Chômage et formation

Encore une fausse bonne idée qui vole en éclat.

Cette fois, il s’agit de cette idée-là, répétée par les gouvernants successifs : pour lutter contre le chômage de masse et la précarité du travail, il faut de la formation, un travailleur formé ayant davantage de chance de trouver un emploi.

Ce n’est pas faux, mais c’est totalement insuffisant pour une raison majeure : ce ne sont pas les entreprises qui créent l’emploi, elles ne font que convertir un carnet de commandes en hausse en nouvelles embauches (*1). Elles peuvent aussi investir en emplois dans l’espoir de développer et de vendre un nouveau service ou un nouveau bien.

En fait, c’est le contexte macroéconomique général qui fait que les entreprises anticipent de nouvelles commandes et les traduisent en emplois. Le problème est donc celui de la fabrication de ce contexte favorable, et là l’entreprise ne peut  rien faire, seul l’Etat le peut. Peugeot ou Renault peuvent embaucher de nouveaux travailleurs et produire davantage de véhicules, jamais ces nouveaux embauchés ne pourront à eux seuls acheter tous ces nouveaux véhicules. Toute entreprise nécessite un extérieur plus large qu’elle-même pour écouler ses marchandises, et cet extérieur plus large elle ne peut pas le créer, il doit pré-exister.

Bien sûr, nos dirigeants ont aussi des arrière-pensées : les chômeurs qui partent en formation disparaissent des chiffres du chômage. Du coup, le chômage baisse ponctuellement, c’est bon pour l’affichage politique. Cela a pu fonctionner, cela n’a pas réussi à François Hollande qui cherchait à inverser la courbe du chômage. Manque de bol …

Récemment, deux études officielles établissent un diagnostic critique des plans de formation.

La première est celle de pôle-emploi (*2). Seulement 57% des chômeurs trouvent un emploi en sortie de formation, mais 29,5 % uniquement trouvent un emploi stable, soit CDI soit CDD de plus de six mois.

La deuxième est de France Stratégie (*3), un organisme qui dépend du gouvernement (on doute fort qu’il veule déplaire au gouvernement !). Diagnostic : « … force est de constater que les plans massifs de formation et l’élévation du niveau de diplôme ont eu peu de prise sur le taux de chômage. Certains travaux considèrent même que les effets de ces plans sont nuls, quand ils ne conduisent pas à dégrader relativement la situation des profils les moins diplômés. » On ne saurait être plus clair.

Ce gouvernement-ci s’embourbe dans les mêmes trajectoires.

Ainsi Christophe Castaner a affirmé sans rire sur France Inter le 5 septembre (*4) qu’il fallait « Investir massivement sur la formation pour faire en sorte que l’on sorte de la précarité. ». Il a récidivé plus récemment sur France Musique le 5 octobre : « « Un milliard d’euros seront investis l’année prochaine dans la formation, quinze milliards dans la mandature, pour une raison simple : c’est que la plus grande des injustices, c’est le chômage. Mais la seule solution, la meilleure solution, c’est la formation. »

Cette fixation sur la seule formation est une vue de l’esprit, un rêve irréalisable qui fait l’impasse sur d’autres solutions :

– améliorer certes l’adéquation entre formations et besoins.
– réduire le temps de travail: le passage aux 35 heures, bête noire du Medef, a permis de créer 350 000 emplois, moins que prévus certes mais ce n’est pas négligeable. Un passage à 32 heures voire moins créerait des emplois (*5).
– embaucher massivement dans le secteur public, Etat central et Etat local (communes, agglomérations, départements, régions) et le secteur para-public (associations, santé en particulier)  où les besoins sont criants, par exemple la justice ou les hôpitaux.
– investir dans la transition écologique et énergétique.
– embaucher dans les services du « bien vivre », éducation, santé, services sociaux, petite enfance, aide au maintien de l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, action culturelle, sports et loisirs. Des économistes de Lille ont évalué les besoins entre 880 000 et 1,5 millions d’emplois pour que les territoires sous dotés puissent être hissés au niveau des meilleurs dotés. (*4).
– l’expérience des TZCLD, les territoires zéro chômeurs de longue durée, qui réinsèrent les chômeurs de longue durée dans le monde du travail (*6).

