Charbon ou biomasse

La vérité sur le pellet fabriqué avec des déchets de bois

Dans l’article de Reporterre publié hier, les auteurs constatent qu’EDF connait parfaitement le problème de l’utilisation des déchets de bois dans les centrales électriques et son passage à l’échelle industrielle qui est impossible car les granulés de bois ainsi produits contiennent de nombreuses impuretés et leur utilisation intensive conduirait rapidement à une dégradation des installations. C’est ce que nous ne cessons de dire depuis le début du premier projet d’usine à pellets industriels d’Anor, en 2014. Les déchets de peintures, de colles et de vernis vont obstruer les presses et provoquer une explosion, comme cela arrive souvent avec ce type d’usine.

Nous voulons ici rappeler quelques vérités  sur le projet Jeferco d’Anor :

  • Les branchages et bois rémanent ne sont pas une ressource « valorisable » et doivent rester sur place car ils sont indispensables à la richesse biologique des sols qui sont déjà trop sollicités par les coupes à blanc.
  • Bruler des arbres ou des billons n’est pas une solution pour lutter contre le dérèglement climatique. De nombreuses études montrent que l’utilisation de la biomasse pour produire de l’énergie génère des rejets plus polluants que les énergies fossiles et accroît l’industrialisation des forêts.
  • Les nuisances de ce projet l’emportent largement sur ces avantages : pollutions directes et indirectes, dégradation des routes, nuisances pour les espèces protégées vivant sur le site et à proximité ou de passage.
  • La création d’une vingtaine d’emplois ne peut pas être une excuse permettant de faire n’importe quoi. Surtout lorsque cette activité met en péril d’autres emplois au sein des filières bois, tourisme ou agriculture biologique.
  • Le projet Jeferco correspond bien à une recherche de profits et non à un prétendu souci de « transition énergétique ». Il profite avant tout de l’opportunité créé par la nouvelle politique énergétique européenne et française permettant d’obtenir plus de subventions. C’est du « Greenwashing ».
  • Il est impossible d’obtenir un prêt afin d’acquérir une maison de 200 000 € avec seulement 7000 € d’apport personnel. Vous allez faire rire votre banquier ! C’est pourtant ce que veut faire Jeferco car depuis quatre ans cette société cherche 17 millions d’euros avec seulement 700 000 € d’apport. Et depuis le « plan B », il cherche 34 millions d’euros, mais toujours avec le même apport.

Les instances régionales et quelques élus zélés sont en train de faire passer en force cette unité expérimentale de fabrication de pellets à partir de déchets de bois unique au monde et dont EDF déclare que ça ne fonctionne pas. Cette unité de production ne sera que la partie visible d’une politique européenne qui prétend répondre au bouleversement climatique en utilisant nos forêts pour la production d’électricité. Cette nouvelle forme de convoitise sur le bois est une menace majeure pour l’ensemble des milieux forestiers qui devraient rester un de nos atouts dans la lutte contre le dérèglement climatique, car ils sont les usines  à recycler le CO².

https://anorenvironnement.wordpress.com/2018/11/

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Troquer le charbon pour la biomasse, la mauvaise idée du gouvernement

Le gouvernement s’est engagé à ce que plus aucune centrale à charbon ne fonctionne en France d’ici à 2022. Or, expliquent les auteurs de cette tribune, la tentation est forte de choisir la voie de la biomasse, une décision aux conséquences catastrophiques pour le climat et les forêts.

En 2022, le gouvernement s’est engagé à arrêter l’utilisation de charbon en France. Mais que faire des dernières centrales à charbon en fonctionnement : faut-il les fermer ou les reconvertir en centrales à biomasse ?

Pour se faire une idée de ce qui est en jeu, il suffit de regarder ce qu’il s’est passé de l’autre côté de la Manche : dans le sud de l’Angleterre, la conversion de la centrale à charbon de Drax en centrale à biomasse est révélatrice des problèmes que pose ce type de projet. Son approvisionnement nécessite chaque année 13 millions de tonnes de bois soit, à elle seule, 120 % de la production totale de bois du Royaume-Uni. En quelques années, le Royaume-Uni a ainsi massivement augmenté ses importations de bois, notamment en provenance des États-Unis, alimentant une très forte destruction des forêts naturelles de la côte Est.

Dans le Sud de la France, c’est la reconversion de la centrale à charbon de Gardanne (Bouches-du-Rhône), annoncée en 2011, qui inquiète. Ce projet, vivement contesté, connaît des difficultés mais plutôt que de tirer des leçons de cet échec, le gouvernement laisse la porte ouverte à la conversion d’autres centrales à charbon. Et en particulier, les deux dernières centrales exploitées par EDF, l’une à Cordemais (en Loire-Atlantique, près de Nantes) et l’autre au Havre (Seine-Maritime). Les fiefs respectifs de François de Rugy et d’Édouard Philippe. Alors que Nicolas Hulot s’était montré très ferme sur le sujet en déclarant à l’Assemblée nationale qu’une reconversion en centrale à biomasse n’était pas une option [1] car cela entraînerait une « déforestation massive », sa démission a redonné de l’espoir aux partisans d’une reconversion.

