Fonzy nous envoie son septième témoignage. Plus de 6 ans après la catastrophe nucléaire, on ne parle plus guère de Fukushima au Japon.
L’accident est voulu par le pays comme un évènement du passé dont les conséquences seraient négligeables. Pourtant, il est encore bien présent pour les personnes évacuées à qui l’on supprime les indemnités et pour les enfants qui subissent les effets de la radioactivité dans la préfecture de Fukushima. Les derniers chiffres officiels annoncent 152 personnes atteintes d’un cancer de la thyroïde, ce qui est bien plus que le nombre attendu dans la population en temps normal. Loin des problèmes locaux de Fukushima, Fonzy nous parle de son ressenti et remarque certains changements dans son environnement.
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Coucou c’est Fonzy qui habite toujours à 280 km de la centrale Fukushima Daiichi. Ici, tout va bien, enfin tout paraît normal comme avant. Moi je m’attendais, peut-être comme la plupart d’entre vous, plutôt à de grands changements au niveau de la population à cause de la radioactivité : beaucoup de personnes souffrant de cancers, de morts brutales par crise cardiaque ou de la leucémie. Mais pour l’instant, ce n’est pas le cas, au moins ici dans mon entourage.
Toutefois tout n’est pas pareil. Je dirais qu’il y a de petites choses, très subtiles, pas dramatiques, mais nouvelles que l’on rencontre de plus en plus souvent. Par exemple, la grippe n’est plus quelque chose que l’on attrape seulement en hiver. Même maintenant, au début d’été, ce n’est pas rare de rencontrer quelqu’un, un adulte, qui vous dit qu’il était souffrant plusieurs jours à cause de la grippe. Je connais aussi des étudiants qui étaient absents à cause de la pneumonie, ou de la méningite, ou une maladie dont j’ignore le nom. Ce n’est pas fréquent, mais cela arrive au moins une ou deux fois par an. Avant 2011 c’était beaucoup plus rare.
Il y a aussi plus de personnes qui s’énervent plus facilement, y compris moi d’ailleurs. Quand il y a quelqu’un qui me bouscule dans le train et qui ne s’excuse pas, je sens la colère qui monte facilement malgré moi. J’entends aussi depuis un ou deux ans des retards du train à cause des querelles entre voyageurs, ce qui était quasiment nul avant. Récemment je me suis fait engueuler dans le train alors que je bavardais avec un étudiant. Nous n’avions pas parlé fort, mais le monsieur qui dormait pas loin nous a dit « Taisez-vous, surtout, toi, le gars, tu comprends ! » C’était un monsieur d’une soixante d’années avec une veste et une cravate, qui avait l’air correct. Effectivement la vie urbaine, surtout dans les transports en commun à Tokyo, est hyper stressante, mais avant nous étions plus polis et plus courtois. J’ajoute aussi que nous avons toujours des personnes qui ont des malaises dans le train et qui perturbent les transports. Cela est maintenant devenu un incident quotidien.
Le changement ne se trouve pas seulement chez les humains. On constate des arbres qui meurent petit à petit surtout au bord de la route. C’est Kasai (@makotokasai) qui remarque et tweete régulièrement que meurent dans la région de Kanto de nombreux arbres. C’est effrayant de voir ses photos qui montrent que toutes sortes d’arbres, ginkgos, cerisiers, camphriers, azalées… sont en train de mourir car ils perdent leurs branches et leurs feuilles. On parle également depuis deux ou trois ans de la fleur des bambous qui ne fleurissent qu’une fois tous les cent ou deux cents ans. C’est un phénomène très très rare, et on dit que la floraison est le signe que donnent certaines espèces de bambou avant qu’ils ne meurent. Pourtant cette année on voit un peu partout des fleurs de bambou ; Tokyo, Yokohama, Karuizawa, Shizuoka, Hyogo (plus de 600 km de Fukushima Daiichi), Yamagata (en juin 2014), Kyoto (en avril 2015)…. On n’en connaît pas la cause, mais nos ancêtres disaient que c’est un mauvais signe. Nous espérons qu’il n’arrivera pas de nouveaux grands tremblements de terre. Eh oui, ici les séismes nous font plus peur que la radioactivité…
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