Amnesty International épingle durement la France
La France des années 2010-2020 aussi répressive que l’Angleterre thatchérienne des années 1980 ? C’est que qu’affirme l’ONG dans un rapport qui accuse les autorités françaises d’instrumentaliser le droit pour criminaliser les mouvements sociaux.
Du maintien de l’ordre, on connaissait les dérives systémiques, la violence carapaçonnée qu’on capture au smartphone en lisière des cortèges, la comptabilité sinistre des mains arrachées (cinq) et des énucléés au LBD (vingt-quatre) lors des rassemblements de Gilets jaunes. Dans un rapport publié ce mardi, Amnesty International s’inquiète d’un phénomène moins flagrant mais tout aussi inquiétant, à l’effet dissuasif : l’utilisation de la loi « comme arme de répression des manifestants pacifiques ». En clair, la criminalisation de la mobilisation sociale et du militantisme.
Sur la foi de dizaines d’entretiens, l’organisation accuse ainsi la France de porter atteinte « de manière disproportionnée » à la liberté de réunion par un recours systématique à des incriminations floues, de l’outrage à agent au nébuleux délit de participation à un groupement en vue de la préparation de violences volontaires (une disposition attrape-tout introduite dans le Code pénal en 2010, et qui permet de réaliser des interpellations préventives).
Plus de 11 000 gardes à vue en six mois
« Les autorités judiciaires françaises ont instrumentalisé le droit pénal et se sont appuyées sur des lois très générales pour arrêter et poursuivre des milliers de manifestants qui ont été pris dans l’étau du système judiciaire sans avoir commis aucun acte violent », juge encore sévèrement Amnesty, qui a recensé plus de 11 000 gardes à vue – pour 3 200 personnes reconnues coupables – entre fin 2018 et juillet 2019. À la dizaine près, c’est le nombre d’individus arrêtés lors des grèves de mineurs sous Thatcher, entre 1984 et 1985. Un triste précédent peu suspect de grandeur démocratique.