Une intervention de Vandana Shiva
L’activiste et auteure indienne, lauréate du Nobel alternatif en 1993, appelle dans un entretien vidéo accordé à Mediapart, les agriculteurs français à sortir de l’âge des engrais et à se réconcilier avec la nature. Elle publie un livre d’entretien avec Nicolas Hulot, où elle défend une vision combative de la biodiversité et de la transition énergétique.
En plein salon de l’agriculture (à Paris jusqu’au 4 mars), Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, syndicat majoritaire, a déclaré lundi 26 février que « Zéro phyto [zéro produit phytosanitaire – ndlr] pour l’agriculture n’est pas possible, comme zéro médicament n’est pas possible non plus pour la population ». Si son organisation accepte de réduire l’usage des pesticides et des engrais, elle refuse de s’en passer totalement. Alors que la France se fixe pour objectif de sortir d’ici trois ans du glyphosate, l’herbicide commercialisé par Monsanto sous le nom de Roundup, la FNSEA estime ce délai trop court. Emmanuel Macron a été vivement interpellé lors de sa visite du salon de l’agriculture, samedi 24 février, sur le sujet.
C’est dans ce contexte tumultueux que l’activiste et auteure indienne Vandana Shiva, de passage en France pour la sortie d’un livre d’entretien avec Nicolas Hulot, défend une vision radicalement alternative de l’agriculture : « Si un paysan français affirme que l’agriculture ne peut exister sans produits chimiques, il oublie l’histoire de l’agriculture en France et dans le monde. »
Défenseure de l’agriculture paysanne et biologique, pourfendeuse des OGM et de la brevetabilité du vivant, Vandana Shiva est l’une des grandes figures internationales de la résistance à la marchandisation du monde. Elle a reçu le prix Nobel alternatif en 1993, contribué à la marche mondiale contre Monsanto en 2013 et fondé Navdanya, un réseau paysan et une banque de graines communautaires qui préserve et diffuse des semences sorties des catalogues commerciaux.
Elle a publié plusieurs livres dont Staying alive, en 1989, un ouvrage fondateur sur les liens entre écologie, féminisme et résistance au colonialisme. On peut en lire un extrait dans Reclaim, paru en 2016, la belle anthologie que la philosophe Émilie Hache consacre à l’écoféminisme.
Elle publie ces jours-ci Le cercle vertueux, un livre d’entretien avec Nicolas Hulot, sur la base d’une conversation tenue en 2017, juste avant qu’il ne devienne ministre de la transition écologique. Vandana Shiva y défend une vision combative de la biodiversité et de la transition énergétique, depuis la perspective des petit·e·s paysan·ne·s des pays pauvres. Elle y développe sa critique des OGM, comparés à une « extraction génétique » des plantes, c’est-à-dire à une exploitation abusive de la nature.
De passage à Paris à l’occasion de sa sortie, elle a accordé un long entretien vidéo à Mediapart. Nous l’avons divisé en deux séquences.
- Dans une première partie, elle explique pourquoi les produits chimiques empoisonnent l’agriculture et les paysan·ne·s, et comment il est possible de cultiver sans engrais ni pesticides. Elle y appelle le monde agricole français à quitter l’âge des pesticides pour passer à des cultures 100 % biologiques.
https://www.youtube.com/watch?v=2ENl4O0G-DE 29 minutes
- Dans une seconde partie, elle explique ce qu’est l’écoféminisme et pourquoi les femmes du mouvement Chipko, qui se sont mobilisées en Inde, à partir des années 1970, pour protéger les forêts de la région himalayenne, ont eu une influence majeure sur sa compréhension du monde.
https://www.youtube.com/watch?v=cSr8teEnVRY 12 minutes
Lire aussi
Vandana Shiva: «Sur une planète morte, on ne fait plus d’affaires»
L’écoféminisme, ou comment se reconnecter au monde