– aider les entreprises du secteur privé en leur réservant certains marchés publics. Par exemple, créer des filières de productions agricoles locales pour alimenter les cantines et les habitants des villes.

Ce n’est pas le travail qui manque. Ce n’est pas non plus l’argent qui manque, il y en a et en plus il se fabrique facilement dès lors qu’on le soustrait à la loi du capitalisme pour le mettre au service de l’Etat social.

Au contraire de rendre effectif l’Etat social et le droit au travail inscrit dans l’article 5 du préambule de 1946 intégré à la Constitution -« Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi « -, le gouvernement supprime les emplois aidés.

En poursuivant cette politique, il trahit la Constitution.

ps : je remercie l’émission de Daniel Mermet, « La-bas si j’y suis » qui m’a mis sur la piste des rapports de pôle-emploi et de France stratégie ainsi que sur les déclarations de Castaner.

https://la-bas.org/la-bas-magazine/chroniques/

Note 1 : Frédéric Lordon : « Inanité du pacte de responsabilité – Les entreprises ne créent pas l’emploi » :

https://www.monde-diplomatique.fr/2014/03/LORDON/50233

ou

https://www.les-crises.fr/entreprises-creent-pas-emploi/.

Note 2 : pôle-emploi : étude disponible depuis

 http://www.pole-emploi.org/statistiques-analyses/

Note 3 : France stratégie : étude :

http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files

Note 4 : Etude de François-Xavier Devetter (Professeur d’économie à Lille) et Jean Gadrey  :

http://blogs.alternatives-economiques.fr/gadrey/

Note 5 : Article de Jean Gadrey sur la RTT, le temps de travail et le niveau du chômage en UE :

 https://blogs.alternatives-economiques.fr/gadrey/2016/10/15/quatre-graphiques-commentes-sur-la-necessite-de-la-rtt

Note 6 : Voir le site https://www.tzcld.fr/

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On peut aussi consulter La Croix :

https://www.la-croix.com/Economie/Social/

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Commentaire lu

En effet les chômeurs disparaissent du compte des chômeurs mais surtout ils se sentent aidés et deviennent ainsi les meilleurs soutiens du gouvernement qui par ailleurs approfondit le libéralisme pour plus de chômage. Ou comment les dominés soutiennent ceux qui les dominent.

En régime de concurrence, c’est le prix le plus bas qui compte, ce qui équivaut aux salaires les plus bas possibles. C’est le combat des capitalistes depuis que cette philosophie économique existe et c’est d’ailleurs le fondement de l’Europe, pensé dès les années 1920. Et le meilleur outil pour les contenir, c’est l’armée de réserve de chômeurs. Lâcher un milliard pour faire de la formation qui ne mène pas à l’emploi est probablement peu cher payé le maintien en l’état de l’armée précitée.

L’Etat nous trompe et c’est son coeur de métier d’ailleurs.

Toutes les solutions alternatives listées pour employer les gens sont bonnes à prendre dans une perspective traditionnelle illimitiste.

Mais où va-t-on trouver les ressources et l’énergie pour mettre tout ce monde au travail ? Et si on les trouve, nous approfondirons encore le grand saccage.

La seule solution à retenir est le partage du travail à production constante – à vocation décroissante – si l’on prend en compte le seul enjeu de notre temps : l’écologie. Il faut réduire la voilure, aider ceux qui ne veulent pas travailler à le faire (les inemplois aidés) et partager le reste du travail entre ceux qui veulent travailler.

http://la-bibliotheque-resistante.org

http://objectifdemocratie.org

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S’il existe un traitement durable du chômage, cela ne peut passer que par une réduction du temps de travail et d’arrimer cette politique à la transition écologique et énergétique de la société. Encore une fois, cela demande de faire l’inventaire des besoins de la société et des individus. Et non de créer des besoins qui vont à l’encontre de l’état d’urgence écologique et climatique dans lequel nous nous trouvons.

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Je suis entièrement d’accord avec ces deux axes : la réduction du temps de travail et la transition écologique et énergétique.

Mais ces deux axes ne sont pas les seuls ni même suffisants pour résorber le chômage et garantir du travail pour chacun. Il y a des besoins sociaux criants dans d’autres secteurs, je milite pour que nous les prenions en compte également. D’autant qu’en matière de services publics par exemple, les besoins sont criants et ne vont pas à l’encontre de l’urgence écologique.