… comment et pourquoi travailler ?
Le travail a-t-il encore un sens et un avenir ?
« En raison d’un mouvement social » : En cette journée spéciale que France Culture consacre à la situation actuelle que traverse le pays et à la mise en débat des oppositions sociales et politiques en cours, quelles conséquences pour le bien-être au travail et pour l’Etat social de la gouvernance par les nombres ? Quelles opportunités, aussi, dans la révolution technologique ? Le juriste Alain Supiot nous en parle.
Il serait bon qu’on se réaccorde sur des mesures qui soient à la hauteur des défis gigantesques qui nous attendent, plutôt que de se limiter au respect d’indicateurs chiffrés.
(Alain Supiot)
Professeur au Collège de France depuis 2012, occupant la chaire « État social et mondialisation : analyse juridique des solidarités », il clôturait le 22 mai le colloque « Le travail au XXIᵉ siècle : Droit, techniques, écoumène » , une leçon reprise en octobre 2019 dans l’ouvrage Le travail n’est pas une marchandise. Contenu et sens du travail au XXIe siècle, aux éditions du Collège de France.
S’attaquant à trois grands défis qui se posent aujourd’hui à l’organisation du travail dans le monde – défis technologique, écologique et institutionnel,- il montre que le paradigme inhérent à la révolution informatique est celui de la programmation du travailleur, lequel ne donnerait plus de sens à son travail.
En cet âge de l’ « Anthropocène », marqué par l’impact déterminant de l’activité humaine sur l’écosystème terrestre, c’est, montre-t-il, par son travail que l’espèce humaine s’inscrit dans son « écoumène » et le transforme, la question de l’organisation du travail et celle de l’empreinte écologique constituant donc les deux faces d’une même médaille. En outre, il craint que toute considération de justice passe à la trappe de la gouvernance par les nombres, « qui porte à soumettre le droit à des calculs d’utilité ».
Revenant au modèle dela Déclaration de Philadelphie adoptée le 10 mai 1944 lors de la conférence générale chargée de définir l’ambition de l’Organisation internationale du travail (OIT), il y trouve « une définition de cette juste division du travail, propre à nous servir de boussole en ces temps désorientés. » .
Il n’y a plus d’horizon aujourd’hui, or ce qui soude une société, c’est l’horizon commun, au sens des limites et de l’au-delà. Ce qui fait qu’une société, c’est qu’on a une représentation commune de quelque chose qui doit advenir. Aujourd’hui, nous sommes en panne de cette représentation.
(Alain Supiot)
Pour lui, l’idée défendue par cette déclaration, celle d’un « régime de travail réellement humain », poserait « la question du sens du travail, du “pourquoi travailler ?” (pour contribuer le mieux au bien-être commun) et celle de son contenu, du “comment travailler ?” (en ayant la satisfaction de donner la mesure de son habileté et de ses connaissances). »
Il s’intéresse notamment aux professions libérales et publiques, encore à l’abri, selon lui, du paradigme du travail-marchandise, et se penche sur la question du statut du travail universitaire, questionnant le fait que le travail des chercheurs soit traité comme une marchandise soumise aux règles du marché et de la
Le propre du travail humain, c’est la capacité qui est la nôtre de faire advenir dans le réel les images qui nous habitent. En cela l’idée de la fin du travail est absurde.
************* ********
Pour écouter Alain Supiot (33 minutes) :
************* ********
À ÉCOUTER AUSSI
Alain Supiot, professeur au Collège de France, nous en parle dans « Le travail n’est pas une marchandise. Contenu et sens du travail au XXIe siècle » (Éditions du Collège de France, octobre 2019).