Première partie
L’énarque qui a fréquenté les banques et revient en politique n’est pas un candidat antisystème. Il bénéficie d’un bon carnet d’adresses chez les patrons du CAC 40 et dans la presse. Imprégné de la bonne parole néolibérale avant de devenir Président, il dialogue et commence à parler écologie, social … avant les législatives. Gourou d’un capitalisme décomplexé, il prépare, avec ses vrais amis, son appel du 18 juin.
L’ensemble du document a été écrit à plusieurs mains et signé par deux personnes.
Le 18 Brumaire du fanfaron Macron
En agitant l’épouvantail Le Pen, les patrons du CAC 40 et de la presse ont réussi à faire plébisciter Macron.
Plus que l’âge du candidat qui fait les Une unanimes des journaux, un tel niveau de manipulation de l’opinion publique pour élire un président conçu comme un produit marketing est sans nul doute une première dans l’histoire. La nouvelle farce vire au tragique pour la démocratie. Grande victoire politico-médiatique ; en effet, le « people style » triomphe du populisme. Ainsi la nouvelle farce vire au tragique pour la démocratie. Et les fastes de la mise en scène au pied d’une pyramide confinent à celui d’un sacre impérial. Le parti unique de l’ordre est « En Marche ».
L’oligarchie affairiste française renouvelle son personnel et son dispositif de représentation. Elle n’a plus besoin du système droite-gauche pour introniser son homme de paille qui cette fois-ci s’annonce comme son homme de main… Avec ce pseudo-duel arrangé du second tour -un candidat représentant le néolibéralisme financier contre une candidate aux idées néolibérales franchouillardes-, la problématique environnementale s’est retrouvée tout simplement annihilée… Les Français sont invités à penser que le jeune Macron serait l’homme de la situation, voire l’homme providentiel pour faire barrage à la menace fasciste…
Un candidat antisystème ? La blague !
Ce jeune Président a fait l’objet d’un culte de la personnalité dans la presse nationale et même internationale. Cependant on en sait suffisamment sur le cas Macron. Marie Bénilde, l’auteure de « on achète bien les cerveaux » croque de manière saisissante le personnage : « M. Macron plaît à la presse et à ses dirigeants. Et pour cause : son discours libéral, europhile, atlantiste et moderniste évoque une synthèse des éditoriaux du Monde, de Libération, de L’Obs et de L’Express qu’un acteur de théâtre expérimental aurait entrepris de hurler sur scène… »1.
Interrogés par « bastamag », deux sociologues auteurs du livre « Les prédateurs au pouvoir » ont une formule encore plus laconique : « c’est l’oligarque parfait » ; ils ajoutent : « Emmanuel Macron est un extraordinaire porte-parole de l’oligarchie et de la pensée unique »2.
Ce nouveau Président a effectué un passage par la French-American Foundation dans le cadre de son programme « Young Leaders ». Dans cette fondation, on peut noter cinq cents personnalités françaises, parmi lesquelles F. Hollande, F. Pellerin, N. Vallaud-Belkacem, V. Pécresse, J.M. Colombani, C. Ockrent, A. Minc, M. Pigasse, A. Juppé … C’est au sein de cette structure qu’Édouard Philippe a rencontré E. Macron en 2012. L’actuel locataire de Matignon était alors maire du Havre ; il participait, comme le Président, au séminaire de deux ans organisé depuis 1981 par la fondation privée, où une douzaine de jeunes Français côtoient les élites américaines de la même classe d’âge.
Un journaliste inscrit le nouveau locataire de l’Élysée, sans détour, dans la liste déjà longue des « mercenaires français à la solde des milieux d’affaires étasuniens »3. Bien avant son intronisation, un article « Mine responsable, un nouvel oxymore » en ligne sur le site « alternatives-projets miniers », situait le cas Macron dans sa fonction internationale : « il est depuis longtemps la tête de pont transatlantique de Wall Street dans l’Hexagone »4.
Les dessous d’une immaculée conception
L’origine de celui que la presse encense comme le divin enfant qui va sauver la France ne relève pas de l’immaculée conception. Le jeune énarque, déjà bien introduit dans le secteur des grandes banques, avance dans le sillage idéologique de Jacques Attali (celui qui aurait créé des millions d’emplois et dit que Whirlpool est une anecdote …). Sous ce patronage, l’enfant prodige en profite pour se faire remarquer par un grand nombre de personnes « influentes »; ce qui servira bien pour la campagne électorale !
On sait, en effet, qu’il a commencé sa carrière comme banquier d’affaire chez les Rothschild… Mais pour sa rapide ascension politique, deux fonctions clefs dans les arcanes du pouvoir doivent être signalées. Tout commence avec le mandat de Sarkozy en 2007. Il est mis en incubation intellectuelle à un poste de rapporteur adjoint de la « commission pour la libération de la croissance ». Comme le note M. Bénilde, « là, il siège au milieu de 17 patrons et anciens patrons, et il remplit son carnet d’adresses » Et réciproquement le jeune homme s’est imprégné de la bonne parole néolibérale…
Sous Hollande, Macron continue sa carrière dans les arcanes du pouvoir à un poste tout aussi stratégique comme secrétaire adjoint à l’Élysée. Là encore tout le beau monde et tous les hommes qui comptent passent par Macron pour s’adresser au Président. Le carnet d’adresses devient vite pléthorique.
