Je pense à Amazone qui allait toujours faire un petit tour avant d’entrer dans l’écurie,
Je pense à la brave Luxieuse, on se collait contre elle pour qu’elle nous réchauffe en hiver,
Le pense aux enfants qui allaient raconter leurs histoires à Ortie,
Je pense à Norvège, la solitaire,
Je pense à Jugeotte qui voulait adopter tous les veaux,
Je pense à Liégois, le jeune taureau qui avait peur des vieilles vaches et qui venait se cacher derrière nous,
Je pense à Irma la douce,
Je pense au jour où j’étais perdue dans le brouillard et où je les ai suivies pour rentrer à la maison,
Je pense à mon chien Igor, fier, qui nous aidait et nous prévenait,
Je pense à ce jour où la chatte a fait ses petits dans le couloir d’alimentation : comme les vaches étaient délicates avec les chatons !
Je pense à nos vieilles vaches qui se rappelaient des champs où l’herbe était meilleure,
Je pense aux odeurs,
Je me souviens qu’elles étaient toutes folles quand on leur donnait le regain,
Je me souviens de nos grands-mères qui regardaient passer les vaches assises sur leur banc,
Je me souviens du bonheur,
Je me souviens comme j’ai eu mal quand je suis rentrée dans cette « ferme »-usine des 1000 vaches, quand j’ai vu les bêtes amorphes défiler sur un tapis,
Et puis le silence, le froid, les odeurs de produits de nettoyage
Comme j’ai eu mal pour ces bêtes mais aussi pour ces hommes attelés à un travail répétitif, coupés de leur sensibilité,
Et comme j’ai mal pour tous ceux qui sont déconnectés de la vie.
Dominique Henry, paysanne retraitée dans le Doubs
Confédération Paysanne