Errare humanum est

Perseverare diabolicum

L’erreur est humaine, persévérer est diabolique

Nous présentons ici trois erreurs scientifiques majeures commises lors de la prise de mesures pour endiguer l’épidémie de coronavirus, qui permettent à tout un chacun de comprendre les emballements médiatique, citoyen et politique auxquels nous faisons face aujourd’hui. Les données scientifiques exposées ici se basent sur un rapport rédigé par un groupe pluridisciplinaire comprenant des scientifiques, des gestionnaires de santé publique, des journalistes, etc.(1). Ce rapport ayant été publié en juin 2020, une vérification et une mise à jour en fonction de la littérature scientifique publiée depuis lors ont été effectuées.

  1. Il ne faut pas oublier la littérature scientifique existante, ce virus n’est pas si inconnu que ça

La première démarche, que tout étudiant connaît, est celle de la recherche bibliographique, c’est-à-dire, dans ce cas, la lecture des rapports et des publications scientifiques existants. Dès le début, on a parlé du «  nouveau coronavirus  » comme provoquant des symptômes «  nouveaux et inconnus  ». Or, le nom de ce virus, « SARS-CoV-2 » (signifiant en anglais «  severe acute respiratory syndrome coronavirus 2  » ou «  syndrome respiratoire aigu sévère coronavirus 2 » en français) aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. Il ne s’agit pas du premier coronavirus infectant l’humain qui cause des complications respiratoires aiguës.

Négliger la recherche bibliographique, c’est commencer une série de films d’horreur en plein milieu. Comment faire face aux monstres de la série Alien si l’héroïne, Ellen Ripley, ne découvrait qu’au 2ème épisode que ces derniers pondent dans les corps humains et que leur sang est constitué d’acide  ? Les premiers épisodes montreraient que la famille des coronaviridae comprend plusieurs virus qui infectent non seulement les animaux, mais dont au moins 7 infectent également les humains. Parmi ces derniers, il y en a 4 qui causent des infections respiratoires supérieures se manifestant sous forme de « rhume  » et 3 autres qui induisent chez certains individus des syndromes respiratoires aigus  : le SRAS-CoV-1 (le SRAS ayant sévi de 2002 à 2004 en Asie du Sud-est), le MERS (épidémie au Moyen-Orient en 2012) et maintenant le SRAS-CoV-2.

Les nombreux articles déjà publiés sur les autres coronavirus nous apportent de précieuses informations quant au fonctionnement très probable du virus  : son mode de transmission (qui se fait non seulement par gouttelettes, mais également par l’air en grande partie), son origine (les «  réservoirs animaux  »  : le virus circule donc actuellement également aussi via les animaux sauvages et domestiques) et ainsi son aspect moléculaire (sa taille de l’ordre de 100 nanomètres, c’est à dire un dixième de millionième de mètre, son génome et son mode de réplication dans les cellules). Les publications scientifiques publiées depuis lors sur le SARS-CoV-2 confirment ces hypothèses de travail. Cela signifie que dès le début, comprendre que le virus circule quoiqu’il arrive par l’air et les réservoirs animaux aurait permis d’éviter l’erreur majeure de tenter de «  bloquer  » la transmission du virus, notamment en contrôlant les déplacements des gens.

  1. Connaître la mortalité réelle du SARS-CoV-2, c’est-à-dire le danger qu’il constitue pour la population, est une nécessité pour pouvoir gérer la crise. Après 10 mois, il est plus que temps  !

La deuxième démarche est celle de l’observation des données. La méthode scientifique est surtout basée sur l’observation, l’émission d’hypothèses puis la prédiction et enfin la vérification desdites hypothèses. Nous arrivons ici à la deuxième erreur majeure faite par beaucoup de gouvernements. Pour décider quelles mesures prendre contre une épidémie, il nous semble logique d’en connaître son origine (par la bibliographie), mais surtout son comportement (par observation épidémiologique).

Pour ceci, il faut connaître et différencier  :

  1. le nombre de personnes qui portent (et donc peuvent potentiellement transmettre) le virus  ;
  2. parmi ces dernières, le nombre de personnes qui sont malades (c’est-à-dire celles qui présentent des symptômes, mineurs ou majeurs)  ;
  3. parmi les malades, ceux qui en meurent. Il s’agit également de déterminer de quoi exactement décèdent ces patients. Avec le temps, on peut également déterminer les catégories de personnes présentant le plus de risques. Il s’agit en d’autres termes de définir la «  prévalence  » de la maladie, le nombre de «  cas  » malades dans la population pendant une période donnée. Or depuis le début de cette crise, les statistiques ont, de toute évidence, non seulement été mal présentées et basées sur des données incomplètes, parfois totalement fausses, mais elles ont surtout été abusivement médiatisées sans donner de grille de lecture au grand public, et toujours sous une perspective catastrophiste.

