Une citoyenneté réprimée

Qui veut la peau des associations ?

Les craintes exprimées dans cette tribune et le rapport « Une citoyenneté réprimée » – réalisé par l’Observatoire des libertés associatives – se réfèrent à des cas concrets d’atteintes contre les associations et leur capacité à agir ces dernières années. La dissolution du CCIF et la présentation en Conseil des ministres cette semaine du projet de loi « confortant le respect des principes républicains (« loi séparatisme ») rehausse encore le niveau d’alerte des associations sur les menaces qui pèsent sur leurs libertés et leur indépendance.

Les libertés associatives sont menacées et, avec elles, les libertés d’opinion, d’expression ou de manifestation. Ces libertés fondamentales sont en effet de plus en plus empêchées par l’État, par des collectivités et leurs représentants, tentés par l’autoritarisme dans un contexte de crise. C’est l’objet du rapport « Une citoyenneté réprimée » présenté début octobre par l’Observatoire des libertés associatives réunissant associations et chercheurs en sciences sociales. Ce rapport inédit documente 100 cas d’atteinte aux libertés associatives et collectives concernant toutes sortes d’activités : sociales, écologiques, culturelles ou encore de défense des droits.

Dans le cadre de leurs activités de plaidoyer ou d’interpellation, des associations ont subi ou subissent encore différentes formes de pression de la part des pouvoirs publics, au niveau local comme national. Ces entraves peuvent être classées en quatre grandes catégories, mais arrêtons-nous tout d’abord sur les attaques à la réputation et les différentes formes de disqualification, à l’image de celle que vient de connaître le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti).

Lors d’une audition parlementaire le 24 septembre dernier, le Gisti est violemment pris à partie par Robin Reda, député LR de l’Essonne et président de la mission d’information à l’Assemblée nationale sur l’émergence et l’évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter. Ce dernier conteste aux sans-papiers le droit de manifeste, puis accuse le Gisti « d’encourager des pratiques illégales » et de participer à l’«  émergence d’une forme d’antiracisme dangereux en ce qu’il menace l’ordre républicain », poursuivant ensuite ses attaques à caractère diffamatoire jusque sur les réseaux sociaux.

Ces attaques, outre qu’elles nuisent à la réputation d’associations reconnues, dégradent la qualité du débat public. Quand bien même on pourrait discuter des missions et des modes d’action d’une association, ces outrances constituent une atteinte grave aux libertés associatives et traduisent une hostilité ouverte à l’égard des associations de lutte contre le racisme et les discriminations (origine, handicap, genre, orientation sexuelle, pauvreté, etc.)

Plus largement, le rapport documente également les atteintes touchant directement les ressources financières et/ou matérielles des associations (coupe-sanction de subvention), les attaques judiciaires (procès-bâillon, délit de solidarité, etc.) et les interventions policières abusives (amendes, intimidations, surveillance). Chacune de ces attaques vise à détourner les ressources de l’association de son objet, entraver sa liberté d’action et décourager ses militants.

Ce premier rapport ne se limite pourtant pas à un constat déjà connu de nombreuses associations : il contient 12 préconisations visant à reconnaître, protéger et favoriser l’exercice d’une citoyenneté collective. Réforme des modalités d’attribution des subventions, création de fonds pour favoriser les initiatives citoyennes, meilleure connaissance du rôle du Défenseur des droits dans la défense de personnes morales, reconnaissance du rôle d’interpellation des associations sont quelques-unes des transformations démocratiques nécessaires à la défense des libertés publiques fondamentales.

L’ensemble des acteurs ayant participé à la création de l’Observatoire des libertés associatives entame aujourd’hui un travail de mobilisation local et national autour de ce constat et de ces propositions. L’objectif ? Voir reconnaître la place centrale des associations dans le jeu démocratique et leur rôle clé d’autant plus nécessaire en ces temps troublés.

L.a. Coalition pour les libertés associatives  : https://www.lacoalition.fr
Signataires : Pas Sans Nous, le Collectif des Associations Citoyennes, Tous migrants, Action Droits des Musulmans, la Quadrature du net, REACT, Voxpublic, le CRID et France Nature Environnement.

Pour nous signaler une entrave vécue par votre association : https://www.lacoalition.fr/Signaler-une-entrave

 

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Communiqué de presse, Paris, le mardi 6 octobre 2020, l’Observatoire des libertés associatives rend public un rapport inédit réalisé avec l’appui d’un comité scientifique, dressant le tableau d’une « citoyenneté réprimée ». Cette analyse de fond s’appuie sur une centaine de cas récents d’entraves et de répression contre des associations et des collectifs de citoyens. Ce rapport est le fruit d’une collaboration entre chercheurs, associations nationales et locales, intervenant dans divers domaines d’activités (défense des droits, écologie, social, culture…), membres de la Coalition pour les libertés associatives.

Des associations dont l’activité est suspendue suite à une coupe-sanction de subvention pour avoir contredit un élu, des militants poursuivis devant des tribunaux pour des actions solidaires, une association de quartier interdite d’accès aux espaces communaux pour se réunir, des représentants politiques stigmatisant des associations antiracistes ou musulmanes, des militant.e.s écologistes cibles de contrôles routiers et d’amendes à répétition…

Voici quelques exemples tirés de la centaine de cas relevés et analysés dans le premier rapport de l’Observatoire des libertés associatives titré « Une citoyenneté réprimée : 100 cas de restriction des libertés associatives, 12 pistes pour les protéger » rendu public ce 6 octobre en présence d’un panel de député.e.s de diverses sensibilités et de journalistes.

Ce rapport est le fruit d’une collaboration étroite entre un comité de chercheurs en sciences sociales et des associations réunies au sein de la Coalition pour les libertés associatives, dont la plupart avaient déjà fait l’objet d’attaques contre leur capacité à agir.

Des libertés associatives menacées

Les auteurs du rapport pointent un paradoxe : «  alors que la démocratie participative s’expérimente désormais à l’échelle nationale et jusqu’au plus haut sommet de l’État (Grand débat, convention citoyenne pour le climat), les associations, acteurs essentiels de la démocratie, sont marginalisées voire ouvertement attaquées par les pouvoirs publics quand elles prennent des positions critiques ou mènent des actions collectives de défense des droits visant à interpeller les autorités et nourrir le débat public. »

Dans un contexte de pandémie et de crise sanitaire, les auteurs du rapport soulignent « qu’une partie des associations hier réprimées, ou qui l’ont été du fait du maintien de leurs activités durant la période de confinement, ont joué et jouent un rôle central dans l’atténuation des effets de la crise auprès des publics les plus fragiles.  »

Une fois ce bilan dressé, le rapport de l’Observatoire s’attache à rappeler qu’au niveau local, régional ou national, de nombreuses associations participent à faire vivre le débat public et permettent l’exercice d’une citoyenneté collective.

A l’image de la protection dont peuvent bénéficier les syndicats dans l’exercice de leurs activités, les associations proposent une série de douze mesures pour mieux les protéger face aux répressions abusives mais aussi faire reconnaître leur rôle en matière de défense des droits et d’intervention dans le débat public afin de renforcer des libertés démocratiques aujourd’hui menacées.

Un état des lieux des entraves aux actions associatives en France

Tribune de la Coalition pour les libertés associatives publiée dans la revue juridique Juris Associations n°628 des éditions dalloz, le 15 novembre 2020.

Retrouvez l’intégralité du rapport « Une citoyenneté réprimée » à télécharger

https://www.lacoalition.fr/IMG/pdf/rapport_v2.pdf

 

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