… au grand dépit
Comme nous pouvions le craindre, à l’issue d’un long exercice de communication du Président de la République organisé aux frais de l’État, le Gouvernement vient de nous annoncer, par la bouche d’Édouard Philippe que, non seulement la politique qu’il conduit ne changerait pas de direction, mais pire encore qu’elle serait amplifiée. Au lieu de répondre à la forte exigence de justice sociale et fiscale, de démocratie et d’écologie exprimée par nos concitoyens les vieilles recettes libérales continueront d’être appliquées : moins d’impôt pour les plus riches et moins de services publics pour tous les autres. Le Président de la République et son Gouvernement répondent par le mépris et le déni aux aspirations populaires. Ils prennent ainsi avec cynisme le risque d’accentuer les fractures de la société française pour le plus grand bénéfice de leur duel politique mis en scène entre pseudo-progressistes et vrais nationalistes. Notre pays sort affaiblit de ce débat nouvelle occasion manquée entre les citoyens et ses gouvernants. Cette attitude irresponsable sème aujourd’hui la déception et prépare la colère pour demain.
Pourtant des solutions existent le mouvement des Gilets Jaunes, plus largement les classes populaires et moyennes réclament du pouvoir d’achat, de la protection sociale, et une transition écologique et sociale juste.
Pour une transition écologique juste :
– Une contribution climat énergie juste : faire contribuer le transport routier aérien et maritime, les industries polluantes et taxer les banques qui financent l’économie du carbone. Pour les particuliers rembourser la contribution climat énergie selon des critères de revenus et de lieux de vie.
– Flécher l’ensemble des recettes de la contribution climat énergie à la transition énergétique et écologique : mobilité durable, isolation des logements, énergies renouvelables.
– Instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe dédiée au financement de projets européens en faveur de la transition énergétique : service public européen des transports et de l’énergie notamment.
– Garantir une mobilité écologique pour tous : l’État doit massivement réinvestir dans le maillage ferroviaire du territoire en reprenant, comme l’a fait l’Allemagne, la dette portée par SNCF Réseau. Les Régions doivent signer des contrats de mobilité durable avec les territoires ruraux et périurbains pour assurer un droit à des transports en commun de qualité pour tous.
L’État doit prendre des mesures coercitives contre l’étalement urbain. Nous demandons un moratoire sur toute nouvelle ouverture de grande surface en périphérie des aires urbaines. Tout doit être fait pour revitaliser et densifier les centres villes et centres bourgs.
– Maitriser les coûts du logement et du foncier : le logement pèse trop lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages. Nous demandons le blocage des loyers dans les Métropoles. Des Établissements publics fonciers doivent voir le jour partout où les prix explosent pour contenir la spéculation. La taxation des plus-values foncières et immobilières injustifiées doit être renforcée. L’État doit enfin prendre ses responsabilités pour atteindre les objectifs fixés dans la construction de logements sociaux. Parallèlement il doit lancer le plan de rénovation contre les passoires énergétiques : 1 milliard pour 700.000 logements chaque année. Pour mémoire le logement représente 40% des émissions de GES. Enfin les leviers en faveur de la réquisition de locaux et logements vides doivent être activés.
– Lutter contre la grande pauvreté : rendre automatique le versement des minimas sociaux qui ne doivent plus être inférieur à 50% du revenu médian soit 855 euros. Engager une expérimentation sérieuse et à grande échelle du revenu universel. Garantir l’accès aux droits pour tous : services publics, logement, santé, éducation.
– Rémunérer correctement le travail : le SMIC doit être revalorisé. Nous demandons par ailleurs que l’État et les partenaires sociaux engagent des conférences salariales de branche pour mieux redistribuer les fruits du travail. Les écarts de rémunération au sein des entreprises doivent être plafonnés. Ils sont aujourd’hui de 1 à 1000 dans les grandes entreprises, de 1 à 5 dans l’ESS et de 1 à 12 dans la Fonction publique ! Les marges de réduction des écarts on le voit sont importantes. La « taxe robot », ou taxe sur la valeur ajoutée, que nous proposons pour le financement de notre protection sociale, en lieu et place des actuelles cotisations, permettrait de soulager considérablement les entreprises de main d’œuvre et d’augmenter ainsi sensiblement le salaire net entre le SMIC et 3.000 euros.
– Services Publics : nous demandons un moratoire sur la fermeture des services publics et la réduction à marche forcée du nombre de fonctionnaires. Il faut tout au contraire garantir la présence des services publics essentiels au plus près de tous et avant tout de ceux qui en ont le plus besoin. Aucun français de devrait être à plus de 30 minutes d’un hôpital, d’une maternité etc… Il faut d’urgence agir pour l’inclusion numérique de tous les citoyens. Les procédures de dématérialisation, telles qu’elles sont aujourd’hui conduites, sont à la fois inefficaces et excluantes. Il faut rompre avec les logiques d’austérité budgétaire et engager un plan de sauvegarde de nos services publics : éducation, petite enfance, santé, justice, transport.
– Justice fiscale : depuis des années la progressivité de notre système fiscal est remise en cause. La part de l’impôt sur le revenu ne cesse de diminuer au profit des taxes et de la CSG toutes deux non progressives. La fiscalité sur le capital, les grandes fortunes et les entreprises diminuent sous la pression du dumping fiscal en Europe comme dans le monde. Par conséquent la pression fiscale ne cesse de s’accroitre sur les plus nombreux et les moins mobiles, c’est à dire les classes moyennes, les pauvres et les PME, pendant que les plus riches et les multinationales échappent à l’impôt. Nous demandons le rétablissement immédiat de l’ISF et la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité y compris pour les transports en commun. En contrepartie la TVA sur les produits de luxe devra être augmentée. L’impôt sur le revenu et la CSG doivent fusionner. Ce nouvel impôt devra être rendu plus progressif en augmentant le nombre de tranches. Le produit supplémentaire sera affecté à une baisse des taxes les plus injustes. La progressivité de la taxation des produits financiers supprimée en 2018 doit être rétablie. Les inégalités de patrimoine pèsent de plus en plus dans les inégalités en France. Les grosses successions doivent être sensiblement plus imposées. Les grandes entreprises ne doivent plus échapper à l’impôt. Afin de contourner les dispositifs d’optimisation fiscale utilisés par ces entreprises elles doivent être imposées en fonction du chiffre d’affaire réalisée dans notre pays et idéalement dans l’Union Européenne. Le produit supplémentaire attendu permettrait d’alléger l’imposition des PME-TPE et des entreprises de l’ESS.
– Industrie : trop de territoires français ont subi la désindustrialisation qui frappe notre pays depuis trente ans. Outre les indispensables initiatives européennes de protection et de soutien à l’industrie, qui supposerait de sortir du dogme des traités sur « la concurrence libre et non faussée », notre pays peut et doit agir. La France n’a plus de politique industrielle mais une politique de dumping fiscal et social. Les plans se succèdent pour « baisser les charges » et « réformer le code du travail » bien entendu sans succès car, à ce petit jeu il y a toujours des concurrents pour faire pire. La France doit sortir de ces politiques de dépense fiscale et sociale pour s’engager, aux côtés des régions, à soutenir des projets d’investissements concrets et vraiment créateurs d’emplois. Des projets qui engagent la nécessaire transition de notre appareil industriel vers un modèle décarboné, des projets tournés vers la montée en gamme de notre industrie plutôt que vers le « low cost ». Ce qui suppose des efforts considérables pour la recherche et l’innovation , la formation des salariés au plus près des bassins d’emplois, une mobilisation de l’épargne nationale vers les PME plutôt que vers l’assurance vie, le regroupement et la simplification des multiples leviers publics auxquels les entreprises ce comprennent plus rien, une nouvelle législation protectrice pour les sous-traitants, une autre pour réserver une partie des nos marchés publics à nos PME , ne plus s’interdire une prise de contrôle public provisoire ou pérenne pour protéger ou faire émerger certains secteurs menacés ou stratégiques . Nous devons aussi en finir avec une gestion de notre politique industrielle par Bercy et les grands groupes et nous tourner vers les Régions et les PME en leur fournissant l’ingénierie et les moyens financiers pour agir et notamment des Fonds de retournement territoriaux, de modernisation de l’outil de production , des possibilités renforcées d’entrée au capital et de financement des investissements productifs.
– Démocratie : la Véme République est à bout de souffle et les citoyens exigent une nouvelle étape démocratique. Ce serait une folie de ne pas l’entendre et, surtout de ne pas y répondre. Nous demandons que la France devienne enfin une démocratie adulte et moderne en garantissant une véritable séparation des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaire. Une sixième république parlementaire pour en finir avec le pouvoir d’un ou d’une seule, restaurer la responsabilité du pouvoir exécutif devant les représentants du peuple que sont les parlementaires, devant la justice en assurant la garantie de sa totale indépendance, devant la presse en s’assurant de sa totale liberté vis à vis de tous les pouvoirs (politique, économique, financier) et devant le peuple par un recours encadré au Référendum d’initiative citoyenne. Ces référendums devront être précédés d’un large débat public préparés par des citoyens tirés au sort, des élus, des experts, des ONG et les partenaires sociaux. L’ensemble des débats préparatoires seront tenus à la disposition et à la connaissance de tous. La décentralisation doit être renforcée pour rapprocher les citoyens des décisions touchant leur quotidien. De nombreuses modalités sont possibles, et existent d’ailleurs parfois déjà, mais doivent se généraliser : référendums locaux, jurys citoyens, budgets participatifs. La fusion du Sénat et du CESE au profit d’une chambre citoyenne composée pour un tiers chacun d’élus locaux, de citoyens tirés au sort, des ONG et organisations syndicales nous paraitraient constituer une réelle avancée démocratique.
Par Delpeyrat.stephane@orange.fr