L’exécutif a multiplié les annonces choc au 100ème Congrès des maires de France.
Un article paru sur : eauxglacees.com/Emmanuel-Macron-rattrape-par-la
Extraits
Le transfert de la gestion communale de l’eau le 1er janvier 2020, contesté par de nombreux élus, deviendrait optionnel sous certaines conditions. Les collectivités se verraient offrir des moyens de financement nouveaux pour « rénover les réseaux », des « Assises de l’eau » se tiendraient prochainement… Ces annonces improvisées, qui ne résoudront rien à une crise structurelle encore largement sous-estimée, expriment surtout le désarroi d’un exécutif ne connaissant rien au sujet, en proie aux pressions de tous les lobbies, obsédés par le maintien d’un système qui court à sa perte.
Tour à tour le Premier ministre, Nicolas Hulot, puis Emmanuel Macron multipliaient donc promesses et engagements. Malaise à l’écoute d’éléments de langage aussi aventureux que tendancieux, dont on identifie immédiatement l’origine. Passage en revue.
Edouard Philippe
Abordant la question qui fâche, le transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement aux intercommunalités d’ici début 2020, le Premier ministre annonçait que le gouvernement proposera un plan en faveur des opérations d’investissement en milieu rural avec, à l’appui des offres de financements de la Caisse des Dépôts et des agences de l’eau.
(Un comble après le prélèvement de 500 millions d’euros opéré via le PLF 2018 dans la trésorerie des agences !).
Puis indiquait vouloir faire évoluer la loi NOTRe, en donnant aux communes qui le souhaitent, « pour une période transitoire », la « même souplesse que celle qui a prévalu pour la mise en œuvre des plans locaux d’urbanisme intercommunaux » (PLUi), avec la même procédure laissant la possibilité de « maintenir la compétence au niveau des communes si un certain nombre de maires s’expriment clairement en ce sens ». (25% des maires représentant au moins 20% de la population).
Un virage à 180° puisque le mois dernier, la majorité des REMouleurs a retoqué à l’Assemblée la proposition de loi « Retailleau » votée au Sénat en février, avant la présidentielle, qui visait précisément à maintenir les compétences eau et assainissement dans les compétences optionnelles des communautés de communes – et que Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, s’était alors dite défavorable à ce texte.
Nicolas Hulot
La question de l’eau était elle aussi au cœur de l’intervention de Nicolas Hulot au congrès des maires. Le ministre de la Transition écologique et solidaire en profitait pour annoncer une grande consultation sur cette thématique au deuxième trimestre 2018, « pour faire évoluer la politique de l’eau par rapport à la transition écologique et solidaire ».
« La contrainte écologique et climatique vient complexifier l’action publique. Mais cette complexité doit nous rassembler. Seul, je ne réussirai pas et vous, sans l’Etat, vous n’y arriverez pas non plus. », soulignait le ministre de la Transition écologique et solidaire, « et parfois solitaire », ajoutait-il, fidèle au numéro déjà bien rodé du « retenez moi ou je fais un malheur », qui alterne désormais rituellement avec les promesses solennelles de tout changer… en 2050.
« Nous partageons des interrogations sur les moyens dont nous disposons pour faire face à ces défis, avec cette conviction que nous n’avons pas le choix, a insisté Nicolas Hulot : soit nous y allons à fond, soit nos chances de succès sont minimes. »
Avant d’expliquer avoir entendu et comprendre les inquiétudes concernant la compétence Gemapi – gestion des milieux aquatiques et prévention inondation – transférée aux intercommunalités au 1er janvier 2018, et eau-assainissement qui leur sera attribuée à l’horizon 2020.
« Ces deux dispositions marquent une évolution majeure de la gestion de l’eau dans les territoires. C’est un défi mais aussi un choix de cohérence. Avec ces nouvelles dispositions, l’Etat reconnaît que ce sont bien ces territoires qui sont l’échelon pertinent pour travailler sur cette gestion, sur la qualité de l’eau, l’entretien des réseaux. »
A propos de la compétence Gemapi, il assure un soutien fort de l’Etat : « Chaque fois que les enjeux vont le justifier, les structures Gemapi qui seront mises en place deviendront les porteurs de projet naturels des plans d’action et de prévention, soutenues financièrement par l’Etat. » Face au besoin d’expertise nécessaire, il tente de rassurer les intercos en expliquant que « les services de l’Etat sont fortement mobilisés pour accompagner la mise en œuvre de cette compétence nouvelle, par l’intermédiaire des missions d’appui mises en place dans chaque bassin hydrographique ».
Versant eau et assainissement, il déclarait se satisfaire du fait que « la moitié des communes ont déjà transféré la compétence. Cette évolution, qui ne fait que s’amplifier et s’accélérer, va permettre de passer de 30 000 services d’eau potable et d’assainissement à environ 2 000 à l’horizon 2020 ». Une mutualisation qui, il est en certain, apportera de nombreux bénéfices : « connaissance accrue des réseaux, amélioration de leur gestion et, in fine, des économies d’eau et un service de bien meilleure qualité ».
Alors que beaucoup d’élus s’inquiètent de la baisse des ressources financières des agences de l’eau, il n’hésitait pas à noyer allégrement le poisson en assurant que le 11e programme (qui couvrira la période 2019-2024) devrait faciliter la maîtrise d’ouvrage et les opérations de groupement de commande pour le renouvellement des réseaux.
Par ailleurs, il s’avançait déjà sur le 12e programme. « Dans un budget que je reconnais pour le moins contraint, nous avons fait le choix de préserver le budget des agences de l’eau. Celui du 12e programme est de 12,6 milliards d’euros. Certes, c’est un peu moins que le précédent, mais plus que l’avant-dernier. »
Emmanuel Macron (verbatim)
« (…) Pour ce qui est de la politique de l’eau, je n’ignore rien de vos attentes, j’ai entendu plusieurs voix et demandes et là-dessus, je sais combien le problème est complexe. Alors, cher André Laignel, vous avez raison, la carte des nappes phréatiques ne correspond pas à la carte des intercommunalités, c’est vrai. Dans le même temps, l’honnêteté m’oblige à vous dire qu’elle ne correspond pas davantage à la carte communale. Ça l’est tout autant. Ça ne correspond pas davantage à la carte parfois de quatre morceaux dans la même commune. Donc c’est peut-être plus compliqué que ce qu’on croit.
Le Premier ministre vous a présenté une option, celle, comme cela a été fait pour l’urbanisme, de donner la possibilité justement pour une minorité de blocage, de sortir et de revenir à la compétence communale, les 25 %. Et je remercie la ministre Gourault d’avoir fait ce travail qui a permis ces concertations et cette voie de sortie.
Mais j’entends certains autres qui me disent : « Chez moi, ce n’est pas une bonne idée parce que ce n’est pas au niveau des communes qu’il faut le remettre, c’est au niveau du département déjà ou du bassin d’eau. » Donc ce sujet nécessite d’être travaillé lors de la conférence nationale des territoires et de trouver, territoire par territoire, la bonne option.
Il y a une option de liberté qui est donnée, mais peut-être faut-il non pas revenir à la commune dans certains endroits, mais aller au département, encourager certains regroupements qui étaient déjà en cours, avoir un pragmatisme qui permettra quoi ?
De répondre au vrai besoin qui est un besoin d’investissements, mais en tous les cas, de ne pas priver de manière brutale, unilatérale certaines communes pour qui c’est légitime, qui veulent le garder et pour qui c’est l’espace pertinent.
Vous avez ensuite prononcé une ode aux agences de l’eau. Je l’ai entendu et je sais aussi le combat que mène le ministre d’État pour défendre la pertinence de leur mission. Je ne la conteste pas, pas plus que le ministre de l’Action et des Comptes publics qui est ancien de vos collègues à l’esprit pragmatique. Mais qui a-t-on prélevé ? Les agences de l’eau qui n’utilisaient pas tellement l’argent dont elles disposaient pour faire des grands investissements sur les réseaux, mais qui ont aussi avec le temps pour certaines accumulé des bas de laine et des fonds de roulement qui ne se justifiaient parfois plus tellement et qu’il était légitime de remettre au pot commun.
Parce que, qu’est-ce que nous devons faire sur l’eau ? Deux choses simples : remettre à la discussion avec les territoires l’organisation et les compétences juridiques lors de la conférence de décembre ; et la deuxième chose, c’est que nous devons lancer pour l’eau des assises qui permettront justement de regarder, cher Jean Launay, dans le détail comment financer les indispensables investissements sur nos réseaux.
C’est un problème dont on parle trop peu, mais la vraie crise qu’il y a sur l’eau, c’est la vétusté des réseaux ! C’est la vétusté de certains réseaux qu’on n’arrive pas à remplacer. C’est l’incapacité de certaines communes ou certains territoires à investir. Ce sont les risques sanitaires auxquels nous aurons à faire face demain. C’est le gâchis lié justement aux fuites massives qui existent sur des réseaux devenus trop vétustes. Et donc nous avons sur l’eau le même problème que sur les infrastructures, c’est que nous ne finançons plus les réseaux.
Ces Assises de l’eau, qui seront lancées dans les prochaines semaines et conduites par le ministre d’État, ministre de la Transition, auront pour vocation de répondre de manière interministérielle à ce défi. »
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