Cela n’aura pas traîné longtemps, le nouveau ministre de la Transition écologique (et solidaire) Nicolas Hulot vient de sortir son « plan climat ». Dans le domaine des transports, il a annoncé la fin des véhicules diesel et essence à l’horizon 2040.
En marche donc vers le tout-électrique! Ce dont Ségolène Royal rêvait, Nicolas Hulot va le réaliser, enfin surtout ses successeurs vu qu’on est censé y arriver dans 23 ans. Une France remplie de voitures électriques subventionnées pas l’Etat, qui n’a pourtant plus un sous. C’est triste et pitoyable, surtout de la part de quelqu’un comme Hulot. Pas un mot sur la marche, le vélo, les transports en commun, l’urbanisme ou l’aménagement du territoire. Tout se résume, une fois de plus, à un énième plan pour généraliser la voiture électrique…
Et comme on fait les meilleures soupes dans les vieilles gamelles, on nous ressort la prime à l’achat de voitures dites « propres ». Les ménages les plus modestes devraient bénéficier d’une prime pour se débarrasser de leurs voitures polluantes au profit d’un véhicule plus « propre ». M. Hulot n’a toutefois pas précisé le montant de cette « prime de transition ». Elle sera proposée pour remplacer les voitures à essence d’avant 1997 ou à diesel d’avant 2001. Après les balladurettes et les juppettes, voici donc ce que l’on appellera peut-être les « hulettes ».
En fait, ce sera peut-être la seule trace laissée par Nicolas Hulot au ministère, un nom de prime pour l’achat de voitures…
Passons sur le fait que généraliser la voiture électrique à l’échelle française suppose quelques évolutions substantielles du système actuel: une autonomie des batteries qui permette de ne pas tomber en rade à tout bout de champ, un réseau national de bornes de recharge conséquent coûtant des milliards et financé probablement avec de l’argent public, des temps de recharge des batteries qui permettent de ne pas passer autant de temps à la station-service que sur la route, un coût de la voiture électrique acceptable sans financements massifs d’argent public, une production d’électricité suffisante dans un contexte où on va fermer les centrales à charbon et des dizaines de réacteurs nucléaires…
Passons aussi sur le fait qu’un parc de voitures électriques provoquera autant d’embouteillages qu’un parc de voitures essence ou diesel.
Et donc, arrivons-en à ce qui est censé être la plus-value du passage à un parc automobile entièrement composé de voitures électriques. Selon Hulot, ce sera bon pour le climat avec moins d’émissions de CO2.
Ceci semble faire l’impasse sur le fait que toute voiture neuve, électrique ou thermique, nécessite une trentaine de tonnes de matières premières pour sa seule fabrication. Ces matières premières proviennent des quatre coins du monde, sont transportées à travers les océans pour arriver dans des usines elles-mêmes situées aux quatre coins de la planète. Une fois les pièces détachées fabriquées, on repart pour un tour à travers les océans, pour finir dans les usines d’assemblage des constructeurs de voitures, elles-mêmes situées plus ou moins loin des bassins de consommation.
Par ailleurs, un parc de voitures électriques nécessitera probablement encore plus de matières premières rares, pour les batteries entre autres, exploitées à l’autre bout du monde, et au prix sans doute là aussi de fortes émissions de CO2…
Toutes ces émissions de CO2 seront portées au débit des pays producteurs de matières premières ou fabricants de pièces détachées, c’est-à-dire de moins en moins la France.
Comme nous n’aurons plus de centrales à charbon et de moins en moins de nucléaire, comment allons-nous faire pour faire rouler toutes ces voitures électriques? Sûrement pas en développant l’hydro-électricité qui pourrit déjà un nombre considérable de fleuves et de rivières en nuisant à la biodiversité.
Probablement en développant massivement les éoliennes et les panneaux solaires produits en Chine? Autant de solutions elles-mêmes fortement émettrices de CO2, car ces technologies souvent complexes ne se produisent pas avec du vent et de la lumière… Mais bon, là aussi, l’exploitation des matières rares nécessaires à la production et au transport d’éoliennes ou de panneaux solaires n’affectera pas le bilan carbone de la France.
Ceci dit, il y a une véritable cohérence politique entre le programme libéral de Macron et le programme environnemental de Hulot. D’un côté, le libéralisme débridé et la mondialisation provoquent les délocalisations massives de l’emploi industriel vers les pays à moins-disant social et environnemental. De l’autre, toutes ces productions industrielles qui ne se font plus en France, y compris les voitures, nous permettent de baisser nos émissions officielles de CO2 et de nous donner le beau rôle dans le cadre du respect des Accords de Paris sur le climat.
Le monde selon Hulot ressemble ainsi à une jolie cage dorée, celle des pays comme la France qui délocalisent leurs émissions de CO2 dans ce que l’on appelle les pays en développement. Ces pays peuvent ainsi périodiquement organiser de grandes conférences sur le climat pour donner des leçons au reste de la planète. La mauvaise nouvelle pour Hulot, c’est que le climat de la Terre se fout de savoir si les émissions de CO2 proviennent de France, de Chine ou du Bangladesh.
Dans le monde de Hulot, nous aurons en France des villes bien propres remplies de voitures électriques « n’émettant pas de gaz à effet de serre ou autres polluants. » Dans le monde de Hulot, nous serons les champions de la propreté et des bons conseils gratuits aux autres.
Dans le monde de Hulot, l’industrie automobile dite « française » (qui produit désormais pourtant plus de voitures à l’étranger qu’en France) deviendra forcément la championne mondiale de la voiture électrique, car en France, dès qu’on se lance dans quelque chose, on vise toujours la première place mondiale même si ça se termine souvent comme le minitel…
Cette industrie automobile « française » va forcément conquérir le monde avec ses voitures électriques largement financées par l’État français et donc, vendre à terme des millions de voitures électriques en Chine ou dans la plupart des pays du monde où l’électricité est massivement produite avec du charbon. Mais, ce n’est pas notre problème puisque nous, nous aurons fermé nos centrales à charbon d’ici là.
Dans le monde de Hulot, nous serons les champions du climat avec nos millions de voitures électriques. Parce que la France le vaut bien…
carfree.fr