Durant deux mandats, un à droite, l’autre à gauche, le rapporteur adjoint et le secrétaire adjoint devenu candidat du « ni-ni » puis Président aura été biberonné à la pensée unique de l’oligarchie française. La suite de son histoire en surface, lorsqu’il succède en 2014 à Arnaud Montebourg au ministère de l’économie, on la connaît.
Quelques-uns de ses hauts faits de guerre au service des milieux d’affaires
Le futur candidat à la présidence convainc F. Hollande de ne pas plafonner les plafonds des grands patrons.
Il est la cheville-ouvrière du fameux CICE, ce crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi offert aux patrons dans le cadre du « Pacte national pour la Croissance », en continuité idéologique avec la « commission (Attali) pour la libération de la Croissance ».
Contrairement à A. Montebourg, le « Young Leader » renvoie l’ascenseur en cédant Alstom à Général Electric. Cette entreprise française avait mis au point les grandes éoliennes avec l’argent des contribuables jusqu’en 2014 -et dans le cadre du CICE. En un clin d’œil toute la technologie et tous les brevets ont traversé l’Atlantique pour devenir la propriété de l’entreprise américaine.
Dans la lignée d’A. Montebourg qui voulait que la France « redevienne un pays minier », son successeur au poste ministériel autorise l’extraction des ressources sableuses dans la baie de Lannion (Bretagne) … même si, par la suite, il nie avoir signé l’autorisation.
Versant salarial, il est l’éminence grise de la casse sociale avec la « loi travail », dite « loi El Khomri ».
La « loi Macron » impose en catimini un amendement favorisant l’ouverture du projet Cigéo, centre d’enfouissement de déchets nucléaires très contesté de Bure.
Grâce à cette loi qui porte son nom, il libéralise les lignes nationales de bus dans le but essentiel de mettre fin au monopole public sur le transport de voyageurs… en dépit des conséquences environnementales.
Les Rois mages de la campagne électorale
Mediapart montre la préparation de campagne du candidat d’En Marche : « pour financer sa campagne, Emmanuel Macron a réussi à mobiliser près de 13 millions d’euros de dons en un temps record. Loin de l’image cultivée par En Marche! d’une campagne aussi spontanée que populaire, un puissant réseau de banquiers d’affaires a discrètement ouvert ses carnets d’adresses au nouveau président »5.
Cet homme éclectique obtient le soutien de personnes dans des secteurs très variés : A. Madelin, D. Cohn-Bendit, R. Hue, D. Cazeneuve, E. Valls, B. Pompili, J.P. Raffarin, F. Bayrou, P. Laurent, BHL, L. Berger, P. Gattaz, L. Parisot, P. Bergé, P. Drahi, des caciques du PS et de LR, des banquiers et patrons du CAC 40 …
Il fait croire qu’il s’oppose au Président sortant alors qu’il est dans la continuité de ses deux prédécesseurs. Le fin du fin : donner l’illusion de tout changer pour que rien ne change au niveau des objectifs.
Dans le Tohu-Bohu du « dîner de gala » de la farce Macron, le poupon éructe quelques bourdes. La plupart sont significatives de cette pensée unique de la classe dominante qui n’a peur de rien et affirme pour asséner. On apprend ainsi que les ouvrières sont « ignorantes » et que les habitants du Pas-de-Calais sont « alcooliques » ; Pour l’Algérie, il révèle un vieux refoulé national : » La colonisation est un crime contre l’Humanité »… pour se rétracter très rapidement ! Le site agoravox, dans un article : « Hollande- Macron « La grande magouille » » fait une brève anthologie des bourdes et boulettes du candidat en campagne 6.
Sans originalité, il se dit du « ni-ni », mais il est du Oui-Oui à l’affairisme et à l’extractivisme qui ne sont, comme on le sait, ni de droite, ni de gauche. Au stade du capitalisme du désastre, de la casse sociale et de la crise environnementale, la finance qui désormais s’active à visage découvert n’a en effet que faire de ces notions de droite et de gauche. La course au profit ne se préoccupe que d’ingénierie sociale de pouvoir économique et politique. Sous le visage angélique de l’enfant prodige, on retourne à la brutalité ancestrale de la lutte des classes.
Ainsi, durant ces deux périodes électorales (présidentielles et législatives), le système a fait sa mue. La dislocation très médiatisée des vieux partis sert de décorum à l’avènement d’un homme providentiel pour la France.
