Cela coûterait autant qu’une pandémie par an
Une équation simple mais abyssale
Les résultats de leurs calculs viennent d’être publiés dans la revue Nature, et ils font l’effet d’une bombe.
Leur équation est simple mais abyssale :
Le coût des mesures prises pour contraindre le réchauffement climatique se situe dans une fourchette allant de 16 000 à 103 000 milliards de dollars pour l’ensemble des pays du G20, d’ici la fin du siècle. Donner un coup d’arrêt au réchauffement nécessiterait ainsi, pour les 20 pays les plus riches de la planète — qui sont à l’origine de 80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre — de consacrer 200 à 1 287 milliards de dollars par an à l’atténuation et à l’adaptation. Soit l’équivalent de 0,2 à 2% de leur produit national brut annuel conjugué.
Ne rien faire, leur coûterait environ dix fois plus : entre 1 900 et 10 000 milliards de dollars par an, soit l’équivalent de 2 à 12% du PNB mondial actuel.
Les scientifiques, les écologistes, les jeunes soucieux de leur avenir, tous les observateurs de l’évolution du climat le crient depuis des années. L’inaction politique et la pusillanimité en matière de lutte contre le changement climatique nous dirigent tout droit vers un monde invivable. Ce que l’on savait moins, et qui vient d’être révélé par une étude internationale publiée dans la prestigieuse revue Nature, c’est que l’inaction climatique entraîne un impact économique colossal, qui n’avait jamais été mesuré. Les chercheurs estiment que son coût est comparable à celui de l’actuelle pandémie, qui se reproduirait tous les ans jusqu’en 2100. Autant dire que la catastrophe climatique annoncée se doublerait d’une catastrophe économique irrémédiable. De quoi faire réfléchir tous les dirigeants tentés par la politique de Gribouille.
Une équipe de chercheurs chinois, américains et suédois ont réuni leurs efforts pour effectuer un calcul titanesque : que représente le coût des mesures que l’on devrait prendre pour ramener le réchauffement climatique en dessous de la barre des 1.5°C établie par l’Accord de Paris ? Une question assortie d’une autre, en miroir : Quel serait le coût si l’on ne met pas en œuvre ces mesures, et si on laisse le climat poursuivre sa route, as usual ?
Une équation simple mais abyssale
Les résultats de leurs calculs viennent d’être publiés dans la revue Nature, et ils font l’effet d’une bombe.
Leur équation est simple mais abyssale :
Le coût des mesures prises pour contraindre le réchauffement climatique se situe dans une fourchette allant de 16 000 à 103 000 milliards de dollars pour l’ensemble des pays du G20, d’ici la fin du siècle. Donner un coup d’arrêt au réchauffement nécessiterait ainsi, pour les 20 pays les plus riches de la planète — qui sont à l’origine de 80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre — de consacrer 200 à 1 287 milliards de dollars par an à l’atténuation et à l’adaptation. Soit l’équivalent de 0,2 à 2% de leur produit national brut annuel conjugué.
Ne rien faire, leur coûterait environ dix fois plus : entre 1 900 et 10 000 milliards de dollars par an, soit l’équivalent de 2 à 12% du PNB mondial actuel.
Ce chiffre représenterait le coût de l’actuelle pandémie de coronavirus, qui met déjà l’économie du monde à terre, mais un coût déboursé chaque année par les pays du G20. Une pandémie, c’est déjà beaucoup ; une pandémie comme celle du Covid-19 qui frapperait tous les ans, c’est intenable, même en faisant tourner jour et nuit toutes les planches à billets du monde.
Une lutte à plusieurs milliers de milliards de dollars
L’objectif principal de la lutte contre le changement climatique est d’empêcher, avant la fin du siècle, que la température moyenne mondiale n’augmente de 1,5 à 2 ° C par rapport aux niveaux préindustriels.
L’une des mesures convenues pour y parvenir est de réduire les émissions de gaz à effet de serre grâce à la présentation de contributions déterminées au niveau national (les NDC en anglais), c’est-à-dire des objectifs qui devraient être de plus en plus ambitieux.
Cependant, avec les données actuelles de réduction des émissions, la limite de 1,5 ºC sera atteinte non pas à la fin du siècle, mais entre 2030 et 2052, selon le dernier Rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Pour les experts, des efforts avec des investissements économiques substantiels sont nécessaires pour combler l’écart de hausse des émissions. Sinon, l’inaction entraînera des pertes économiques plus importantes sans compter les dommages irrémédiables pour la planète et la survie du vivant.
