Pour Yves Cochet, ancien ministre de l’environnement, président de l’institut Momentum, il est trop tard, l’effondrement est imminent : la faillite, la guerre, la mort, l’apocalypse presque, tout se produira dans 3, 5 ou 13 ans pour lui c’est une certitude…
Chaque jour, j’apprends de nouvelles raisons de s’alarmer de l’accélération de la catastrophe, de l’avancée du dérèglement climatique et de la sixième extinction. Chaque jour, j’apprends un peu plus. La pénurie du sable sur le marché mondiale de la construction, je ne savais pas et il me faudrait tout un billet pour en parler ici. L’empoissonement de l’ensemble des océans par les micro particules de plastiques, je n’avais pas compris, etc… C’est le cyclone Harvey qui frappe le Texas ! Mercredi 23 août ce sont quatre millions de mètre cubes de boue et de rochers qui se sont déversés en Suisse, (14 disparus), les pluies diluviennes en Sierra-Leone qui ont fait au moins 312 morts à la mi août… Il y a quinze ans environ je déjeunais avec Hervé Le Treut qui dirige l’organisme Français qui travaille sur la modélisation du climat. Nous étions assez calme, il prédisait que la prise de conscience pourrait venir d’une catastrophe climatique majeure… Je lui ai demandé c’est quoi une catastrophe majeure ? 1 million de morts m’a t il dit avec sérieux. Nous n’en sommes pas encore là, mais à voir comment la planète boue de toute part, et le contentement de grenouille de certains qui se baignent dans la chaleur de l’eau, j’ai bien peur qu’Yves Cochet ne soit jamais entendu… Je sais qu’il a raison, il ne se trompe que de quelques semaines… Cela arrivera probablement avant ? Vous ne croyez pas ?
Voici son texte, que je livre ici au complet, paru dans le journal Libération.
Pol, sur mediapart
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« De la fin d’un monde à la renaissance en 2050
Il y a trente-trois ans naissaient Les Verts, première organisation unifiée de l’écologie politique en France. Jusqu’à aujourd’hui, les représentants de ce parti, puis ceux de son successeur EE-LV, ont rempli presque tous les types de mandats aux fonctions électives des institutions républicaines. Pour rien, à peu de choses près. Sous l’angle écologique de l’état géo-bio-physique de la France – de l’Europe et du monde – avouons que l’état de santé de ces territoires ne cesse de se dégrader par rapport à celui de 1984, comme le montrent à l’envie les rapports successifs du Giec, du PNUE, du Programme géosphère-biosphère et autres publications internationales alarmistes les plus récentes. Sous l’angle social et démocratique, le constat est du même ordre : creusement des inégalités, accroissement de la xénophobie, raidissement des régimes politiques. Initialement munis d’une immense générosité intellectuelle et porteurs de la seule alternative nouvelle à la vieille gauche et à la vieille droite, les écologistes politiques ont aujourd’hui presque tout perdu, même leurs sièges. Ils apparaissent périmés, faute d’être présents au réel. Celui-ci a beaucoup changé depuis trente-trois ans, particulièrement par le passage du point de bascule vers un effondrement global, systémique, inévitable. Jadis, inspirés par le rapport Meadows ou les écrits de Bernard Charbonneau, René Dumont et André Gorz, nous connaissions déjà les principales causes de la dégradation de la vie sur Terre et aurions pu, dès cette époque et à l’échelle internationale, réorienter les politiques publiques vers la soutenabilité. Aujourd’hui, il est trop tard, l’effondrement est imminent.
Bien que la prudence politique invite à rester dans le flou, et que la mode intellectuelle soit celle de l’incertitude quant à l’avenir, j’estime au contraire que les trente-trois prochaines années sur Terre sont déjà écrites, grosso modo, et que l’honnêteté est de risquer un calendrier approximatif. La période 2020-2050 sera la plus bouleversante qu’aura jamais vécue l’humanité en si peu de temps. A quelques années près, elle se composera de trois étapes successives : la fin du monde tel que nous le connaissons (2020-2030), l’intervalle de survie (2030-2040), le début d’une renaissance (2040-2050).