L’image de la naissance miraculeuse du « mouvement » avec l’adoration des Rois mages et de son affirmation contre des forces hostiles -les marchands du temple politique- construit le personnage du sauveur. Les journalistes nous révèlent la signification d’ « En Marche » : les deux lettres majuscules sont celles d’Emmanuel Macron. Plus pragmatiquement, le fonctionnement de ce « mouvement » est très pyramidal et ne diffère évidemment pas de celui d’un parti ou plus justement d’une firme transnationale. C’est donc sans surprise qu’on découvre que 90 % de son équipe est issue des finances et de l’assurance. Le recrutement des futurs cadres de « son mouvement » s’opère essentiellement du côté des professions libérales, des jeunes passés par les « Grandes Ecoles »…
A l’exemple de firmes qui fusionnent pour accroître leur puissance, le dit mouvement « En Marche » ratisse large, à droite, à gauche et jusque chez les écolos carriéristes pour la création d’un parti unique. Ainsi la seconde étape de La République En Marche (nouveau nom du « mouvement » pour les législatives) est de laminer La France Insoumise pour la conquête absolue du pouvoir puisque la France acquise au FN est déjà par sa nature soumise… à l’ordre du néolibéralisme.
Le nouveau gourou évangélique du capitalisme décomplexé ne se sent pas obligé à mettre en place ses promesses électorales -d’ailleurs souvent floues. Mis au pouvoir directement par l’oligarchie, « Macron, le Petit » exécutera ce qu’elle lui dira.
On arrive donc à une situation assez semblable à celle des États-Unis : Quelle que soit la couleur politique du locataire de la Maison Blanche, les intérêts pétroliers gouvernent. Concédons qu’Emmanuel Macron est plus mignon que Donald Trump.
Après le sacre, le voile tombe
Le système reprend les rênes. Avec la constitution du nouveau gouvernement -le n°1-, E. Macron nomme Édouard Philippe premier ministre. On ne pouvait pas mieux choisir pour s’inscrite dans la continuité technocratique national. Le nominé est diplômé de l’IEP Paris et de l’ENA. Mais surtout il a sévit à un poste clef du pouvoir en tant qu’ancien directeur des relations publique chez Areva. A ce titre il a blanchi, verdi ou embelli l’image d’une entreprise aujourd’hui en faillite et les conditions d’exploitation de l’uranium très controversés au Niger. Bref en tant que grand démagogue d’Aréva et premier palefrenier de Juppé, c’est déjà un personnage fossilisé de l’Ancien Régime !
Coup de théâtre, E. Macron a trouvé des atomes crochus entre Nicolas Hulot et Édouard Philippe pour l’intégrer à son gouvernement. Mais bien sûr personne n’est dupe sur la fonction qui l’attend dans ce gouvernement. Les deux hommes sont des communicants dans les vases sordides de la République. « C’est bien l’argent des grands spéculateurs les plus pollueurs qu’il blanchit, ou verdit, dans sa fondation ! » déclarait en 2008 un député du Modem 7. La fondation qui porte le nom du ministre de la « transition écologique et solidaire » a été ou est financée par EDF, RTE, Bouygues, TF1, Saint-Gobain, Carrefour, Autoroutes du Sud de la France, Kering, L’Oréal, Lesieur, SNCF, Veolia…8. En 2015, ces contributions se montaient à 2,5 millions d’euros (plus de la moitié du budget de l’association). Après tant d’argent sale accumulé auprès de grandes firmes, ce contorsionniste de haut vol en rhétorique écologique ne peut plus se défausser. Par pragmatisme ou opportunisme, il finit sa carrière en grande pompe au service du greenwashing de la 5e République.
Pour l’instant, les positions du successeur de Ségolène Royal sont les suivantes : pour la sortie du nucléaire -seulement après Fukushima ; pour l’arrêt du projet d’aéroport NDDL -tout en tenant un peu compte du résultat du referendum ; pour l’installation des compteurs « intelligents » linky (énorme arnaque concoctée par Enedis, ex-ERDF) ; contre l’exploitation du gaz de schiste. E = m c², a priori les atomes crochus risquent de faire des étincelles… Tôt ou tard, il devrait y avoir des frictions avec le chef du gouvernement ou le Président ? Pour le moment, l’équipé doit faire bloc pour passer le cap les législatives ! Dans cette perspective, le gouvernement va tout faire pour donner le change… en s’ouvrant aux problèmes environnementaux, sociaux et économiques. La façade doit être lisse et verte jusqu’au 18 juin.
La suite de cet article demain
Notes
1- Le Monde Diplomatique ; mai 2017
2- https://www.bastamag.net/Pincon-Charlot-Emmanuel-Macron-est-un-extraordinaire-porte-parole-de-l
3- Le Monde Diplomatique ; novembre 2016
http://www.monde-diplomatique.fr/2016/11/QUATREPOINT/56762
4- http://alternatives-projetsminiers.org/mine-responsable-un-nouvel-oxymore/
6- http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/hollande-macron-la-grande-191584
7- Jean Lassalle, député des Pyrénées-Atlantiques à l’Assemblée nationale ; 2008
8- http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/nicolas-hulot-ou-le-syndrome-de-63787
https://www.decroissance.org/?chemin=textes/hulot
https://reporterre.net/Hulot-est-un-homme-d-une-rare-naivete-pour-rester-poli