D’un projet industriel à un projet financier
En 2004, la société European Gas Limited (EGL) demande un permis de recherche exclusif (PERH) en vue de l’exploitation du gaz de couche (CBM) et gaz de mine (CMM). Elle obtient le permis « bleue Lorraine ».
Le gaz de mine est le méthane qui s’échappe naturellement des galeries des anciennes mines de charbon. L’entreprise Gazonor l’extrait par simple captage depuis 1992, ce qui contribue à la mise en sécurité du bassin minier du Nord. Le gaz de couche est le méthane contenu dans les couches profondes de charbon (1000 à 2000 m). A quelques exceptions près, partout dans le monde où ce gaz est exploité (États-Unis, Australie, Chine), la très controversée technique de la fracturation hydraulique est utilisée.
Pour estimer la ressource en gaz de couche le forage de Folschviller est réalisé en 2008. Il a, d’après la presse, subi une fracturation hydraulique2. C’est le seul puits qui a permis une certification de ressources. EGL a foré d’autres puits en Lorraine mais aucun n’a donné de résultats probants : ennoyage en continu, rencontre de failles très importantes…
En Juillet 2011, la loi Jacobs interdit la fracturation hydraulique. EGL se lance alors dans la recherche d’une technique alternative : forages avec des drains horizontaux + « stimulation du massif rocheux » (terme utilisé dans les Demandes d’Autorisation d’Ouverture de travaux Miniers). Mais cette technique tant vantée par EGL et utilisée à Tritteling (Lorraine) ne permet pas de certifier d’autres ressources : sans fracturation hydraulique le gaz de couche est-il vraiment exploitable ?
En 2016, l’entreprise est rebaptisée « La Française de l’Énergie (LFDE) » pour se donner une couleur locale et est introduite en bourse en Juin 2016. Cette manipulation permet à LFDE de racheter Gazonor car en Lorraine, pas un seul mètre cube de gaz n’a été vendu. L’activité « gaz de mine du Nord », est leur seul revenu pour continuer des activités de recherche en Lorraine où 16 forages d’exploration sont d’ores et déjà programmés.
Des dégâts potentiellement importants sur l’environnement
Le charbon est une roche fragile, naturellement fracturée. Aussi, le gaz pourra emprunter les failles et fissures et aller contaminer les nappes phréatiques 3. L’eau qui a servi au forage, additionnée de nombreux produits chimiques, (soude, lubrifiants, antimousse … 4) est une autre source possible de pollution de l’eau. L’entreprise aurait-elle rémunéré un hydrogéologue pour travailler sur « le déplacement possible d’une pollution dans la nappe phréatique » 5 si la contamination était impossible, comme le prétend LFDE ?
En Lorraine comme dans le Nord de la France, les terrains ont été fragilisés par les galeries creusées lors de l’exploitation du charbon ; des affaissements de terrains s’y produisent régulièrement 6. Les forages ne feront qu’augmenter ces risques !
LFDE prétend que les nappes seront isolées par x couches de ciment : quel ciment résiste aux affaissements de terrains ? Mais aussi, quels bâtiments leur résistent ?
Et surtout, le gaz de couche est pour l’instant enfoui dans les couches géologiques profondes du sous-sol : il n’a pas vocation à alimenter l’effet de serre (fuites de méthane, CO2 issu de la combustion), alors que les scientifiques lancent des cris d’alerte sans cesse plus inquiétants sur les changements climatiques.
Tous ces risques pour une année de consommation française : les prévisions en Lorraine sont de 5% sur 20 ans ! Après la fermeture des puits (5 à 15 ans en moyenne), lorsqu’il faudra gérer les conséquences (fuites de gaz, nappe phréatique polluée, affaissement de terrains…), LFDE avec ses actionnaires assumera-t-elle ses responsabilités ?
Pour l’activité « gaz de mine » dans le Nord/Pas-de-Calais, LFDE choisit de transformer ce gaz en électricité avec un rendement de 37%, ce que nous considérons comme un formidable gaspillage de ressources qui sert surtout pour LFDE à engranger les subventions et faire mousser sa production de gaz de mine auprès de ses investisseurs 7.
Des appuis au plus haut niveau
Notons que Mr Macron dont la campagne n’a laissé aucune place à l’écologie s’est prononcé avec enthousiasme pour l’exploitation du gaz de couche en Lorraine 8. Si le besoin de fracturer est avéré, soutiendra-t-il l’abrogation de la loi Jacobs ? Ou son aménagement pour l’exploitation des gaz de couche ?
De plus, Mr Macron est un fervent défenseur du CETA qui pourrait, s’il était ratifié, nous imposer le choix du pire 9.
La nomination d’Edouard Philippe nous interroge : il s’est prononcé favorablement pour la réouverture du dossier gaz de schiste à l’Assemblée nationale 10.
Mr Alain Liger était directeur de la DREAL Lorraine jusqu’en février 2016, date à laquelle il démissionne. Quelques mois plus tard, le voilà au conseil d’administration de la Française de l’énergie. Il fut aussi président du Comité de pilotage de l’initiative « Mine responsable » lancée en 2015. !
L’opposition se lève
L’entreprise se targue d’avoir l’adhésion de la population locale. Pourtant l’opposition se lève et des collectifs et associations d’opposition à ces projets se sont créés en Lorraine comme dans le Nord de la France. Une marche de protestation a lieu chaque mois en Lorraine ; un rassemblement a eu lieu le 30 Avril dernier.
Les conseils municipaux de Zimming, Lachambre et Longeville-lès-Saint-Avold ont exprimé leur désaccord suite à l’enquête publique, des communes commencent à refuser de laisser leurs terrains à la FDE….
Dans le Nord de la France, de nombreuses actions ont déjà été menées et beaucoup d’autres sont prévues.
http://houille-ouille-ouille-5962.com/
Notes
2- http://lasemainenumerique.fr/net/lasemaine.fr/nsf/bg.nsf/w2/30072008111054PTICSD.htm)
4- Document de la DREAL, consultable sur demande a à l’association APPEL 57
5- https://www.linkedin.com/in/issouf-sidib%C3%A9-91360666/?ppe=1
7- http://www.businesswire.com/news/home/20161106005084/fr/
9- http://affaires.lapresse.ca/economie/canada/201211/23/01-4597025-lone-pine-poursuit-ottawa.php
10- http://www.natura-sciences.com/environnement/edouard-philippe-premier-ministre-environnement2.html