“Le changement climatique peut conduire à une catastrophe mondiale ; par conséquent, si les pays n’améliorent pas leurs actions pour atteindre les objectifs climatiques, des dommages se produiront qui entraîneront des pertes économiques importantes et affecteront le développement économique futur.», déclare Yi-Ming Wei, auteur principal de l’étude et chercheur au Centre de recherche sur les politiques énergétiques et environnementales de l’Institut de technologie de Pékin en Chine.
L’étude publiée dans la revue Nature présente une analyse des pertes économiques possibles causées par des “dommages climatiques inévitables”. Selon cette étude, si les pays n’étaient pas en mesure de mettre en œuvre leurs engagements actuels, le monde entier, et pas seulement les pays du G20, perdrait entre 150 000 et 792 000 milliards de dollars d’ici 2100.
Rappelons que nous sommes loin du compte en matière de réduction des gaz à effet de serre ; selon l’ONG Climate Action Tracker, les stratégies climatiques en cours de déploiement tendent plutôt vers au moins 3 °C de réchauffement planétaire.
Un investissement insurmontable ?
Pour limiter l’augmentation des températures et réduire les émissions, les pays devront immédiatement supporter un coût, de sorte que dans un premier temps le revenu net des nations serait négatif. Des pays se posent encore la question : est-ce intéressant d’investir massivement dans l’atténuation du réchauffement climatique ? Les efforts pour stabiliser le thermomètre à 1.5°C se traduisent par des investissements extrêmement lourds pour changer les modèles industriels et les comportements ; est-ce vraiment rentable de dépenser des sommes aussi considérables ?
On peut faire un gros effort de mansuétude en essayant d’admettre que ces questions soient posées, car la facture est lourde. Elle dépend bien sûr des investissements réalisés par chaque pays, mais globalement, les chercheurs ont conclu : pour respecter les engagements de l’Accord de Paris, les pays du G20 devront débourser entre 16 et 103 milliers de milliards de dollars d’ici 2100. Dans le cas des États-Unis, cet investissement serait supérieur à la moyenne des économies du G20 : entre 5,41 et 33,27 milliers de milliards de dollars. Il en va de même pour le Canada et l’Australie. Selon les chercheurs, ces trois pays ne parviendraient à un équilibre entre les coûts initiaux de l’effort climatique et l’investissement qu’à la fin du siècle.
Ces montants paraissent énormes mais ils sont finalement accessibles. On le constate beaucoup mieux aujourd’hui, avec la crise du Covid-19. Les vingt pays les plus riches de la planète devront débourser, ensemble, pour le climat, entre 200 et 1287 milliards de dollars par an. C’est beaucoup moins que ce qui est déboursé actuellement pour compenser les effets de la crise sanitaire et économique. Les comptes ne sont pas encore arrêtés puisque la pandémie bat son plein, mais les seuls États-Unis ont annoncé débourser 2500 milliards de dollars pour le Covid-19. La somme semble équivalente en Europe.
Il faut préciser aussi que les bénéfices de ces investissements commenceraient assez rapidement à être démontrés, avec des nuances selon les pays et leur volontarisme. En revanche ne pas faire ces investissements coûterait cher, très cher : environ 10% du PNB en moins chaque année. Le monde basculerait alors dans des zones d’incertitude absolue.
Stratégies d’auto-préservation
Alors que de nombreux pays et régions refusent d’intensifier leurs actions climatiques et choisissent d’ignorer les dommages climatiques à long terme, le groupe de scientifiques ne se contente pas d’exposer des chiffres. Il propose également une stratégie d’auto-préservation pour 134 pays, grâce à laquelle ils sont informés des avantages directs qu’ils obtiendraient ou perdraient s’ils n’agissaient pas face à l’urgence climatique ou s’ils ne le faisaient pas efficacement.
“Nous aidons les pays à prendre une décision d’auto-préservation, à réajuster leurs objectifs et à promouvoir un processus de gouvernance mondiale du climat“ affirment les chercheurs. Ce tableau économique à long terme pourrait permettre aux pays d’améliorer leurs efforts et leurs actions climatiques.
Mais pour adopter cette stratégie, l’étude montre que les pays doivent reconnaître la gravité de la crise climatique et miser sur les technologies bas-carbone. En outre, ils soulignent que l’effort de réduction des émissions nécessite une coopération entre tous les pays afin que les plus vulnérables puissent également opter pour la stratégie d’auto-préservation.
Jusqu’à présent, nombre d’États font la sourde oreille aux injonctions du climat, et privilégient leurs intérêts et accointances économiques. Peut-être écouteront-ils différemment les augures qui, cette fois-ci, ne leur parlent pas de biodiversité, de montée des eaux, de sécheresse et autre canicules — bref de la vie— mais de dollars, de monnaie, d’argent, de marché —bref, de pouvoir.