Qu’on ne s’y trompe pas : la réforme du code du travail projetée est une attaque d’une ampleur encore inconnue en France. Il s’agit ni plus ni moins de détricoter le noyau dur des acquis sociaux déjà mis à mal par les multiples offensives des gouvernements successifs.
Les luttes sociales en France de ces 30 dernières années ont réussi tant bien que mal à limiter les effets des restrictions libérales des droits des salarié-e-s.
Macron veut faire disparaître cette exception, tout simplement.
Le consentement imposé
Il applique au gouvernement les méthodes patronales éprouvées.
L’entreprise « ToutEnMacron « accepte » de discuter de ses choix avec les « partenaires sociaux », pour les convaincre de les appuyer, et si ce n’est pas possible de convaincre, il imposera ses décisions.
C’est la technique du consentement imposé. On fait une proposition très provocatrice, on débat avec les organisations syndicales en acceptant quelques modifications de détail qui ne changent en rien le projet global, quand elles ne sont pas prévues dès le départ, et on fait le chantage, c’est ce projet modifié avec votre accord, ou le projet pire sans celui-ci. ! Et il appelle cela de la négociation….
Pour convaincre, il y a beaucoup de communication, mais si ça ne marche pas, la répression est là pour empêcher toute opposition réelle.
Une réalité disparaît dans tous ces débats : le fait que les intérêts des salarié-e-s, pour être satisfaits, nécessitent une remise en cause des profits et des pouvoirs patronaux, et inversement.
Car les modifications envisagées très vite vont avoir des effets sur la situation des salarié-e-s. Si l’on ne sait exactement ce qui sortira finalement dans les ordonnances, il est possible d’ores et déjà de pointer les logiques à l’œuvre et leur nocivité, au moins sur deux sujets sans oublier la perspective de fusion des institutions représentatives du personnel.
Protéger les employeurs qui licencient contre les salarié-e-s qui perdent leur emploi !
La préoccupation systématique du projet est de faciliter les licenciements et de décourager les salarié-e-s d’avoir recours à la justice pour combattre les abus patronaux. Les employeurs, qui ont tous les droits au moment de la conclusion du contrat de travail, veulent légaliser les licenciements abusifs.
La possibilité de débattre dans les accords d’entreprise la durée de la période d’essai (durant laquelle il n’y a pas besoin de motif pour rompre le contrat de travail), de celle du préavis de licenciement, du motif de licenciement et du montant des indemnités va dans ce sens. Le plafonnement des indemnités prud’homales s’ajoute aux mesures antérieures qui visent à limiter l’efficacité d’un recours aux prud’hommes. Les démarches sont de plus en plus complexes et découragent d’ores et déjà. Aujourd’hui il y a deux fois plus de ruptures conventionnelles que de procédure prud’homales.
Pour justifier la protection des employeurs, l’argument avancé est le niveau de chômage. A qui peut-on faire croire que licencier crée des emplois ?
De la concurrence, toujours plus de concurrence !
Lorsqu’un accord de branche est en application, toutes les entreprises concernées ont des obligations sociales similaires. Avec le principe de faveur, l’évolution générale est l’amélioration de la situation des salarié-e-s. Une fois ce principe éliminé, dès lors qu’un accord d’entreprise peut diminuer ces obligations sociales, l’employeur qui a réussi à imposer le moins disant social, le plus souvent en faisant un chantage à l’emploi, exerce une pression sur les autres. C’est le détricotage par le moins disant social qui est à l’œuvre. Ce n’est pas parce que cette évolution se fait lentement, par accords d’entreprises successifs, qu’elle ne produit pas ses effets : la dynamiques est implacable. On a connu cela pour la durée du travail, mais la généralisation de cette évolution aux CDD, aux contrats de travail temporaires, aux clauses du contrat de travail, aux conditions de sécurité etc… modifiera en profondeur la logique du droit du travail.
Qu’une régression de cette ampleur, qui instaure une flexi-exploitation à tous les niveaux puisse être envisagée dans un pays où 70% de la population est toujours hostile à la loi El Khomri, qui n’était que l’avant projet de ce qui est en préparation aujourd’hui montre bien qu’il y a un grave problème démocratique. Le système électoral de la V° république permet à un président n’ayant recueilli que 24% des voix au premier tour avant de capter les voix de celles eu ceux qui voulaient faire barrage à Le Pen, et à ses députés, élus avec 31% de 49% des votants d’avoir la totalité des moyens institutionnels.
Plus que jamais la construction de convergences d’action pour faire face à cette offensive est nécessaire. La Fondation Copernic, à son échelle, fera tout ce qui est en son pouvoir pour les favoriser.
Patrick Le Moal, inspecteur du travail, Fondation Copernic
fondation-copernic.org/index.php/2017/06/26/la-flexi-exploitation-en-marche/