au sein d’un monde vivable pour toutes et tous.
En effet, l’érosion croissante de la biodiversité, les dérèglements climatiques, l’épuisement des ressources de la planète, les menaces sanitaires ne peuvent plus être ignorées. L’aggravation de la crise sociale, économique et environnementale confirme la nécessité de repenser les fondements du modèle économique hérité du 20ème siècle.
Une transition écologique volontariste et ambitieuse est plus urgente que jamais dans notre pays et au-delà au niveau européen : refonder notre société sur le constat que dans un monde fini, la croissance perpétuelle est une impasse, que le toujours plus doit faire la place au toujours mieux.
FNE place son action pour la nature et l’environnement sous le signe des solidarités :
solidarité qui se démarque du repli sur soi, des clivages sociaux et des égoïsmes nationaux et continentaux ;
solidarité à l’égard de celles et ceux qui sont en situation de précarité : alimentaire, sanitaire, énergétique ;
solidarité à l’égard des populations opprimées et de l’ensemble du vivant surexploité ;
solidarité à l’égard des générations futures à qui nous devons transmettre un monde vivable.
Cette urgente transition écologique doit se réaliser grâce à un renouveau démocratique en mettant les citoyens au coeur des changements à venir. Notre démocratie doit donc se renouveler afin que chacun et chacune d’entre nous soit véritablement actif dans ce nécessaire sursaut collectif.”
CRISES
La motion, non signée, émanait du bureau de FNE qui allait, comme son nouveau président, être renouvelés ce même jour.
Denez l’Hostis, à la barre de FNE tout au long de l’actuelle mandature, malade, était absent.
A l’été 2016, la première université d’été du mouvement avait déjà sonné comme un signal d’alarme.
Quelle place pour l’environnement dans le monde qui vient, tel qu’il va ?
Et aussi éternel débat, jamais clos, le rapport salariés-bénévoles change de nature.
Qui décide, de quoi, comment ? Et pourquoi ?
Où allons-nous, où va la “boite” ?
Une “Charte féférale” y pourvoira-t-elle ?
Comment équilibrer demain un budget annuel de quelques 4 millions d’euros ? Aller encore plus vers le bureau d’études ?
Un rapprochement avec la CFDT et l’UNSA, pour faire quoi ?
Le monde d’hier et celui de demain.
Fractures. Inquiétudes. Divergences. Conflits. Souffrances.
En toute fin d’après-midi, à la fin de l’AG, la crise.
Le Bureau défend la motion anti FN.
L’AG la rejette.
(C’est seulement après avoir été amputée des deux premiers paragraphes dédiés au FN en gras ci-dessus, que la motion finira in extremis par être validée par l’AG).
L’ingénieur chimiste Michel Dubromel (qui soutenait la motion), sera élu ensuite nouveau président de FNE en place de l’économiste Denez L’Hostis.
Joint dans la soirée, Michel Dubromel, nouveau président de FNE, nous confiait : “Il y avait une volonté de s’afficher contre les “valeurs” du FN. A contrario, d’autres considèrent que si on en parle on leur fait de la pub… Il y a soixante-dix ans, on a “oublié” de s’opposer aux nazis. Donc nous avons eu un vrai débat, avec le souhait de réaffirmer nos propres valeurs par rapport aux différentes parties en présence. Cà témoigne d’une véritable démocratie au sein de l’organisation, car nous avons eu un débat de fond durant cette AG. Tout cela vient de loin, il y a eu l’Appel des solidarités, auquel nous avons adhéré, et donc une volonté de s’ouvrir aux autres, face à un silence assourdissant des politiques vis-à-vis de la crise multiforme que vit la société. Pour la suite nous verrons au soir du premier tour. »
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