Les médias de masse & le business de l’écologie™ :
Tout d’abord, un extrait de l’article de Basta ! intitulé « Le pouvoir d’influence délirant des dix milliardaires qui possèdent la presse française » :
À qui appartient la presse française ?
Le secteur de la presse en France est un grand Monopoly. Tout s’achète, tout se vend, les journaux, les télés, les radios. Quelques milliardaires se partagent le gâteau. Résultat : 90 % des quotidiens nationaux vendus chaque jour appartiennent à 10 oligarques ! D’après les calculs de Basta !, les mêmes possèdent des télévisions et radios qui totalisent respectivement 55% et 40% des parts d’audience. Vous avez donc une grande probabilité de lire, regarder ou écouter chaque jour des médias qui appartiennent à ce petit cercle de milliardaires.
Entre les travaux de Noam Chomsky, ceux de Serge Halimi, du Monde diplomatique, des médias comme Basta !, et de beaucoup d’autres, il devrait être évident et compris que les médias de masse sont un des principaux outils de propagande de la classe dirigeante.
À l’image de la société capitaliste qu’ils défendent, leur raison d’être est également fortement lucrative. La vérité ne les intéresse pas. Pas plus que le bon sens, la justice, ou la morale.
C’est pourquoi, quand ils daignent discuter des problèmes écologiques graves générés par la civilisation industrielle qui les a eux aussi créés, ils se débrouillent toujours pour que leur discours ne la menace en rien.
« Car la société de masse (c’est-à-dire ceux qu’elle a intégralement formés, quelles que soient leurs illusions là-dessus) ne pose jamais les problèmes qu’elle prétend “gérer” que dans les termes qui font de son maintien une condition sine qua non. »
— Jaime Semprun & René Riesel, Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable, (Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, 2008)
Le concept du « jour du dépassement » diffusé par les médias de masse, s’il peut permettre de rappeler aux populations que la situation écologique se dégrade, permet aussi, d’un autre côté, de distiller les « solutions » technologiques liées à la « croissance verte » imaginée et développée par les intérêts financiers qui ravagent actuellement la planète, et qui garantit l’empirement de la crise environnementale.
On remarquera tout de même la présence de l’interview presque subversive de Philippe Bihouix dans l’édition du journal Libération en date du 2 août 2017 qui présentait en Une le sujet du « jour du dépassement ». Dans cet entretien assez succinct, l’ingénieur soutient effectivement que la solution est à chercher du côté de la décroissance. Malheureusement, son interview est immédiatement suivie d’une autre, intitulée « La croissance verte réunit écologie et emploi », réalisée avec l’économiste Patricia Crifo. Ce qu’on remarque donc, c’est qu’une mince critique de la croissance se retrouve finalement bien seule, coincée entre deux apologies de la croissance (« verte ») : l’interview de l’économiste Patricia Crifo, et les préconisations de l’ONG Global Footprint Network, à l’origine du concept du « jour du dépassement ».
Ainsi, la raison pour laquelle les médias grand public se permettent de relayer ce concept (du « jour du dépassement »), et de parler d’écologie (ce qu’ils évitent de faire trop souvent), relève du type d’écologie incarné par l’ONG Global Footprint Network : une écologie™, capitalo-compatible, compatible également avec la croissance (« verte »), et avec l’industrialisme (« vert » aussi, également appelé développement durable).
Rappelons rapidement en quoi consiste l’écologie™ (l’écologie selon les médias de masse, les gouvernements et les multinationales) : il s’agit, pour les chefs d’orchestre de la catastrophe organisée que l’on appelle la civilisation industrielle, d’engranger toujours plus d’argent et de pouvoir et de prolonger la frénésie technologique en proposant des « solutions » qui n’en sont pas aux problèmes dont ils sont les premiers responsables (produire en masse des ampoules basse consommation au lieu des ampoules normales ; construire des milliards de voitures électriques pour remplacer les milliards de voitures normales ; divertir les populations avec l’installation de centrales solaires et de parcs éoliens tandis qu’on continue d’extraire tout le pétrole et de construire des centrales nucléaires, et ainsi de réchauffer le climat, d’acidifier les océans, etc. ; exploiter toujours plus les ressources du sol et du sous-sol pour en extraire les minerais et terres rares nécessaires à toutes les nouvelles technologies, dont les technologies « vertes » ; encourager le passage à la production en masse de bioplastique-qui-ne-se-décompose-pas-en-conditions-naturelles en remplacement du plastique, et toutes les autres idioties anti-écologiques du « développement durable »).
Voir aussi « Du développement durable au capitalisme vert » :
partage-le.com/2017/02/des-dangers-du-developpement-durable-ou-capitalisme-vert-par-derrick-jensen/
Cette écologie™ est celle des banques et des corporations multinationales, celle des principaux pollueurs et destructeurs de l’environnement. C’est ainsi que l’on retrouve, parmi les principaux financeurs de l’ONG « écologiste™ » Global Footprint Network, le groupe Pictet (une banque privée, spécialisée dans la « gestion de fortunes et d’actifs »), l’immense Bank of America, Amazon (qu’on ne présente plus), Kering (une corporation multinationale, « leader mondial de l’habillement et des accessoires présent dans les secteurs du Luxe et du Sport & Lifestyle », basée en France, qui possède, entre autres, Gucci, Yves Saint Laurent, Boucheron, Bottega Veneta, Alexander McQueen), Sarasin, une banque privée suisse au discret parfum de blanchisserie, etc.
Résumons. Oui, le concept de « jour du dépassement » peut être considéré comme une bonne chose, en ce qu’il dénonce la crise écologique en cours. Mais d’un autre côté, sa dénonciation est bien trop vague, entièrement biaisée, avec une mauvaise compréhension des problèmes, des enjeux et une mauvaise attribution des responsabilités. Enfin, les « solutions » qui sont avancées à l’occasion de cet évènement, qui n’en sont pas, sont une recette pour que rien ne change et que tout continue à empirer.
Tout cela ne fait que confirmer ce qu’on savait déjà, à savoir que les médias de masse ne sont pas les alliés de la lutte écologiste (ni d’aucune autre lutte), et que la meilleure chose que puissent faire les écologistes consiste à dénoncer leur écologie™ mensongère, qui n’est qu’une perversion toxique des raisons d’être de ce mouvement.
partage-le.com