Pour un plan B écolo et social pour la SNCF

Un communiqué sur le blog des initiatives décroissantes

Des signataires de l’appel à la convergence antiproductiviste, salariés et syndicalistes de la SNCF et usagers ont décidé d’appeler à un grand débat sur le futur du réseau ferroviaire au moment où le gouvernement étend son entreprise de saccage de la SNCF déjà initié par Emmanuel Macron avec ses fameux cars… Macron.

 Salariés et syndicalistes de la SNCF et usagers de ce service public, mais aussi signataires de l’appel à la convergence antiproductiviste nous exigeons un grand débat public sur le devenir du chemin de fer. Le statut des cheminots, loin d’être un obstacle à la transition écologique, est la condition du développement d’un grand service public ferroviaire. La France compte déjà deux fois moins de lignes ferroviaires (30000 kms) qu’à la création de la SNCF (60000 en comptant les lignes locales). La France est en retard par rapport aux autres pays comparables.

Le rail ne représente plus que moins de 10 % des trafics de personnes et de marchandises alors que ce mode de transport est le plus écologiste, le moins dangereux et, potentiellement, le plus juste socialement. Le rail ne représente que 2% de l’énergie consommée par les transports et 1 % seulement des émissions de gaz à effet de serre. Au moment où l’on abandonne le projet de Notre-Dame-des-Landes, il est incompréhensible qu’on s’en prenne aux chemins de fer.

Nous proposons donc d’ouvrir un grand débat national autour de dix questions :

1) Le développement prioritaire du fret ferroviaire
La part du ferroutage est passée sous les 10 % en raison des choix politiques favorables aux transports routiers. Nous défendons le transport combiné rail-route comme nous défendons le transport fluvial et par oléoduc.

2) le retour au maillage du territoire ce qui suppose d’abandonner le projet de supprimer 9000 km de lignes et le choix de rouvrir les lignes locales abandonnées et d’en créer de nouvelles

3) l’instauration de la gratuité des transports dans les TER, comme dans les transports en commun urbains, car les transports collectifs sont le seul choix écologiquement et socialement responsables, car la gratuité est la seule façon de réussir la transition écologique dans l’égalité
L’augmentation constante des tarifs a abouti en effet à écarter les milieux populaires, déjà victimes de la gentrification urbaine, du ferroviaire, TER compris, et à privilégier les milieux aisés.

4) L’abandon du système hypercapitaliste de tarifs variables (yield management)

5) Le retour aux trains de nuit contre la grande vitesse
Les pays du Nord de l’Europe comme la Norvège, la Suède mais aussi l’Autriche prouvent le succès de ces trains. Le train de nuit est la meilleure alternative à l’avion. Nous soutenons le réseau européen au train de nuit Back on Track.

6) La démocratisation de la SNCF avec une réelle participation des cheminots et des usagers aux choix d’équipements ferroviaires afin d’avancer vers une société des usagers maîtres de leurs usages

7) la priorité absolue aux trains locaux sur les TGV
Une rame TGV coûte entre 40 et 50 millions d’euros contre 1,5 et 15 millions pour une rame TER.

8) Le retour du TER au ferroviaire contre l’autobus
On compte aujourd’hui 260 lignes trains et 240 autobus.

9) Le maintien de la SNCF comme établissement public

10) La défense des droits des salariés de la SNCF et d’ailleurs, contre la division créée par le pouvoir et la majorité des médias

Collectif des salariés et usagers de la SNCF pour des transports écologistes, sociaux et gratuits.
Avec le soutien de l’Observatoire International de la Gratuité.

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l’avenir cheminot de l’émancipation

Un article de P. Corcuff paru dans Libération

Extraits

Les «chemineaux», sont, à la fin du XIXe siècle, les ouvriers itinérants qui construisent les lignes de chemin de fer. Un modèle d’autonomie individuelle basée sur des compétences et une fierté professionnelles. Une piste pour construire de nouvelles relations sociales ?

La solidarité avec la grève appelée par l’intersyndicale de la SNCF à partir du 3 avril doit être exemplaire à l’image d’une certaine exemplarité cheminote. Le milieu cheminot ne constitue pas une nouveauté pour moi. Ce n’est cependant qu’aujourd’hui, à un moment où l’on cherche justement à la macroniser, que je me rends compte que la forme de vie cheminote contient des germes civilisationnels alternatifs à la loi de la compétition marchande. Pas une alternative au sens du vieux collectivisme, mais de plain-pied avec les contradictions des sociétés individualistes et capitalistes contemporaines. Non pas un «tout collectif» prétendant revenir sur le profond mouvement historique d’individualisation, mais un individualisme associatif, solidaire, écologiste et ouvert sur le monde prenant le relais de l’individualisme concurrentiel au service de quelques privilégiés, en voie d’épuisement sous le poids de ses dégâts sociaux, humains, écologiques et même spirituels.

Pour le philosophe Walter Benjamin, dans ses thèses Sur le concept d’histoire (1940), le passé n’apparaît pas comme un poids mort empêchant nécessairement le neuf d’accoucher, mais il constitue un enjeu de luttes entre conservateurs et éclaireurs d’avenir. «La tradition des opprimés» recèle des ressources pour nous aider à inventer un futur hérétique. Le ringard, c’est Emmanuel Macron avec sa tête de golden boy ravi, tout droit sorti des années 80.

Cependant, les mouvements sociaux critiques, fréquemment arc-boutés sur une position trop exclusivement défensive, risquent de passer à côté d’un télescopage inédit entre le meilleur de la tradition et les promesses émancipatrices de la modernité. Or, l’histoire cheminote peut justement nous inviter à prendre un autre chemin, conjuguant résistances à court terme et horizon émancipateur, fortes individualités et coopération, droits sociaux et service public, insertions locales et goût des communications internationales, protections sociales et esprit d’aventure, attaches dans la nature et innovations technologiques.

Les «chemineaux», ce sont, à la fin du XIXe siècle, les ouvriers itinérants qui construisent les lignes de chemins de fer. L’expression est souvent péjorative, ne serait-ce qu’à cause de sa proximité avec les «chemineaux» entendus comme des vagabonds errant sur les chemins. Le «chemineau» se présente donc comme une individualité circulante. Le passage de «chemineau» à «cheminot» est entériné comme dénomination positive avec la création de la Fédération nationale des travailleurs des chemins de fer CGT en janvier 1917, son organe s’intitulant La Tribune des cheminots.

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