L’effondrement de la première étape est possible dès 2020, probable en 2025, certain vers 2030. Une telle affirmation s’appuie sur de nombreuses publications scientifiques que l’on peut réunir sous la bannière de l’Anthropocène, compris au sens d’une rupture au sein du système-Terre, caractérisée par le dépassement irrépressible et irréversible de certains seuils géo-bio-physiques globaux. Ces ruptures sont désormais imparables, le système-Terre se comportant comme un automate qu’aucune force humaine ne peut contrôler. La croyance générale dans le libéral-productivisme renforce ce pronostic. La prégnance anthropique de cette croyance est si invasive qu’aucun assemblage alternatif de croyances ne parviendra à la remplacer, sauf après l’événement exceptionnel que sera l’effondrement mondial dû au triple crunch énergétique, climatique, alimentaire. La décroissance est notre destin.
La seconde étape, dans les prochaines années 30, sera la plus pénible au vu de l’abaissement brusque de la population mondiale (épidémies, famines, guerres), de la déplétion des ressources énergétiques et alimentaires, de la perte des infrastructures (y aura-t-il de l’électricité en Ile-de-France en 2035 ?) et de la faillite des gouvernements. Ce sera une période de survie précaire et malheureuse de l’humanité, au cours de laquelle le principal des ressources nécessaires proviendra de certains restes de la civilisation thermo-industrielle, un peu de la même façon que, après 1348 en Europe et pendant des décennies, les survivants de la peste noire purent bénéficier, si l’on peut dire, des ressources non consommées par la moitié de la population qui mourut en cinq ans. Nous omettrons les descriptions atroces des rapports humains violents consécutifs à la cessation de tout service public et de toute autorité politique, partout dans le monde. Certains groupes de personnes auront eu la possibilité de s’établir près d’une source d’eau et de stocker quelques conserves alimentaires et médicamenteuses pour le moyen terme, en attendant de réapprendre les savoir-faire élémentaires de reconstruction d’une civilisation authentiquement humaine. Sans doute peut-on espérer que s’ensuive, autour des années 50 de ce siècle, une troisième étape de renaissance au cours de laquelle les groupes humains les plus résilients, désormais privés des reliques matérielles du passé, retrouvent tout à la fois les techniques initiales propres à la sustentation de la vie et de nouvelles formes de gouvernance interne et de politique extérieure susceptibles de garantir une assez longue stabilité structurelle, indispensable à tout processus de civilisation.
Ce type de sentences aussi brèves qu’un slogan peuvent entraîner une sensation de malaise chez le lecteur qui viendrait à se demander si la présente tribune n’est pas l’œuvre d’un psychopathe extrémiste qui se vautre dans la noirceur et le désespoir. Au contraire, débarrassés d’enjeux de pouvoir et de recherche d’effets, nous ne cessons d’agir pour tenter d’éviter la catastrophe et nous nous estimons trop rationnels pour être fascinés par la perspective de l’effondrement. Nous ne sommes pas pessimistes ou dépressifs, nous examinons les choses le plus froidement possible, nous croyons toujours à la politique. Les extrémistes qui s’ignorent se trouvent plutôt du côté de la pensée dominante – de la religion dominante – basée sur la croyance que l’innovation technologique et un retour de la croissance résoudront les problèmes actuels. Si notre prospective est la plus rationnelle et la plus probable, reste à en convaincre les militants d’EE-LV, les Français et tous nos frères et sœurs en humanité. La dissonance cognitive de nos sociétés empêche que ceci soit possible en temps voulu. Cependant, les orientations politiques déduites de cette analyse deviennent relativement faciles à décrire : minimiser les souffrances et le nombre de morts pendant les décennies à venir en proposant dès aujourd’hui un projet de décroissance rapide de l’empreinte écologique des pays riches, genre biorégionalisme basse-tech, pour la moitié survivante de l’humanité dans les années 40. Autrement dit, profiter de la disponibilité terminale des énergies puissantes et des métaux d’aujourd’hui pour forger les quelques outils, ustensiles et engins simples de demain (les années 30), avant que ces énergies et ces métaux ne soient plus accessibles. Sans surprise, hélas, notre perspective générale ne semble pas encore partagée par la majorité des écologistes qui tiennent leurs Journées d’été européennes à Dunkerque. Ainsi, la plénière finale du samedi 26 août est-elle en partie consacrée au «développement industriel» en Europe. Un élan vers le pire. »
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