on peut imaginer ce qu’il resterait de l’agriculture…”
A 32 ans, Gaëlle Naullin s’est installée cette année en Gaec avec son mari, Mathieu, membre du comité départemental de la Confédération paysanne de Dordogne. Elle est présidente de la Maison des paysans, association de développement agricole du département.
Gaëlle, peux-tu nous présenter ton parcours et les raisons qui ont fait que tu es devenue paysanne ?
Depuis mon enfance, j’ai toujours entendu parlé d’agriculture. Mes parents étaient ouvriers agricoles. A la maison, j’écoutais les conversations sur l’initinéraire de culture des tomates hors sol. Mais je n’ai pas suivi d’études agricoles puisque j’ai été auxiliaire de vie sociale de formation, puis de travail. Dans ce secteur, j’ai trouvé qu’il manquait beaucoup d’humanité et j’ai eu envie de ne plus être un pion parmi d’autres. Mon conjoint étant paysan, je me suis prise au jeu, j’ai pris goût à l’agriculture !
La loi qui a permis aux couples de s’associer en Gaec – grâce à l’action de la Confédération paysanne – a été un déclic. J’ai passé en 2013 un brevet professionnel (BPREA bio) à Périgueux et me suis installée cette année sur la ferme, à Église-Neuve-de-Vergt. J’ai racheté les parts sociales de mon beau-père et suis donc associée avec mon mari qui, lui, est installé depuis 2008.
Quelles sont les productions du “Gaec des délices” ?
C’est une ferme en polyculture-élevage, avec un petit troupeau de dix vaches mères de race limousine, un hectare de fraises et 0,8 hectare de verger diversifié. Nous travaillons en bio sur 20 hectares, dont 14 en propriété et 6 en fermage, ce qui nous permet de faire les rotations fraises et prairies fourragères (céréales, luzerne).
Nous vendons environ 10 tonnes de fraises à l’année : 70% sont expédiés chez des grossistes bio (Bordeaux, Rungis et Agen) et 30% sont vendus localement (à la ferme, aux écoles, en amap…).
Pour la viande, nous faisons découper à façon et vendons en caissettes aux particuliers et aux écoles. Sur cet atelier de production, même si nous sommes autonomes en aliment pour le bétail, nous souhaiterions encore diminuer le nombre de vaches. Nous aimerions être moins dépendants des aides Pac (1). Evidemment, c’est une réflexion propre qui s’applique très difficilement à d’autres fermes. Cette évolution pourrait se concrétiser cette année alors que la ferme entre dans une nouvelle configuration car mon beau-père a pris sa retraite et c’est ma première année d’installation. Même si la transmission a été très sécurissante de part et d’autre, travailler dans une ferme familiale revêt aussi des difficultés, comme remettre en cause la parole de l’”ancien” : pas facile de “ramener sa fraise”…
D’où est venu ton engagement à la Maison des paysans et à la Confédération paysanne ?
Par différents concours de circonstances, je suis allée une année à l’assemblée générale de la Maison des paysans qui fait partie du réseau des associations pour le développement de l’emploi agricole et rural (Fadear). J’en suis maintenant présidente depuis trois ans et trouve une cohérence encore plus forte entre le vécu de la ferme en agriculture paysanne et la Maison des paysans.
Mon engagement m’apporte beaucoup. Il m’apprend notamment à me positionner, à être capable d’exprimer mon opinion et à faire passer un message. Je n’avais aucune “formation politique”, mes parents ne votaient pas. La Maison des paysans m’a permis de me politiser, au sens large du terme. Elle m’a permis aussi de mieux connaître mon territoire. Matthieu étant au comité départemental de la Conf’, notre couple a un pied dans le développement, un pied dans l’action syndicale. Si la Confédération paysanne n’existait pas, on peut imaginer ce qu’il resterait de l’agriculture…
Propos recueillis par Myiam Bourgy,
animatrice de la Confédération paysanne de Dordogne
(1) Environ 6000€ pour cette ferme.
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La Maison des paysans de Dordogne
La Maison des paysans de Dordogne est une association de développement rural qui œuvre depuis cinq ans pour l’installation et la transmission de fermes en agriculture paysanne dans le département. Proche du terrain, elle propose d’accompagner les porteurs de projets agricoles de manière individuelle, par une aide à l’élaboration du projet d’ installation (diagnostic avant installation, étude prévisionnelle économique, suivi post-installation). Elle propose également un accompagnement collectif : organisation de cafés installation, lieux privilégiés d’échanges et de discussions autour des projets d’installation. Elle met en relation cédants et porteurs de projet et propose des outils favorisant la transmission de ferme.