Le commissaire-enquêteur émet un avis défavorable à l’urbanisation du Triangle de Gonesse incluant Europacity à l’issue de l’enquête publique
L’objet principal de la révision du Plan local d’urbanisme (PLU) de Gonesse, mis à enquête publique en juin dernier, était l’urbanisation, à 16 km au nord de Paris, de 300 des 700 hectares du Triangle de Gonesse, et son corollaire, le projet Europacity, centre commercial et parc de loisirs géant porté par le groupe Auchan et l’investisseur chinois Wanda.
Le commissaire-enquêteur a rendu un avis qu’on peut qualifier de très défavorable à cette révision. http://www.ville-gonesse.fr/content/rapport-denqu%C3%AAte-publique-sur-la-r%C3%A9vision-du-plu
Des conclusions du rapport, il ressort que « L’orientation d’aménagement et de programmation du Triangle de Gonesse présente des impacts environnementaux négatifs à très négatifs qui vont à l’inverse des grandes orientations politiques nationales et internationales en matière de lutte contre la disparition des terres agricoles, de lutte contre le réchauffement climatique ».Bien d’autres observations portant sur le manque de fiabilité du projet d’aménagement du Triangle de Gonesse ont été avancées pour justifier un tel avis.
Bien que consultatif, l’avis défavorable rendu par le commissaire-enquêteur à l’issue de l’enquête publique intervient après les avis très critiques émanant de l’Autorité environnementale et défavorable de la CDPENAF (commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers), présidée par le préfet du Val d’Oise. Il est clair que l’Etat ne peut laisser faire, ce qui corrobore les déclarations de Nicolas Hulot sur l’incompatibilité d’EuropaCity avec les objectifs climatiques de la France. Il est nécessaire d’abandonner ce projet coûteux et destructeur, et urgent de passer des discours sur le développement durable aux actes pour l’avenir du Triangle de Gonesse.
Ce projet est d’un autre temps. Ce qui était envisageable il y a vingt ans n’est plus acceptable aujourd’hui. Avec l’accélération du dérèglement climatique, l’aggravation des nuisances et des inégalités pour les habitants de l’Ile de France, il n’est plus possible de bétonner à tout-va.
Or il existe un projet alternatif à la construction du centre commercial Europacity qui prévoit la valorisation des terres agricoles du Triangle de Gonesse autour d’un cycle d’économie circulaire en agro-écologie : il envisage la création d’emplois durables et utiles dans le domaine de la transition énergétique ainsi que la localisation dans le Nord-Est francilien d’un centre de recherches, d’innovations et de transfert de technologies sur l’agro-écologie et la sécurité alimentaire. Porté par le groupement CARMA (Coopération pour une Ambition Rurale et Métropolitaine Agricole), qui fédère des professionnels de l’aménagement et des associations régionales et locales, ainsi que des acteurs économiques nationaux. Ce projet qui devrait faire l’objet d’une co-construction avec de nombreux partenaires propose de répondre aux besoins des habitants de l’Ile-de-France en s’appuyant sur le patrimoine agricole de proximité pour en faire un levier d’attractivité et de prospérité pour l’ensemble de la région.
Collectif Pour le Triangle de Gonesse
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Le projet EuropaCity se heurte à une nouvelle embûche
Fait rare, le commissaire enquêteur a rendu un avis défavorable sur le document devant rendre constructible le triangle de Gonesse, où un complexe commercial immense est prévu pour 2024. Il ouvre la voie à des recours juridiques. Pour les opposant.e.s, « le rapport de force est en train de changer ». Nicolas Hulot appelle à protéger les terres agricoles.
Ce n’est qu’un avis consultatif mais il dresse un obstacle de taille sur la route du projet EuropaCity. Le commissaire enquêteur vient de rendre un avis défavorable à la révision du plan local d’urbanisme (PLU) de Gonesse, qui doit rendre constructibles les parcelles convoitées par Immochan pour y construire son centre commercial et de loisirs. Il est rare que la conclusion d’un rapport d’enquête publique soit aussi négative et s’appuie sur des arguments aussi détaillés que sous la plume de Ronan Hébert, un enseignant-chercheur à l’université de Cergy-Pontoise.
« Le rapport de force juridique est en train de changer, se réjouit Bernard Loup, du Collectif pour le triangle de Gonesse (CPTG), chef de file des opposant.e.s. La balle change de camp. Il faut maintenant reprendre la discussion sur l’avenir de ce territoire au niveau régional. » Pas du tout pour David Lebon, directeur du développement d’EuropaCity : « Ce sera un avis parmi d’autres, un document supplémentaire versé au dossier, mais ça ne change pas grand-chose sur le fond. »
Au-delà de l’habituel jeu de communication, ces réactions tranchées révèlent à quel point les conclusions du rapporteur touchent des points sensibles. Bien que non contraignantes, elles pourraient mettre en difficulté le projet du géant de la grande distribution (voir notre enquête sur ce projet hors norme). Le commissaire enquêteur n’est pas un expert. C’est un professionnel reconnu comme compétent par la justice pour apprécier l’acceptabilité sociale et environnementale d’un projet.