Depuis le début, il y a une confusion entre le taux de mortalité par personne infectée (testée positive) et la mortalité des personnes qui sont en état grave ou en Unité des Soins Intensifs. Le premier chiffre est relativement bas (de l’ordre de 0,2-0,4 %) si l’on se donne la peine de faire le calcul en se basant sur les données publiques existantes, mais apparemment non utilisées. Tout étudiant en médecine et personne de bon sens peut comprendre cela. Le taux de mortalité des personnes sévèrement atteintes est fort logiquement plus élevé (au moins 10 fois). Est-il donc logique que ce raisonnement fallacieux ait été publié par la prestigieuse revue scientifique The New England Journal of Medicine le 28 février 2020(2)  ? À partir de là, tous les modèles de mortalité calculés sur une donnée incorrecte ont mené à des scénarios absolument catastrophiques et ont conduit les États à confiner leur population et à prendre des mesures antidémocratiques, injustifiées si on se base sur les pratiques scientifiques.

Que cette erreur fondamentale n’ait jamais été corrigée ou même admise pose question. Encore aujourd’hui, on compare les testés positifs du pic de l’épidémie de mars-avril, lorsqu’on ne testait que les personnes gravement malades, et les testés positifs actuellement, majoritairement asymptomatiques, et bien sûr très nombreux puisque l’on teste beaucoup plus. C’est un peu comme comparer des pommes et des poires pour compter des bananes  ! Les statistiques sont facilement manipulables  : on pourrait même de manière fort perverse démontrer qu’il y a 100 % de mortalité chez des personnes décédées  ! L’outil de diagnostic actuel (le PCR) est limité à la confirmation d’un diagnostic du SRAS-CoV-2 parmi ceux qui souffrent d’un rhume ou d’une grippe causés par un autre virus. Par contre, les tests basés sur l’immunologie (comme, par exemple, les tests sérologiques) permettent de détecter la présence du virus dans le corps même des personnes, y compris donc des asymptomatiques.

D’autre part, l’observation du virus a aussi permis de comprendre qu’il présente des spécificités  : il agit très vite et peut descendre profondément dans les bronches. En revanche, il ne tue pas seul. La plupart des morts du coronavirus ont été victimes d’une pneumonie bactérienne (donc guérissable par des antibiotiques) traitée trop tard. Le report des soins pour les personnes malades et la quarantaine chez soi jusqu’à ce qu’on soit finalement admis aux soins intensifs alors qu’il est trop tard est un non-sens.

3. Il faut passer de l’impossible gestion de la peur à une gestion du risque qui est, elle, parfaitement possible et souhaitable

Nous arrivons ainsi à la troisième erreur : les mesures disproportionnées. En réagissant par un confinement strict de la population, la volonté était d’«  aplatir  » la courbe de l’épidémie. Cela fait sens uniquement si le virus se limite à infecter des hôtes humains. La Suède a, dès les premiers cas qui ne pouvaient pas être expliqués par des contacts directs, choisi la seule politique scientifiquement logique : se focaliser sur les personnes et non sur la contention du virus. Un confinement court aurait pu se justifier pour pouvoir organiser notre système de santé, mais créer la panique et de facto paralyser la médecine de première ligne n’était pas réellement justifié. Une fois cette machine infernale enclenchée, toute la litanie des mesures n’a servi qu’à engendrer une peur panique qui finira par tuer plus que le virus lui-même.

Dans toutes mesures prises en santé publique, il est toujours essentiel de faire un calcul «  coût-bénéfice  » (ce qu’on appelle une analyse de risques). Concernant le bénéfice, étant donnée la faible mortalité de cette épidémie et l’efficacité très variable de ces mesures, celui-ci sera vraisemblablement faible. Il est évident que lors d’une épidémie d’Ebola, toutes ces mesures permettraient de faire une différence. Mais prendrions-nous celles-ci contre épidémie de rhume ? Le SRAS-CoV-2 n’est certes ni l’un ni l’autre, mais pourquoi ne pas plutôt se focaliser sur des soins adéquats, qui permettraient de diminuer le vrai danger de mortalité, par exemple, par un usage plus généralisé des antibiotiques pour éviter les infections bactériennes secondaires.

