Autoportrait d’une épicerie associative

Cette épicerie a été montée avec succès par les habitant·es de deux vallées de la Drôme, à Beaufort-sur-Gervanne, au pied du Vercors.

L’épicerie associative Gervanne-Sye a passé le cap de sa troisième année d’activité. Porté par des habitant·es des vallées de la Gervanne et de la Sye, le projet est né après la fermeture brutale, en 2014, de l’épicerie de Beaufort-sur-Gervanne, une des dernières de ces territoires.

Durant l’hiver 2015-2016, ces habitant·es s’organisent pour imaginer et préparer le projet et son financement. En avril 2016, le choix est fait de la structure associative. Une commission « référencement » démarche les producteurs locaux, une commission « événement » organise « le Printemps de l’épicerie » avec diverses animations dans les villages (concerts, ateliers…) pour faire connaître le projet au plus grand nombre. Les festivités, les dons, des prêts d’habitant·es, les adhésions à l’association et une campagne de financement participatif permettent de réunir 25 500 €. La somme servira à aménager le local, acheter le stock de départ, salarier deux épicières à 20h/hebdo et ouvrir les portes, fin août 2016 (1).

L’épicerie se niche au coeur du vieux Beaufort, dans un local loué à Laurence, la « bottière » du village de 500 habitant·es. L’association est gérée par un conseil d’administration bénévole. Elle  est depuis ses débuts accompagnée par le Groupement régional des alimentations de proximité (Grap), une coopérative d’activités dont l’objectif est le soutien technique, informatique, comptable et juridique de structures telles que l’épicerie. Celle-ci est désormais coopératrice du Grap.

Les client·es sont accueilli·es toute l’année par deux à trois (selon la saison) épicières salariées à temps partiel, six jours sur sept, dans une grande amplitude horaire. La boutique est petite (40 m² de surface de vente) mais on peut y choisir des produits frais de 70 productrices et producteurs locaux (fromages, oeufs, fruits et légumes, produits transformés…), se procurer du vrac céréales, de l’épicerie sèche, des confitures, se fournir en articles ménagers, en huiles essentielles…

En 2017, 60 % des marchandises provenait du circuit court, en majorité des vallées de la Gervanne et de la Sye, du Crestois et du Diois, 33 % provenait de distributeurs bio et 7 % de distributeurs conventionnels.

Une trentaine de bénévoles donnent de leur temps pour pallier les tâches que ne peuvent remplir les épicières, offrant globalement 2000 heures par an. Ils bricolent, remplissent les rayons, aident à la réception des commandes, coupent du fromage, ils sont là le dimanche…

Bénévoles et client·es sont originaires de Beaufort, viennent de Suze, Omblèze, Montclar, Plan-de-Baix , Gigors, Lozeron, Egluy-Escoulin… Ils et elles forment une communauté intergénérationnelle: parents trentenaires installés récemment, familles plus anciennes du village reconnaissantes de cette précieuse animation, résidents temporaires, randonneurs et autres touristes de passage.

L’épicerie est une valeur ajoutée pour Beaufort et ses vallées. Le démarrage en flèche de l’activité dès l’ouverture, d’abord imputé à l’effet « curiosité », s’est confirmé : le résultat fin 2017 correspondait à celui espéré deux ans plus tard et, en 2019, l’année s’est finie avec un chiffre d’affaires augmenté d’environ 22 % par rapport à 2017. Le projet correspondait bien à un besoin local !

La caisse enregistre en moyenne 63 tickets par jour (2). L’augmentation du chiffre d’affaires n’est pas le but premier mais nous permet de projeter la pérennité des postes à terme (un contrat a évolué en CDI en 2019, peut-être le deuxième en 2020), une meilleure rémunération des salariées et de se consacrer, après deux ans de « construction », à la réflexion et à l’animation autour des thèmes qui nous tiennent à coeur : promouvoir une alimentation saine et respectueuse de l’environnement, inventer des formes de solidarités à partir de l’activité épicière, proposer des prix abordables et viables pour les producteurs et les productrices, imaginer des modes d’approvisionnement économes en temps et en énergie, proposer des ateliers (comme « fabriquer sa lessive » ou, le dernier en date, « les gestes économes en cuisine»).

C’est bien une alternative sociale et économique qu’incarne ce projet participatif qui considère que tout individu n’est pas juste un client consommateur, que les valeurs humanistes prévalent avant tout et qu’un territoire est riche de la qualité des initiatives et des échanges qui s’y déroulent.

Co-écrit par quelques bénévoles –Marie, Anne, Simon– pour la revue « Campagnes Solidaires » réalisée par la confédération paysanne

 

(1) Et d’attendre l’arrivée du prêt bancaire de La Nef, garanti par France Active.

(2) De 45 tickets/jour en janvier à 91 en août.

 

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