… Et qui ne s’est pas produit
L’année 2018 devait voir arriver l’ordinateur « exascale », la lune de miel sur Mars et la fusion nucléaire… mais ça a raté.
« La prédiction est un exercice très compliqué, spécialement quand elle concerne le futur », plaisantait le physicien Niels Bohr. Et relever les prédictions passées qui ont raté est une gourmandise à laquelle il est difficile de résister. Les Décodeurs ont donc passé en revue dix grands événements qui devaient marquer l’année 2018… mais n’ont pas eu lieu.
- L’informatique devait franchir en 2018 une étape décisive, avec la mise au point du premier ordinateur « exascale », capable de franchir le cap de l’« exaflop », c’est-à-dire d’effectuer un milliard de milliards d’opérations par seconde. La Darpa (Defense Advanced Research Projects Agency), la prestigieuse agence de recherche de l’armée américaine, s’était fixé cet objectif il y a huit ans, mais elle ne l’a toujours pas atteint. Et les Chinois sont bien partis pour ravir la victoire aux Américains dans cette course à la puissance, version moderne de la guerre des étoiles: Pékin devrait officiellement lancer son premier supercalculateur exascale en 2020, deux ans avant les Etats-Unis.
- L’EPR de Flamanville n’a pas ouvert en 2018 – pas plus qu’en 2017, en 2016, en 2014 ou en 2012. Le chantier de cette centrale nucléaire de nouvelle génération dans la Manche accumule les déboires et les retards depuis son lancement en 2007. L’objectif de mise en service est désormais fixé à la fin 2019. Ces reports à répétition empêchaient jusqu’à présent la fermeture des vieux réacteurs nucléaires de Fessenheim, mais Emmanuel Macron a décidé de dissocier le sort des deux centrales, en promettant l’arrêt de Fessenheim en 2020.
- Un nouveau télescope géant de 42 mètres devait partir à la recherche de nouvelles exoplanètes dès 2018: mais l’Extremely Large Telescope est toujours en chantier dans le désert d’Atacama, au Chili, et son miroir de 39 mètres de diamètre ne sera pas opérationnel avant 2024. Il faudra donc attendre encore un peu pour « révolutionner notre perception de l’Univers, bien plus que ne le fit Galilée il y a quatre cents ans », comme le promet l’Observatoire européen austral, principal architecte du projet.
- Le téléphone à écran 3D était annoncé comme la prochaine grande révolution mobile au tournant des années 2010. Le cabinet DisplaySearch prédisait une explosion de cette technologie en 2018, avec 71 millions de smartphones équipés à travers le monde. Force est de constater qu’on en est encore loin. Les téléphones capables d’afficher des images en trois dimensions sans lunettes sont encore peu nombreux sur le marché et déçoivent les spécialistes, même si la 3D fait toujours fantasmer les amateurs de nouvelles technologies.
- Une sonde européenne devait se poser sur Mars en 2018, pour chercher de nouvelles traces de matières organiques. Mais le lancement du programme ExoMars 2018 a été reporté de deux ans. La faute à la NASA, qui a arrêté de soutenir le projet pour des raisons budgétaires. La mission a finalement été sauvée grâce à un accord de l’Agence spatiale européenne avec la Russie, mais repoussée à 2020… et rebaptisée ExoMars 2020.
- 2018 ne sera pas non plus l’année du premier voyage en amoureux dans le ciel de la planète Mars, comme l’avait promis il y a cinq ans le millionnaire américain Dennis Tito, qui fut lui-même le premier touriste autorisé à rejoindre la Station spatiale internationale. Le coût exorbitant d’un tel projet a eu raison des ambitions de M. Tito, qui a dû rapidement abandonner l’idée, après avoir échoué à convaincre la NASA d’investir 700 millions de dollars.
Que les rêveurs se rassurent : le flambeau a été repris par le milliardaire californien Elon Musk, qui proclame depuis quelques années qu’il sera le premier à envoyer des hommes sur Mars. Dans l’une de ses déclarations chocs dont il a le secret, le fondateur de SpaceX a estimé à 70 % les chances qu’il foule un jour lui-même le sol de la Planète rouge (après un voyage qui sera probablement sans retour). Le scepticisme affiché par les scientifiques ne l’a pas empêché d’annoncer l’installation d’une base martienne d’ici 2028.
- Le projet ITER, un réacteur expérimental à fusion nucléaire en construction à Cadarache (Bouches-du-Rhône) depuis 2010, devait commencer à fonctionner en 2018. Mais les retards se sont accumulés, et la production du premier plasma est désormais prévue pour décembre 2025. Ce projet très ambitieux ne devrait pas apporter de sitôt de solution miracle au défi énergétique criant qui se pose à l’humanité : la première fusion nucléaire ne devrait pas intervenir avant 2035, et une éventuelle commercialisation de l’électricité ainsi produite arriverait au mieux en 2060, pour un coût total du projet approchant les 20 milliards d’euros.
- Le Grand Paris Express, un nouveau métro automatique qui relie entre elles les villes de la banlieue parisienne, devait progressivement entrer en service à partir de 2018. Mais de multiples difficultés politiques et techniques ont retardé le chantier, qui n’a véritablement commencé qu’en 2016. Cette nouvelle « ligne 15 » ne sera donc pas ouverte avant 2025, et même 2030 pour les tronçons est et ouest.
- Les tours Duo accusent également un retard, toutefois moins impressionnant : ces nouveaux gratte-ciel imaginés par l’architecte Jean Nouvel devraient être inaugurés dans le 13e arrondissement de Paris en 2020, au lieu de 2018.
- Les nazis de l’espace réfugiés sur la face cachée de la Lune depuis la fin de la guerre ne sont pas revenus sur terre pour se venger en 2018, contrairement à ce que dépeignait le scénario du film culte Iron Sky.
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