Pourquoi est-ce qu’ils « ruinent » la protestation ?
Tout au long de cette lutte que nous menons pour l’avenir de nos enfants, un sujet profondément problématique continue à s’immiscer dans le débat. Je constate que beaucoup d’entre vous ne font que découvrir maintenant l’idée d’inclure les communautés affectées lorsqu’il s’agit de protéger les terres et les ressources naturelles. Je reconnais que beaucoup d’entre vous ne connaissent pas les droits et les luttes des peuples autochtones, que notre complexité et notre traumatisme ne vous sont pas familiers. Je reconnais que le récit colonial a fait de son mieux pour s’assurer que les peuples autochtones soient presque entièrement effacés de la conscience sociale.
Trop souvent, je vois les droits autochtones traités comme un simple sujet de conversation. Trop souvent, je fais face à ceux qui parlent des peuples autochtones, qui croient pouvoir mieux défendre nos droits que nous. Trop souvent, j’entends des ONG et des alliés non autochtones dénoncer «l’agressivité» et «le comportement intimidant» des peuples autochtones. J’ai même entendu dire que ces autochtones «agressifs» devraient être mis de côté en tant qu’agitateurs extérieurs au mouvement. Agitateurs extérieurs. Réfléchissez un moment. «Terres volées» n’est pas un slogan sur un t-shirt, c’est une réalité que les peuples autochtones vivent chaque jour. « Indigène » n’est pas un mot sur une feuille de papier ou sur une photo colorée et pittoresque d’autochtones, c’est ce que nous sommes.
La survie de la Terre Mère nous unit tous en tant qu’êtres humains. Nous combattons côte à côte pour les générations futures. J’ai beaucoup de camarades, d’alliés, de complices et d’amis incroyables qui luttent pour l’avenir.
Le point de vue d’un autochtone peut ne pas être compris, mais il doit être respecté. Quand nous luttons ensemble, les peuples autochtones entrent souvent dans des espaces qui leur ont été fermés jusque-là. Quand nous disons notre vérité, ce n’est pas seulement une histoire pleine de statistiques et d’anecdotes personnelles dans un format facile à digérer. C’est réel et ça fait bigrement mal. Tant de fois j’ai envie de crier au lieu d’expliquer calmement comment les sables bitumineux détruiraient les rizières sauvages et le cœur de la culture Anishinaabe.
Lorsque nous nous confrontons aux gouvernements, notre relation et notre histoire sont très différentes de celles de la plupart d’entre vous. Fort Snelling, Fort Yates – ces noms signifient quelque chose. Nous transportons nos ancêtres avec nous, ils se sont battus pour que nous puissions vivre. Ce n’est pas seulement une belle terre, un joli lac, une zone humide vierge. C’est là que des milliers de générations de nos parents ont vécu, aimé, combattu, sont morts et ont souffert pour que nous soyons ici aujourd’hui. C’est là que des manières d’être et d’enseigner ont émergé et survécu pendant des milliers d’années, pour être apprises par les nouvelles générations aujourd’hui.
Donc, lorsque vous êtes frustrés par les autochtones «en colère» ou que vous ne comprenez pas pourquoi nous sommes si contrariés et pourquoi nous ne pouvons pas passer outre, rappelez-vous que ces systèmes n’ont pas été créés par nous. Rappelez-vous que ces systèmes reposent sur l’oppression, sur le génocide, sur l’esclavage et sont fondamentalement viciés. Rappelez-vous que les peuples autochtones ont été exclus du débat et que c’est seulement à cause de notre résilience et de notre lien avec la terre que nous sommes maintenant dans ce lieu. Rappelez-vous que 80% de la biodiversité restante dans le monde est entre des mains autochtones pour cette raison. Rappelez-vous qu’une population démunie, en grande partie oubliée, a mené l’un des mouvements de résistance les plus importants depuis des décennies et que nous avons résisté sur tout Turtle Island et face au monde entier. Rappelez-vous de la terre sur laquelle vous êtes. Rappelez-vous ce qui est en jeu.
Avec amour et respect,
Zhaabowekwe
aldeah.org/fr/