Sommes-nous la génération la plus égoïste de l’histoire?
Pourquoi j’arrête de faire grève et de manifester à partir de ce jeudi 12 décembre 2019 ?
Parce que le pouvoir a annoncé fièrement que les salariés concernés par son projet de retraites à points ne seront que ceux nés à partir de 1975 ?
Youpi ! Je suis né en 1972. Je ne suis plus concerné. J’arrête la grève de suite !
Il nous prend pour qui Macron ? La génération la plus égoïste de l’histoire ?
Pense-t-il vraiment que cela va décourager ceux qui sont descendus dans la rue le jeudi 5 décembre dernier ?
Pense-t-il vraiment que lorsqu’on a compris que l’objectif est de baisser les pensions de retraite pour offrir l’épargne de la population à la finance, on va cesser de penser que ce projet est néfaste pour notre système de protection sociale ? Juste parce que l’on ne sera plus concerné directement ?
Donc le pouvoir pense qu’en faisant cela il va diminuer l’opposition à son projet (le mot réforme est à bannir de notre langage, on reforme ce qui ne fonctionne pas ; or là le système fonctionne -la bataille des idées est d’abord dans le vocabulaire), donc que les salariés vont laisser tomber.
Déjà pour un projet qui se veut plus juste et plus équitable, choisir 1975 comme ça c’est tout sauf juste et équitable… Il parait que l’année a été choisie pour que Macron, né en 1977, puisse dire qu’il va « subir » ce nouveau système… (rappelons qu’un président de la République est payé à vie). Dommage pour ceux nés en 1976 aussi et ceux nés jusqu’en 2004. Ceux nés en 2004 ne savent pas encore qu’on les a abandonnés en 2019…
Pour que le pouvoir puisse penser nous calmer avec cet « aménagement » (soyons clairs, en fait il achète notre docilité) il doit vraiment nous prendre pour la génération la plus égoïste de l’histoire !
Ce système de retraite a été mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale, alors que le pays était en ruines, par nos aïeux, contre le patronat et le pouvoir en place à l’époque. Nous héritons donc de ce système sans l’avoir mérité ou tout du moins sans avoir eu à se battre pour en bénéficier. Et on accepterait que nos enfants et les générations d’après n’en profitent pas juste parce qu’on ne veut pas se battre aujourd’hui contre ce projet Macron ? Parce qu’on fermerait les yeux en laissant faire ou en étant résigné ?
Et de fait, il est possible que nous lui donnions raison…
Car il est vrai que nous avons tout fait pour lui laisser penser cela.
Jusqu’à ces dernières années nous bénéficions d’un système de protection sociale que le monde entier nous envie et plus généralement un système contributif qui permet des services publics :
- Un système de santé où l’on est soigné quel que soit ce que cela coûte et quels que soient nos revenus. On le laisse année après année se détériorer, par l’établissement d’une vision comptable des soins et une désorganisation délibérée des services pour que les gens aillent vers les cliniques et leurs dépassements d’honoraires.
- Un système éducatif qui a permis l’ascension sociale et qui nous a donné les outils pour survivre dans cette jungle qu’est la vie. Aujourd’hui est-il encore possible qu’un fils d’ouvrier immigré habitant un HLM (pardon aujourd’hui on dit un logement social), puisse avoir une meilleure condition que ses parents et sortir de son « quartier » ?
- Un système d’assurance chômage qui prémunissait des coups durs et qui désormais culpabilise et sert uniquement à accepter n’importe quel boulot.
- Un code du travail qui protégeait les salariés et qui désormais protège les employeurs.
- Des autoroutes qu’on brade aux intérêts privés, des aéroports, etc…
La liste est longue, trop longue, de tout ce dont nous bénéficions largement et que nous laissons petit à petit dégrader ou disparaître et dont la génération suivante ne pourra pas bénéficier.
Et tout cela dans un monde que nous condamnons à l’avance puisque nous maltraitons notre planète qui nous le rendra bien…à nous ou à nos enfants !
Que ce soit par indifférence, individualisme (chacun sa galère : je reviendrai sur ce mythe du « moi je suis méritant et le profiteur c’est l’autre ») ou par résignation (c’est comme ça on ne peut rien faire ils ont tout décidé), le résultat final est le même et les perdants sont les mêmes : nous et les générations d’après…
Ce que montre l’histoire c’est qu’il y a toujours des gens pour croire qu’une vie meilleure est possible. Et l’histoire montre aussi qu’ils ont eu raison !
De tout temps et aussi longtemps que l’être humain existe et créé un foyer, tous les parents aspirent à une vie meilleure que la leur pour leurs enfants.
Et nous, nous serions les premiers à abandonner tout espoir d’une vie meilleure pour nos enfants…à penser que finalement tout est perdu, qu’il n’y a rien à faire…Et tant pis pour nos enfants….
On doit se croire bien parvenu pour ne penser qu’à soi et se voiler ainsi la face. Ou se penser coincé dans un système qui ne nous donne aucune issue.
Si c’est le cas, quelle génération préparons-nous !
Si tel est le cas alors l’histoire et nos enfants seront très sévères avec nous …et ils auront raison !
« Vous saviez et vous avez laissé faire ! »
Alors, Macron aura-t-il raison ? Serons-nous la génération la plus égoïste de l’histoire ?
Ou bien allons-nous relever la tête et reprendre le contrôle de nos vies ?
Il y a toujours eu des femmes et des hommes pour refuser de vivre à genoux et croire en des futurs meilleurs. De tout temps les populations ont compris qu’unis ils sont plus forts que chacun dans leur coin.
Il n’y a pas de raison qu’aujourd’hui nous soyons pire que nos aïeux. Aucune.
C’est dans la nature humaine.
Il suffit juste qu’on se le rappelle…
Ah au fait, avec l’âge pivot à 64 ans toutes celles et ceux qui sont nés après 1963 sont concernés par ce projet. Ça fait pas mal de monde…
Mais alors, on s’est fait avoir avec l’année 1975…!
Finalement, je me remets en grève et retourne aux manifs…
En plus de lui montrer que nous ne sommes pas la génération la plus égoïste de l’histoire, on va lui montrer qu’on n’est pas non plus la plus idiote :
Toutes et tous en grève et en manif pour que Macron retire son projet et abandonne sa politique destinée à favoriser quelques intérêts privés au mépris de l’intérêt général !
mediapart