C’est un concept avec lequel nous sommes à peu près tous familiers tant il est présent dans notre imaginaire collectif.
Pas une semaine sans que l’on entende parler d’objectif de croissance du PIB, de révision des previsions de croissance, de promesse de croissance, comme si cet indicateur était l’Alpha et l’Omega de toute politique publique, en conditionnait le jugement de valeur.
C’est que, semble-t-il, la croissance est devenue synonyme de richesse, de progrès, et qu’elle conditionnerait la bonne santé des nations. Il faut de la croissance, car il faut toujours plus de création de valeur, pour améliorer le système ou simplement le maintenir, pour rester compétitif, pour payer les retraites de demain…
Certains, comme Vincent Liegey, pensent qu’il y a un problème fondamental avec cette idée, ou plutôt avec la relation que nous entretenons avec elle. Nous serions « accrocs » à la croissance, l’aurions érigé en dogme, voire en religion, et serions ainsi incapables d’accorder de la crédibilité à d’autres indicateurs de « progrès ».
Apparemment nous n’en verrions pas non plus les dysfonctionnements (par exemple la répartition inégale des richesses créées) et les externalités (la destruction de l’environnement, l’épuisement des ressources…).
Puisque la croissance ne serait pas forcément bonne, j’ai voulu rencontrer Vincent pour mieux comprendre ce qui se cache derrière le terme provocateur de « décroissance » que je ne comprenais pas bien.
A-t-on vraiment un problème avec la croissance ? Qu’est-ce que la décroissance ? Comment ça marche concrètement, et est-ce vraiment une solution aux différentes ondes de chocs que l’on voit pointer à l’horizon ?
Vincent Liegey est ingénieur, chercheur interdisciplinaire, essayiste, et conférencier.
Il est « objecteur de croissance » et prône une transition démocratique et sereine vers de nouveaux modèles de société basés sur la décroissance, la convivialité et l’autonomie.
Pour écouter Vincent durant 1 h 16 :
https://sismique.fr/15-vincent-liegey-decroissance/
Sujets abordés dans l’épisode
Décroissance, effondrement, environnement, croissance verte, Revenu Maximum Acceptable, Revenu de Base, communs
Pour s’y retrouver…
Une dépendance à la croissance qui pose problème ?
- La croissance est-elle une mauvaise idée ? « Nous sommes toxico-dépendants à la croissance. »
- La notion de seuil de contre-productivité .
- « Ce qui est une mauvaise idée c’est la religion de la croissance: la croissance pour la croissance. »
- Notre époque est-elle particulière? La convergence des crises.
- « On est face à l’effondrement d’un modèle civilisationnel qui est ce que j’appelle la société thermo-industrielle »
- La décroissance comme pensée parapluie, une matrice de reflexion, faisant le lien entre différentes disciplines et approches pour tenter de résoudre des problèmes complexes.
- « La croissance verte? Une imposture intellectuelle. »
- Le mot décroissance : un mot provocateur à dessin.
- Le mythe de la croissance : « Une croissance infinie dans un monde finie n’est pas possible, c’est une absurdité. »
- « On atteint des niveaux d’inégalités qui sont insoutenables. »
- « Sortir des visions quantitatives de la société pour aller vers des visions plus qualitatives. »
La décroissance c’est quoi ?
- 3 grandes définitions:
- un outil sémantique, un slogan provocateur pour rendre compte de notre dépendance à la croissance
- une pensée multi dimensionnelle permettant de faire le lien entre les différentes crises
- un réseau ouvert pour discuter et penser le politique, la citoyenneté, la culture…
- “Décroire plutôt que décroître”. Décoloniser les imaginaires et penser un autre modèle de société.
Comment « vendre » la décroissance ?
- « Le terme décroissance nous protège de ce risque de récupération […] et il est une invitation à faire un effort intellectuel. »
- De la difficulté de faire comprendre et accepter les idées liées à la décroissance…
- « On continue d’être engagés dans ce consumérisme mais on se rend compte que ça ne nous rend pas nécessairement heureux. »
- Des nouvelles dynamiques sociétales font qu’il est de plus en plus facile d’en parler et de se faire comprendre.
Les critiques de la décroissance
- L’argument du besoin de développement des pays pauvres… Le problème de la religion de la croissance est partout bien compris, y compris chez les plus pauvres.
- Le développemment oui, mais il y a un niveau optimal à ne pas dépasser. Métaphore de la coquille d’escargot.
L’aspect politique des choses
- La décroissance est-elle forcément de gauche ?
- Maintenir une société sans croissance ?
- « La première des décroissances doit être celle des inégalités »
- Revenu Maximum Acceptable
- New economics foundation
- Revenu inconditionnel d’existence (revenu de base)
- Réflexion sur les communs
Comment mettre ces idées en place ?
- Ce qui se passe concrètement avec les expériences sur le Revenu de Base et de Revenu Maximum acceptable.
- Fiscalité américaine sous Roosevelt. Article de T.Piketty
- « Il n’y a pas de baisse de l’empreinte écologique sans baisse du PIB. »
- Le mythe du découplage
- « Remettre l’économie à sa place »
- A chaque échelle il y a des opportunités d’action.
- « Tout le monde est d’accord pour dire que les dettes publiques ne seront jamais remboursées.»
- « Le système bancaire est aujourd’hui totalement hors de contrôle ».
- La décroissance ne va-t-elle pas venir d’elle même ?
- « On est déjà dans une logique d’effondrement. »
Ce qui peut se passer dans les années à venir
- Opposition entre un vieux système qui va dans le mur et un monde qui bouge.
- « J’essaie de rendre visible l’invisible. »
- L’enjeu c’est comment s’appuyer sur les transformations silencieuses pour créer un mouvement politique.
- « Les jeunes sont la force vive de la transformation de la société, le blocage vient des vieux cons. »
Les personnes et références citées
Un projet de décroissance – livre de Vincent
Cargonomia (Budapest)
Ivan Illich, seuil de contre-productivité
Collection les Précurseurs de la décroissance – passagers clandestins
Obsolescence programmée – reportage Youtube
Animata Traoré, ancienne ministre de la culture du Mali – « Le viol de l’imaginaire »
Majid Rahnema – Quand la misère chasse la pauvreté
Cornielus Carstoriadis – concept d’autonomie
Syriza, Wolfgang Schauble, Yanis Varoufakis
Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde