Amazon grandit, l’environnement pâtit

Bétonisation à outrance, multiplication du transport routier, surconsommation d’objets électroniques, destruction des invendus, fret aérien…

Le système d’Amazon pèse lourdement sur la planète.

Cet article est le troisième et dernier volet de notre enquête sur la multinationale du commerce électronique en France.

C’est l’enjeu caché de l’extension de la vente en ligne. Pour les Amis de la Terre, Amazon est le symbole d’un modèle qui pousse à la surconsommation et alimente une société du tout jetable. Avec ANV-COP21, l’association a bloqué plusieurs sites du géant étasunien mardi 2 juillet. Car Amazon ne correspond pas seulement à une plateforme internet, affirment ses opposants, le géant du e-commerce est d’abord l’un des plus grands distributeurs du monde. En France, Amazon est le second vendeur de produits électroniques. Selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), la consommation du type d’objets vendus sur Amazon, comme les télévisions, les smartphones, l’électroménager ou les vêtements, représente un quart des émissions de gaz à effet de serre des Français. En stimulant la demande et en cassant les prix, la multinationale contribue à la surproduction qui détruit la planète, arguent les Amis de la Terre.

En septembre 2018, ils ont saisi la Direction générale de la consommation et de la répression des fraudes, estimant qu’Amazon use de pratiques commerciales trompeuses. L’entreprise a développé depuis plusieurs années une pratique de site de marché (market place). C’est-à-dire qu’elle héberge sur son site des offres de vendeurs tiers, telles que des sociétés chinoises. Grâce à ce système, le géant se fait passer pour un simple intermédiaire qui mettrait en lien des particuliers, à l’image du site Le Bon Coin. Une manière de se dédouaner de toute responsabilité envers les consommateurs français. « Amazon ne respecte pas les droits de garantie et, lors de notre saisie, en septembre, elle ne reprenait toujours pas les déchets électroniques alors que c’était rendu obligatoire par la loi », déplore Alma Dufour, chargée de campagne au sein des Amis de la Terre. « Ces infractions permettent à Amazon d’être plus compétitif et de baisser ses prix pour renforcer son monopole, explique-t-elle. Amazon n’a rien d’un intermédiaire puisqu’elle organise le marché en cherchant à capter l’offre à bas prix des revendeurs chinois. Elle leur propose des services de traduction et des moyens logistiques pour expédier leurs articles. » Elle a même récemment obtenu l’autorisation d’effectuer directement du transport maritime de containers depuis la Chine.

Des infrastructures industrielles et polluantes 

En janvier 2019, la même association avait dévoilé, en lien avec des journalistes de l’émission Capital, sur M6, comment Amazon détruisait une partie de ses stocks de produits neufs invendus. En une année, plus de trois millions d’articles ont été jetés, selon les estimations d’élus de la CGT. Rien qu’à l’entrepôt de Sevrey, près de Chalon-sur-Saône, en trois mois, 300.000 objets neufs ont été broyés dans des containers et mis à la poubelle faute d’acheteur. Des boites de Playmobil, des couches-culottes, des écrans plats, des machines à laver… En cause ? Le système de facturation du stockage d’Amazon. Non seulement il dissuade les vendeurs de rapatrier leurs invendus (le prix est prohibitif) mais le coût du stockage augmente avec le temps : 26 euros/m³ au départ, 500 euros/m³ après six mois, 1.000 euros/m³ après un an. Si le vendeur ne trouve pas preneur, l’option la moins chère reste la destruction. Tant pis pour l’environnement. Amazon, elle, se frotte les mains. Pour attirer le client vers son site, la surproduction est nécessaire. Il faut pouvoir proposer une offre pléthorique, même si elle ne trouve pas de débouché.

Chez Amazon, seule la commande reste virtuelle. Derrière l’écran se dissimulent des infrastructures bien réelles, industrielles et polluantes. Greenpeace a épinglé, à plusieurs reprises, l’entreprise sur son empreinte écologique, lui attribuant la pire des notes possibles parmi l’ensemble des géants du numérique. Elle lui reproche, au-delà d’une utilisation massive d’énergies fossiles, son manque de transparence.

L’entreprise ne fournit aucune information au public. L’opacité est totale. Reporterre a pu le vérifier. Amazon n’a pas voulu donner suite à nos demandes d’entretien répétées, se cantonnant à envoyer par courriel, via une agence de communication, quelques éléments de langage, déjà disponibles sur son site.

« La multinationale s’est fixé comme objectif de rendre la moitié de ses livraisons neutres en carbone d’ici 2030 », nous assure-t-elle. Quels sont les moyens déployés ? « Des véhicules électriques, des carburants bio pour le transport aérien, des emballages recyclables et l’utilisation d’énergies renouvelables. »

Nous voilà rassurés ! Mais ce discours est sensiblement différent des scénarios que nous avons pu observer sur le terrain. Partout en France, les mégaentrepôts se multiplient, le fret routier s’intensifie et pollue davantage. Aux questions à ce sujet, l’entreprise n’a pas non plus souhaité nous répondre.

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