Petits désaccords amicaux avec le texte de Djordje Kuzmanovic !

Réfléchir et se différencier.

On souhaite revenir et commenter la tribune de Djordje Kuzmanovic publiée dans Le Monde le 15 janvier 2019 : où l’ex-responsable de la FI dénonce tant le mouvement de la FI prétendument démocratique, que la poussive stratégie d’union de la gauche menée par la direction autoproclamée de la FI. Réactivant les vieilleries socialistes (Maurel, Lienemann) et les, jeunes représentantes de l’idéologie PS comme Manon Aubry, histoire de séduire les classes moyennes éduquées des grandes villes. On trouvera ce texte en version intégrale sur mon mur.

Le texte de Djordje est tonique, plein de fougue et d’analyse politique stimulante. Nous sommes d’accords sur beaucoup de points. On pointera cependant certains désaccords, histoire, on le souhaite, d’alimenter le débat politique au sein des insoumis critiques, dont le groupe commence à grossir sérieusement.

1)- Au sein de la FI, nous vivons une sclérose quasi stalinienne

Évidemment, le « bannissement » de François Cocq est ignoble. Intervenant qui plus est, après le départ plus que souhaité par la direction de la FI de Djordje Kuzmanovic. Cette exclusion grossière rappelle, comme l’écrivait récemment avec lucidité Jacques Sapir, les grandes heures du stalinisme, avec l’excommunication des Servet et Casanova. Et j’ajouterai : celle d’Edgar Morin en 1953, qui a rédigé un très beau texte plein de douleur, que je cite de mémoire. Pendant 8 jours, Morin pleure jour et nuit. Puis les larmes finissent par se tarir, la douleur s’estompe. La lettre se finit par ces mots inoubliables : « redevenu petit enfant, j’aurais joué avec mes mots ». Être chassé d’un parti comme un voleur, un vaurien, est une lourde épreuve personnelle. Les staliniens hier, les dirigeants de la FI aujourd’hui ne sont pas des philanthropes, pour rester dans un registre euphémisé (Roger Garaudy n’a-t-il pas fait une dépression nerveuse après son exclusion du PCF ?). A rebours, on souhaite dire combien on est sensible au chagrin réel subi par François Cocq, Djordje, Jacques Généreux lourdé lui-aussi comme un malpropre en mai 2017. Les désaccords politiques n’empêchent pas de respecter les êtres humains, donnant vie à ces clivages, il est important de le rappeler.

2°)- LA FI s’est transmuée en PS bis !

Djordje dénonce à juste titre les chimères poursuivies par la Direction de la FI d’une pseudo union de la gauche : FI+PS +Générations +PCF +EELV. Mais il existe un autre problème adossé à cette stratégie de recherche forcenée « d’union de la gôche » ». C’est le fait que, depuis juin 2017, Corbière est devenu le caudillo secret de la FI, imposant UNE STRAGEGIE PS BIS, à peine centre gauche, en lieu et place de notre précédente stratégie social-démocrate de gauche. Mettant d’autorité notre programme « L’avenir en commun » à la poubelle ! Les questions traversant la FI ne sont donc pas réductibles à un simple problème de « démocratie », mais aussi d’aggiornamento stratégique adopté par une poignée de dirigeants auto proclamés, sans aucun vote de la base. JLM a benoîtement obéi à cette stratégie félonne, qui tue la FI à petit feu chaque jour. Et où la FI fonce dans le mur à 200 à l’heure.

Aujourd’hui, quand je vois les Corbière, Quatennens, Bompard, Autain, Lachaud, Coquerel, Garrido, Manon Aubry, Maurel, Lienemann, JLM à la télé, on voit la mort de la FI et on a beaucoup, beaucoup de peine….!

3)- Populariser notre programme « L’avenir en commun » auprès des Gilets Jaunes

On le sait, la sclérose du stalinisme n’est pas réductible aux seules excommunications de cadres du PCF de l’époque, même si elles sont restées gravées dans nos mémoires. Les années 50 furent aussi des périodes de grande sclérose/glaciation idéologique, triomphe de la langue de bois oblige, dont le PCF ne s’est en réalité jamais remis.

Exactement ce que nous sommes en train de vivre en ce moment au sein de la FI, avec la mise à la poubelle de notre programme « L’avenir en commun », remplacé par des sorties approximatives, souvent scientifiquement erronées, comme l’a fait justement remarquer Frédéric Pierru, proche de Liem Ngoc, auteur du livret sur la santé du programme AEC. Cela vaut aussi pour JLM dont les textes, surtout lorsqu’il veut parler de la question sociale, sont gribouillés à toute allure, construit sur la doxa officielle de l’INSEE et ses chiffres truqués sur la pauvreté, sans idée force. Surtout sans sincérité aucune, ce qui explique de mon point de vue sa stagnation dans les sondages, beaucoup plus que la supposée « concurrence » des Gilets Jaunes. JLM souffre le premier de ne plus pouvoir s’appuyer sur notre programme AEC, intellectuel collectif de la FI, qui charpentait ses discours pendant la campagne présidentielle 2017.

Mon analyse est corroborée par celle de Bruno Amable, auteur de l’ouvrage « L’illusion du bloc bourgeois, alliances sociales et avenir du modèle français », édition Raison d’Agir, 2018, » et surtout de l’article publié dans Libération du 26 novembre 2018 : « Vers un bloc anti bourgeois », où il pointe, dans la stratégie des Gilets Jaunes, l’absence « de stratégie politique, notamment dans sa dimension économique »(sic) : c’est à dire la capacité des Gilets Jaunes de former un bloc anti bourgeois majoritaire suppose l’existence d’un corps d’idées nouvelles. Toute la question est là : ce programme anti libéral, de solidarité et de partage AEC : nous l’avons. Voilà pourquoi, une des tâches prioritaire des militants insoumis critiques est de le ressortir, et de le populariser, surtout dans ses propositions de hausses salariales et de retour à l’échelle mobile. Et dans son volet « lutte contre le chômage et la pauvreté » : création d’un million d’emplois associatifs pour les chômeurs de longue durée ; multiplication par 2 des minimas sociaux, soit environ 1000 euros par mois. Au lieu de quoi, le simple rappel de Djordje de « continuer sur la ligne tracée par le programme AEC »(sic) parait être insuffisant, ne correspondant pas aux besoins de la période.co-.

4)- Construire un bloc social anti bourgeois

Autre désaccord (amical) avec Djordje : à la fin de son texte, ‘j’appelle à « UNIFIER TOUS LES GENS DE BONNE VOLONTE »(sic). Cette analyse non marxiste est peu convaincante. On préfère parler de la nécessaire constitution d’un bloc social majoritaire, comprenant les classes populaires et les petites classes moyennes fortement représentées dans le mouvement des gilets jaunes. L’OBJECTIF EST DE RECONSTRUIRE LE VIEUX « PEUPLE DE GAUCHE » DES ANNES 70 : c’est à dire le rassemblement des classes populaires + partie de la classe moyenne + intellectuels critiques conscience de ce groupe social à vocation majoritaire.

En effet, à compter de la fin des années 70, comme l’explique Emmanuel Todd, les classes moyennes ont abandonné les classes populaires, pour s’allier à l’oligarchie et imposer la société d’immobilisme social dans laquelle nous vivons depuis 40 ans LA SOCIETE D’ IMMOBILISME SOCIAL, dans laquelle nous vivons depuis 40 ans. Ce que Todd appelle une société devenue « une Belle au Bois dormant ».

N’en déplaisent aux analyses simplistes, les classes populaires et les jeunes demandeurs d’une offensive politique extra système ne sont pas au FN (37% d’ouvriers votants votent FN, beaucoup moins parmi les inscrits), mais majoritairement dans l’ABSTENTION, comme le montre excellemment l’article de Céline Braconnier dans la Revue Nationale Française de Sciences Politiques du printemps 2018 intitulé : « Pas de chrysanthèmes pour les variables de la participation ». Abstention qui a encore grimpé aux élections présidentielles 2017, et qui frappe surtout les classes populaires et les jeunes. Abstention qui est même de l’ordre de 80% aux scrutins partiels de 2018… !

Voilà pourquoi le groupe interne/externe « Rupture Pouvoir aux insoumis », est un collectif humain, intellectuel collectif, qui vise à rassembler les militants de base insoumis et ceux qui en sont partis écœurés par la stratégie PS bis de la direction de la FI depuis juin 2017. Et ses pratiques politicardes visant à permettre à l’entourage de JLM de s’enrichir sur la vache à lait de l’argent public : mais restés fidèles à notre programme « L’avenir en commun » : et qui souhaitent le populariser surtout dans sa partie sociale, afin d’alimenter la réflexion des Gilets Jaunes.

 

Par BRIGITTE PASCALL 

Qui est Brigitte Pascall ?

J’adore écrire. Produire du neuf chaque matin. D’abord sur Facebook puis sur Médiapart depuis 2013, où je rédige des articles sur le chômage et la pauvreté. Et, depuis un an, des analyses politiques sur la situation actuelle. Je suis au PG depuis sa création (novembre 2008) et membre de la France insoumise. Je me bats contre le chômage et la pauvreté, réinventer une « politique de plein emploi », comme disait Pierre MENDES-FRANCE dans son discours de 1957. Faire en sorte que chacun ait un emploi correctement rémunéré ou une allocation d’existence décente…Et, au-delà de la seule question de l’emploi, je souhaite participer à l’émergence d’un projet politique alternatif au projet libéral actuel, qu’on nous impose en France depuis Giscard