Dans mon article d’août, j’avais signalé la dangerosité des politiques visant le risque zéro.
On pouvait déjà pressentir que le gouvernement s’engageait dans une voie qui allait nous mener vers une situation dont il serait difficile de s’extirper. Quand on commence à calquer son modèle de gestion d’une crise sur la Chine, une dictature qui ment perpétuellement sur ses chiffres, c’est évidemment mal parti.
Les intensivistes, cliniciens et non bureaucrates, ayant une habitude de gestion de crise, ont complètement changé la prise en charge des patients Covid après le premier pic en les intubant le plus tard possible et en introduisant les corticoïdes (contre les recommandations de l’OMS) ce qui a permis de réduire la mortalité. Notre gouvernement, en revanche, a décidé de ne rien apprendre du premier pic.
En effet, en regardant les statistiques de Sciensano qui, à défaut de savoir les interpréter, réalise de très belles courbes, il aurait déjà pu constater que la surmortalité ne concernait pas la population des moins de 64 ans. On connaissait également les facteurs de risque de présenter une forme grave de la maladie que sont le diabète, l’hypertension artérielle et l’obésité.
Nous savions également que le virus n’était différent des virus respiratoires habituels ni par sa contagiosité, ni sa létalité, ni un problème d’immunisation mais uniquement par son évolution en 2 phases dans les formes graves. La seule raison de prendre des mesures exceptionnelles était donc la surcharge des hôpitaux.
Pourtant la létalité, la contagiosité et l’impossibilité de s’immuniser sont des arguments, largement relayés par nos médias nationaux pour justifier la politique menée par notre gouvernement conseillé par leurs « experts ». Ces mêmes « experts » nous ont annoncé un deuxième pic épidémique tous les jours depuis juin.
Il est d’ailleurs piquant de constater que beaucoup de journalistes ont conclu depuis le deuxième pic d’octobre que les « experts » avaient raison. Pourtant, dirait-on d’un météorologue qui prédit de la pluie pour le lendemain pendant 4 mois en se trompant tous les jours qu’il a raison parce que finalement il pleut un jour ? Cette politique sanitaire non ciblée a évidemment volé en éclat dès que l’épidémie a retrouvé des conditions favorables en octobre. Pourtant malgré l’évidence de cet échec, nos politiques n’ont pas remis en question leurs mesures mais plutôt conclu que le plan était bon mais que la population l’avait mal appliqué.
Non content de ne pas prendre des mesures pour les bonnes raisons, le gouvernement n’a pas pris des mesures selon les bons principes. