D’abord une vidéo
presque 50 minutes
Des habitant-es, occupant-es, Copains, soutiens, naturalistes (Thomas et Camille, deux habitant·e·s, Angélique, paysanne et Jean-Marie, naturaliste en lutte) s’expriment sur les derniers rebondissements dans l’affaire de la ZAD de Notre Dame des Landes :
– la remise du rapport des médiateurs sur le projet d’aéroport
– la vengeance des médias, journaux, TV, des experts et politiques qui s’acharnent sur les zadistes en racontant n’importe quoi depuis 15 jours (armes, tunnel, vietcong) en pillant les photographies des camarades.
Elles/ils parlent aussi de la vie sur la ZAD, les travaux en cours(agroforesterie, élevage), les cagettes des terres distribuées aux grévistes et réfugié-es et à l’auberge des Q de Plombs, les projets agricoles, l’organisation des projets (Copains, ferme de Bellevue.. ), la beauté, la faune et la flore exceptionnelle sur le bocage de la ZAD, de leur projet de répartition des terres et d’installation sur le site, etc
Jamais la ZAD sera abandonnée !
Que tous les journalistes du système, les pseudo-experts, les politiciens de tous bords, les député-es, ministres et secrétaires d’état, la métropole, le département, la région, l’état, les gens d’armes, les miliciens, Vinci, les bétonneurs et ferrailleurs, les accapareurs immobiliers le sachent bien !
Les Comités de soutien d’ici et d’ailleurs
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« Pour que la ZAD demeure un grenier de luttes » Entretien fleuve avec des occupant·es de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes
« Zone en état de siège permanent », « caches d’armes à feu » voire « risque de morts ». Depuis la remise au gouvernement du rapport sur le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes le 13 décembre dernier, la même rengaine d’une ZAD aux mains de « professionnels de la contestation » qui piétine l’ordre républicain revient sur le devant de la scène médiatique. À l’heure qu’il est, tout reste encore possible : abandon du projet par le gouvernement, expulsion des occupant·es, ultime report d’une décision presque impossible. Entretien long format avec des occupant·es de la ZAD sur les derniers mois du mouvement et les perspectives de lutte, aussi réjouissantes que périlleuses.
jefklak.org/?p=5418
Extraits
En juin dernier, le Premier ministre Édouard Philippe nommait deux médiateurs et une médiatrice pour émettre dans les six mois un rapport quant au projet de nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Qu’est-ce qui a conduit le pouvoir à cette décision alors que le gouvernement précédent annonçait régulièrement le démarrage imminent des travaux sur la ZAD ?
2016 a été une longue séquence de menaces et d’offensives de la part du gouvernement Hollande pour se donner la possibilité d’intervenir sur la ZAD – c’est-à-dire expulser les occupant·es et démarrer les travaux.
En décembre 2015, durant la COP 21, nous avons organisé un convoi de trois cents personnes en vélos et tracteurs avec des paysan·nes, des militant·es associatif·ves, des habitant·es de la ZAD, des gens de la Coordination des opposants au projet d’aéroport et des comités locaux de soutien. Malgré les interdictions de circuler et l’état d’urgence qui venait d’être promulgué, l’objectif était de se rendre à Paris pour dénoncer l’opération de marketing écologique du gouvernement, qui poursuit ses projets éminemment climaticides. Comment pouvait-il s’engager en faveur de l’environnement alors que les travaux pour le futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes étaient annoncés, promettant de détruire zones humides et terres agricoles ?
Suite à cette mobilisation, le 31 décembre, Vinci décide de mettre en procédure d’expulsion les habitant·es dits « historiques » de la ZAD. La multinationale touche alors un symbole fort, car on parle des paysan·nes qui sont resté·es sur la zone malgré ses propositions de reprendre leurs terres 1.
Depuis 2012 et l’échec de l’opération César 2, l’État n’arrive pas à expulser la ZAD, car il s’est formé un front commun et solidaire anti-aéroport qui va des occupant·es, qui ont des pratiques d’action directe voire illégales, jusqu’aux militant·es associatif·ves, qui mobilisent les recours juridiques pour tenter de contrer légalement le projet. La stratégie du pouvoir est alors de créer des brèches dans cette unité via un biais vicieux : l’argent. Comme le gouvernement sait que les « historiques » ne partiront pas d’elleux-mêmes, il demande à la justice d’ajouter des astreintes financières aux procédures d’expulsion. Tou·tes ces habitant·es expulsables qui ont là leurs vaches, leur maison, leurs emprunts, se sont ainsi retrouvé·es sommé·es de payer chaque jour des amendes phénoménales.
En à peine dix jours, une manifestation de soutien est organisée. Vingt mille personnes, des centaines de cyclistes et quatre cents tracteurs bloquent le périphérique de Nantes le 9 janvier 2016, jour des soldes. Les paysan·nes de Copain 3 enchaînent même soixante tracteurs sur le pont de Cheviré (un axe majeur pour accéder à la ville) afin d’obtenir l’abandon des expulsions. Ils y resteront jusque tard dans la nuit avant de se faire expulser par la police.
Le 25 janvier, le juge valide les expulsions des habitant·es « historiques », mais ne prend pas en compte les astreintes financières. Et c’est à ce moment-là que Ségolène Royal, ministre de l’Environnement, annonce ses craintes d’un conflit violent sur la ZAD, où l’on voit des reportages télévisés effarants sur les dangereux « zadistes », et où Bruno Retailleau, le président de la Région (un Républicain proche de François Fillon), achète avec l’argent public des pages dans la presse locale pour promouvoir une pétition demandant l’évacuation de la ZAD.
Les travaux étant censés démarrer en mars 2016, soixante mille personnes viennent le 27 février occuper les quatre-voies autour de la ZAD. Une tour de guet de dix mètres de haut est construite à l’endroit même où sont censés commencer les premiers travaux. C’est une des plus grosses mobilisations du mouvement, un geste qu’avait pressenti le gouvernement qui, une semaine avant, renonce finalement à démarrer les travaux.
C’est à cette période qu’on voit poindre une nouvelle stratégie de la part de l’État…
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« Évacuer la Zad » ? Et si on se calmait, plutôt ?
À peine les médiateurs avaient-ils remis leur rapport sur le projet de Notre-Dame-des-Landes que les médias s’obsédaient de l’« évacuation de la Zad », explique Françoise Verchère ; qui juge cette prise de position malhonnête et simpliste. D’autant qu’une évacuation immédiate serait, selon elle, illégale.
« Évacuer la Zad » : trois petits mots répétés sur tous les tons pour ajouter à la confusion et empêcher une sortie non violente de l’impasse de Notre-Dame-des-Landes. À peine le rapport des médiateurs sur le projet de nouvel aéroport était-il rendu et analysé — et parfois déformé — que beaucoup de médias sont passés au seul sujet qui leur semble d’importance : l’évacuation de la Zad, quel que soit le choix du gouvernement.
Balayé le fond même du dossier, c’est-à-dire la preuve enfin faite que le processus de décision a été pipé dès 2003. Que l’on n’avait pas étudié l’alternative de l’optimisation de Nantes-Atlantique, et que des mensonges (pardon, des « constats erronés », page 19 du rapport des médiateurs), sont à la base de la déclaration d’utilité publique.
Oubliée aussi la proposition des médiateurs de donner du temps à la négociation pour permettre que se continuent les expériences les plus intéressantes sur un territoire qui serait rendu à sa vocation agricole et naturelle. Sujet trop technique ? Ou trop politique, qui obligerait à s’interroger enfin sur le pouvoir qui décide pour les citoyens mais enrobe ses décisions du voile de la merveilleuse « démocratie participative », avec force débat public, enquêtes publiques et autres garants et commissaires ? Sujet pas assez croustillant, en tout cas. Car, ce qui ferait de belles photos, de beaux reportages à l’heure du JT, et de beaux discours sur l’ordre et l’État de droit, ce serait l’affrontement entre les forces de l’ordre et les gueux, les voyous, les ultraviolents, les ZADISTES.
En France, il y a partout des zones de non-droit
On parle donc d’« évacuation, quelle que soit la décision prise sur l’aéroport ». Comme on a parlé de « référendum » en juin 2016 alors qu’il s’agissait d’une « consultation pour avis », on utilise le même mot pour deux cas de figure différents, ajoutant ainsi au malheur du monde en nommant mal les choses.
Il y aurait bien évacuation si le gouvernement décidait malgré tout de construire le nouvel aéroport, évacuation de tous, agriculteurs, habitants anciens et nouveaux, vaches et tritons sans compter les milliers de soutiens qui viendront avec d’autant plus d’incompréhension et de colère qu’aujourd’hui on sait inutile la destruction de ce bocage si précieux. Évacuation, donc, avec un lourd tribut à payer, destruction de toutes les habitations et bétonnage.
Mais, si le gouvernement décide d’arrêter ce mauvais projet, la Zone à défendre change immédiatement de statut. Plus besoin de défendre 1.600 ha de la destruction. Plus besoin de barrages. Les chemins sont déjà ouverts à tous, la seule route qui ne le soit pas à ce jour, vestige de l’épisode « opération César », s’ouvrira de nouveau, car c’est la logique. La libre circulation fait partie des droits de tous, zadistes ou pas. Mais les cabanes illégales, les voyous qui occupent illégalement des terrains qui ne leur appartiennent pas, diront les tenants de l’ordre ?
Eh bien, oui, ils sont de fait dans l’illégalité, comme tant d’autres en France et en Navarre. Quel maire — je l’ai été — n’a pas à faire face à ces difficultés de stationnement et/ou de constructions illégales ? Le bocage serait-il la seule zone de non-droit ? Le seul où il faille intervenir ? Vaste programme que de rétablir l’ordre et la loi partout… Chacun s’accordera, je l’espère, pour admettre d’abord que, dans un État de droit, seule la justice peut autoriser une intervention.
Il n’est donc pas possible en janvier, toutes affaires cessantes, d’envoyer la troupe nettoyer la Zad parce que ce ne serait pas légal. Pour admettre ensuite que la même sévérité doit valoir pour tous les squatteurs, et toutes les infractions, caravanes et autres yourtes sans autorisation, belles résidences agrandies sans permis, propriétaires des bords de l’Erdre — la plus belle rivière de France coulant à Nantes — qui refusent, malgré la loi, le droit de passage sur leurs terrains (mais il faut dire que ceux-là sont des gens bien, qui peuvent payer les astreintes de la justice qui les a condamnés…).
Ces expériences ont leur place dans un futur apaisé
Ancienne élue, je sais la difficulté de l’équilibre à respecter pour vivre ensemble, j’ai passé des décennies à expliquer la nécessité des règles et à faire face « en même temps », comme on dit aujourd’hui, à la réalité qui oblige à trouver des solutions acceptables. La Zad est née de la volonté de défendre un territoire face aux mensonges et à l’obstination coupable des partisans du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ; elle a vu naître et croître de belles expériences, n’en déplaise à ceux qui en parlent sans rien connaître réellement de cet espace de vie. Ces expériences-là, de production, de solidarité, de rapports différents à la nature et aux autres ont leur place dans un futur apaisé.
Parce que je ne suis ni naïve ni angélique, je dis aussi qu’il y a sur la Zad des gens avec qui je ne passerais pas une journée ni même une heure, de même que je ne passerais pas une heure avec des tas de gens apparemment bien sous tous rapports (je ne donnerai pas de noms…), mais je dis qu’il y a aussi d’autres habitants, beaucoup d’autres dont je serais fière qu’ils soient mes enfants pour les plus jeunes, parce que je suis admirative de leur créativité et de leurs valeurs. Je constate aussi que chaque jour nous apporte son lot de faits divers, parfois très glauques, sur Nantes et l’agglomération, que je vois dans les rues toujours plus de mendiants, de gens visiblement malades, de pauvres. Dans une indifférence générale. Notre vie collective me semble pourtant plus menacée par cette réalité et notre impuissance collective que par ce qui se passe sur la Zad.
Le verbe est créateur : à force de parler des « armes de destruction massive » que l’Irak était censé avoir (on le savait, on le répétait de source sûre, on y croyait, donc c’était vrai, n’est-ce pas ?), on a eu la guerre. La vérité a fini par être révélée, il n’y avait pas d’armes de destruction massive. Ceux qui présentent la Zad comme un repaire de quasi-terroristes, ne devraient-ils pas s’en souvenir ?
Avec un peu d’avance sur le calendrier, je forme le vœu que le gouvernement abandonne ce projet destructeur et inutile, et qu’il fasse preuve de lucidité et de réalisme en donnant du temps au temps pour trouver les meilleures solutions locales. Qui peut honnêtement penser que cela mettrait en péril la République, à part des fous, des pyromanes ou des journaux comme Le Journal du dimanche et Valeurs actuelles ?
Reporterre.net