Le coût sociétal de ces mesures, par contre, a été d’abord ignoré puis systématiquement sous-estimé. Les impacts sanitaires (dus aux nombreuses personnes non traitées ou non dépistées), économique, social, psychologique, éducatif promettent d’être gigantesques. Les vagues de faillites, de mortalité infantile (l’Unicef estime que 6.000 enfants meurent chaque jour de causes évitables par manque de soins dus en partie à la paupérisation de leur famille), de malnutrition (l’activité des nombreux fermiers s’est arrêtée net), de cancers trop avancés, car non dépistés, de violences conjugales, de burn-out, de dépressions et de suicides, commencent seulement à arriver.

Le «  principe de précaution  » ne peut être sans arrêt utilisé pour tout justifier, surtout qu’il est mal compris. Ce principe recommande de prendre des mesures anticipatives de gestion des risques. Quand des experts exposent des hypothèses plus alarmantes les unes que les autres, ils prennent les autorités en otage en jouant sur la peur des citoyens. Il ne s’agit plus de science. Par précaution, il aurait plutôt fallu évaluer le coût et le bénéfice de chaque mesure, y compris donc des mesures de confinement, des restrictions des libertés individuelles et du port du masque  ! Porter le masque «  au cas où cela sauverait quelqu’un  » n’est pas une bonne raison scientifique. Depuis le début de la crise, de nombreuses autorités (y compris notre ministre de la santé), avaient à raison expliqué qu’ils n’étaient utiles que contre les contaminations humides, c’est-à-dire des gouttes émises lorsque l’on tousse, et aucunement contre la contamination par aérosols. Pourquoi ce changement d’opinion si ce n’est parce qu’il s’agit d’une gestion de la Peur et pas d’une gestion des risques  ?

Ce sujet extrêmement clivant et actuel des masques, comme signalent de nombreuses cartes blanches et lettres ouvertes de centaines de médecins et scientifiques(3), ne résiste pas à une lecture extensive de la bibliographie scientifique. La science nous rapporte que l’imposition de ceux-ci n’est utile qu’en milieu hospitalier (qui est, par définition, un lieu de concentration de personnes malades), lorsqu’il est porté par des professionnels en suivant un protocole strict, ce qui n’est pas le cas du grand public. Les particules virales ont approximativement la taille des particules de tabac aérosolisées. Tout comme la fumée du tabac, le virus circulera quoiqu’il arrive, à travers le masque et sur les côtés, en suspension dans l’air parfois plusieurs heures… Par contre, le port du masque généralisé, proposé en dépit des preuves scientifiques, a eu deux effets destructeurs majeurs : le renforcement de la panique au sein des populations (corps médical inclus) et la politisation de cet outil qui est devenu un symbole.

Les vaccins seront sans doute bientôt l’objet d’une lutte similaire. Il ne s’agit pas d’être pour ou contre la vaccination, mais, comme pour les autres mesures, d’établir un rapport coût/bénéfice. Tous les vaccins ne se valent pas. Certaines maladies virales comme la polio et la variole ont pu être contrôlées par des vaccins, car elles sont uniquement transmises par les humains et par contact direct. Le SRAS-CoV-2 est un virus qui est non seulement véhiculé par l’air et par les animaux, mais qui mute à un taux très élevé. Dans ce cas, trouver un vaccin qui fonctionne réellement est une gageure. Il est très probable qu’un vaccin contre le SARS-CoV-2, comme les vaccins contre les grippes saisonnières (dont l’efficacité dépasse rarement 50 %), montre une faible efficacité, et de surcroît doive être continuellement mis à jour au fur et à mesure que le virus mute.

Nous remettons donc en question les mesures prises par notre gouvernement, sachant que les informations sur lesquelles s’appuie cette gestion de crise sont incorrectes et incomplètes, et ont mené à des conclusions qui le sont tout autant. Nous réclamons donc, tout comme nombre de médecins et de personnel soignant ayant signé des cartes blanches et manifestes (Docs 4 open debate, Belgium Beyond Covid, Corona Manifest, Transparence Coronavirus, voir note 3), des mesures correctes et proportionnées, qui prennent en compte les impacts négatifs que cette crise a déjà causés.

Par Kaarle Parikka, PhD en microbiologie virale et Nina Wauters, PhD en écologie environnementale

Kairos

  1. http://corona-report-2020-mz.s3-website-us-west-2.amazonaws.com, aussi disponible sur https://mznet.info. Les deux auteurs du résumé publié ici ont eu l’appui des auteurs de l’étude parue en juin.
  2. Brown, R. (2020). Public Health Lessons Learned From Biases in Coronavirus Mortality Overestimation. Disaster Medicine and Public Health Preparedness, 1-8. doi:10.1017/dmp.2020.298
  3. Références au 30/09/2020 :