La commune de Gonesse (Val-d’Oise) souhaite rendre constructible une partie des 700 hectares de terres agricoles qui s’étendent entre les aéroports de Roissy et du Bourget, connus sous l’appellation de « triangle de Gonesse ». L’aménageur public, Grand Paris Aménagement, y développe un projet de ZAC (voir ici notre enquête à ce propos). C’est sur cette surface qu’EuropaCity doit sortir de terre en 2024 : portée par Immochan, la filiale immobilière d’Auchan, cette galerie de boutiques, d’hôtels et d’activités de loisirs, est un des plus grands projets d’aménagement de la région Île-de-France.
Il incarne aussi la volonté transformatrice du Grand Paris. Le groupe chinois Wanda doit y investir 3,1 milliards d’euros et il doit s’étendre sur 80 hectares. La piste de ski artificielle et le parc aquatique qu’il promet de construire sur les parcelles aujourd’hui céréalières de cette banlieue nord de Paris sont devenus les symboles du bétonnage de terres précieuses dans la lutte contre le dérèglement climatique et pour la préservation de l’autonomie alimentaire de l’Île-de-France.
Que reproche le commissaire enquêteur au PLU de Gonesse ? D’ouvrir la voie à un aménagement du triangle qui « présente des impacts environnementaux négatifs à très négatifs, [lesquels] vont à l’inverse des grandes orientations politiques nationales et internationales en matière de lutte contre la disparition des terres agricoles, de lutte contre le réchauffement climatique ». Sur le plan économique, « la création d’emplois et de richesses annoncée est mise à mal par des études extérieures ».
L’ouverture de cet énorme centre commercial (30 millions de visites attendues chaque année) pourrait se faire « au détriment des activités présentes sur les territoires voisins ». Quant aux effets sociaux mis en avant par le promoteur, « l’insertion envisagée n’est pas suffisamment argumentée et même remise en question ». Les objectifs d’emploi « sont peu en phase avec le niveau de formation local ». Le risque d’un transfert d’emplois impliquant la destruction d’autres sur les territoires voisins « n’est pas compatible avec un développement équitable ». Le rapport insiste aussi sur la division des acteurs économiques du Grand Roissy sur l’opportunité d’EuropaCity – la commune voisine d’Aulnay-sous-Bois y est ouvertement opposée.
La mairie de Gonesse, dirigée par le socialiste Jean-Pierre Blazy, rappelle dans un communiqué que l’avis du commissaire enquêteur n’est que consultatif. « Les conclusions du rapport ne sont pas de nature à remettre en cause le principe de l’aménagement du triangle de Gonesse. » Le conseil municipal doit décider s’il vote la révision du PLU en l’état actuel, s’il le modifie ou s’il entreprend de le refaire entièrement. La dernière hypothèse semble improbable. La commune ne communique pas de calendrier de décision. Le prochain conseil municipal se tient le 26 septembre. Difficile d’imaginer que les élus se réunissent sans discuter du problème.
« Fragilité juridique du projet »
De son côté, EuropaCity critique le manque d’objectivité du commissaire enquêteur, qui a repris sous sa plume les sujets et les arguments des opposant.e.s et non ceux mis en avant par le promoteur, affirme David Lebon : l’investissement économique d’une ampleur inédite, la création d’emplois, l’amélioration de l’image de ce territoire déshérité, la contribution financière à la gare « Triangle de Gonesse » de la ligne 17 du Grand Paris. Le groupe dit aussi avoir relevé des erreurs dans le rapport d’enquête publique. Par exemple, parler de biodiversité au sujet du triangle, alors qu’aucune espèce protégée ne vit sur ces parcelles de cultures céréalières conventionnelles.
Ils pourraient rencontrer Nicolas Hulot dans les prochains jours pour plaider leur cause. Ils ont également invité les opposant.e.s à venir leur présenter leur projet alternatif pour le triangle de Gonesse : CARMA (Coopération pour une ambition rurale métropolitaine et agricole), qui voudrait transformer le triangle de Gonesse, soit près de 700 hectares, en hub de l’agriculture périurbaine (voir ici), avec une ferme maraîchère solidaire, un farm lab, un centre d’échanges sur la sécurité alimentaire, une couveuse et de la formation pour le développement de l’emploi local.
Les porteurs de CARMA ont refusé. Leur projet est à leurs yeux incompatible avec la construction d’EuropaCity. Pour Robert Spizzichino, consultant en urbanisme et cheville ouvrière de CARMA, « ce rapport offre une opportunité fantastique pour proposer autre chose pour ce territoire ». Pendant l’été, le jardin maraîcher planté par les opposant.e.s le 21 mai sur le futur site d’EuropaCity a été vandalisé.