Depuis quelques semaines, le gouvernement souffle ainsi le chaud et le froid sur ce dossier qui pourrait bien avoir des conséquences catastrophiques pour le climat et les forêts. Dernier exemple en date : le 18 octobre, le nouveau ministre de l’Écologie a réuni les élus locaux en colère pour finalement leur annoncer qu’il donnait son feu vert pour poursuivre les expérimentations sur la biomasse à la centrale de Cordemais. On ne parle pas ici de lobby mais d’absence de courage politique car dans tous les ministères, et au plus haut niveau de l’État, tout le monde s’accorde à dire que le projet est insensé [2].

Dans toute cette histoire, l’attitude du gouvernement ne fait qu’empirer la situation

D’abord parce que les volumes de bois qui seraient nécessaires sont colossaux : jusqu’à six millions de tonnes par an ! Dans son étude d’impact, EDF reconnaît que cela impliquerait des convois de camions sur l’ensemble de la façade atlantique, de la Haute-Normandie au Pays basque. Conscient du risque d’être accusé de déforestation, EDF explique vouloir utiliser prioritairement des déchets de bois aujourd’hui non valorisés. L’entreprise a même construit un prototype pour faire des tests. Sauf qu’EDF sait parfaitement que le passage à l’échelle industrielle est impossible car les granulés de bois ainsi produits contiennent de nombreuses impuretés et leur utilisation intensive conduirait rapidement à une dégradation des installations. La seule option : utiliser du bois issu directement de forêts. Mais que ce bois provienne des forêts françaises ou qu’il soit importé, la bêtise est la même. Cela revient à accroître l’industrialisation des forêts, l’érosion de la biodiversité et à rejeter des quantités massives de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

Brûler des arbres au moment même où nous avons le plus besoin d’avoir des forêts vivantes, capables de stocker du carbone est le meilleur moyen de franchir des seuils d’emballement climatique irréversibles.

Dangereux pour le climat et les forêts, le projet de reconversion de la centrale de Cordemais ne permet pas non plus de maintenir les emplois existants : EDF reconnaît que plus de la moitié des emplois directs seraient supprimés. À moyen terme, si le projet tourne au fiasco industriel, c’est l’ensemble du site qui est condamné.

Même au sein d’EDF, le projet ne fait pas consensus. Lâcher sur les centrales à charbon pour rendre plus difficile la fermeture de réacteurs nucléaires serait un excellent « deal ». Prolonger de quelques années la durée de vie des centrales à charbon en mettant un peu de biomasse serait la cerise sur le gâteau.

Dans toute cette histoire, l’attitude du gouvernement ne fait qu’empirer la situation. Décaler la sortie du charbon en acceptant ce projet de reconversion en trompe-l’œil risquerait de décrédibiliser lourdement le président Macron sur la scène internationale. Un coût politique que le gouvernement n’est pas prêt à payer. Mais à trop vouloir entretenir les espoirs, il rend encore plus rude l’acceptation de la fermeture pour les salariés et les élus locaux.

Cela fait plus d’un an que la fermeture des centrales à charbon a été annoncée. Une année de perdue, durant laquelle rien de concret n’a été mis en place sur les territoires concernés. Les contrats de transition écologique n’ont toujours pas été lancés. C’est bien loin de l’anticipation que le gouvernement appelait de ses mots dans le plan climat, c’est échouer dans la mise en œuvre d’une transition juste et à la hauteur de l’urgence climatique.

Sylvain Angerand et Cécile Marchand, membres des Amis de la Terre

 [1] En réponse à une question de la députée Anne-France Brunet (LREM, Loire Atlantique), qui soutient fermement ce projet à l’Assemblée nationale, le ministre Nicolas Hulot a eu des propos clairs : « La conversion totale des centrales à charbon par ce que vous appelez l’utilisation de la biomasse — pour faire simple du bois — pour l’électricité pose des difficultés environnementales et je vous invite, prudemment, à regarder les expériences en métropole et à l’étranger, qui montrent que tout cela donne un rendement énergétique faible pour produire de l’électricité et souvent un problème d’utilisation massive de bois qui peut contribuer à la déforestation. L’avenir de la biomasse, ce sont des installations de plus petite taille qui produisent de l’électricité et de la chaleur à partir de la biomasse et des déchets. ».

[2] Voir notre note

« Six raisons pour lesquelles reconvertir les centrales à charbon d’EDF en centrales à biomasse est une mauvaise idée ».

 https://reporterre.net/Troquer-le-charbon-pour-la-biomasse-la-mauvaise-idee-du-gouvernement