Sollicité par Mediapart, Grand Paris Aménagement, l’aménageur de la ZAC du triangle de Gonesse, explique : « On tient compte des avis et on se conformera à la décision des élus. On reste convaincus que le développement d’un pôle d’activité sous un couloir aérien dans une zone urbaine est pertinent. » Mais pour Florence Denier-Pasquier, juriste à France Nature Environnement, « l’avis du commissaire enquêteur renforce la fragilité juridique du projet. Il y a de vraies incohérences : entre l’échelle communale du PLU et l’ampleur régionale des impacts, entre l’obligation d’être dans une démarche d’évitement des dommages et l’absence de recherche de solutions de substitution à la destruction des terres agricoles ».
Autre enseignement du rapport du commissaire enquêteur : l’échec de la mairie de Gonesse à mobiliser les soutiens au projet. Une pétition sur papier d’opposant.e.s a recueilli plus de 1 000 signatures, dont 370 habitants de Gonesse. Alors que la pétition favorable à la révision du PLU n’a recueilli que 145 noms. La mairie de la ville a exercé des pressions sur les opposants locaux à au moins une occasion. L’Afcel 95, une amicale de locataires de La Fauconnière, un quartier de Gonesse, s’est vu menacer de perdre sa place lors d’une brocante municipale parce qu’elle faisait signer une pétition contre la révision du PLU sur son stand, selon le collectif d’opposant.e.s CPTG, dont elle fait partie.
Le commissaire enquêteur est nommé par le tribunal administratif. Si le PLU est voté par le conseil municipal de Gonesse, des opposant.e.s prévoient déjà de l’attaquer. Difficile pour le juge administratif d’ignorer l’avis du rapporteur qu’il a choisi. « La justice tranchera, mais il n’est pas exclu que le tribunal nous donne raison », analyse Bernard Loup. Or, si le PLU est annulé par la justice, tout le projet d’urbanisation du triangle tombe. Pourtant, les agriculteurs du triangle ont déjà été expropriés, alors même que les terres qu’ils cultivent n’ont toujours pas été reconnues officiellement constructibles. EuropaCity n’est toujours pas propriétaire du terrain, qui appartient en grande partie à la puissance publique à travers Grand Paris Aménagement. Autrement dit, malgré la déclaration d’utilité publique accordée à la ZAC du triangle, le projet est encore réversible.
Des travaux pourraient-ils commencer, malgré l’incertitude ouverte par les recours juridiques à venir ? La question va se poser pour tout le triangle, où une station de métro de la ligne 17 du Grand Paris Express est prévue. Or, EuropaCity a promis de financer une partie de sa construction – pour un montant non rendu public à ce jour. L’utilité de cette gare est contestée par les experts du CPTG.
L’avis défavorable du commissaire enquêteur s’ajoute à une liste déjà longue d’évaluations négatives ou critiques du projet d’urbanisation du triangle de Gonesse : avis de l’Autorité environnementale (sur le PLU de Gonesse et la ZAC), avis défavorable de la Commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), opposition de la chambre d’agriculture régionale. Aucun de ces documents n’est juridiquement contraignant. Mais l’accumulation d’évaluations négatives porte atteinte au crédit du projet.
Jusqu’à quand les investisseurs pourront-ils ignorer les déconvenues administratives d’EuropaCity ? La question se pose avec d’autant plus d’acuité que le groupe Wanda, principal investisseur du projet de centre commercial, connaît des difficultés financières. Il a annoncé début juillet céder 8 milliards d’euros d’actifs pour alléger son endettement. Mi-août, le Conseil d’État chinois a interdit aux sociétés nationales d’investir dans l’immobilier, l’hôtellerie, les loisirs, dans des pays jugés à risque.
Alors que le précédent gouvernement soutenait ouvertement EuropaCity, notamment par la voix de son ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, pourtant président de la COP21, Nicolas Hulot a déjà pris publiquement la parole contre le projet d’Immochan, lors de sa conférence de presse en juillet sur son plan climat et dans une interview au Monde mardi 29 août. Mercredi 30, sur France Info, il insiste : « Si on continue à consommer avec une telle gourmandise nos terres agricoles, à un moment se posera la question de notre souveraineté alimentaire […]. Les terres agricoles doivent rester des terres rares qu’il faut protéger. »
Son cabinet suit avec attention le dossier, sans prévoir d’intervention directe à court terme. Aucune réunion interministérielle n’est prévue à ce stade. En pleine préparation de la conférence territoriale sur le Grand Paris prévue fin octobre, les acteurs du réaménagement francilien regardent les voyants du projet EuropaCity passer au rouge.
mediapart
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Extrait de l’article d’hier sur les JO
http://www.quieryavenir.fr/blog/2017/09/13/ les-jo-doivent-…is-a-referendum /
Et l’entourloupe de la nouvelle ligne de métro reliant Puteaux à l’aéroport de Roissy ? Elle prévoit un crochet de cinq stations – un demi-milliard d’euros – pour desservir le futur méga-centre commercial EuropaCity du Triangle de Gonesse, et faire passer en contrebande ce projet très contesté.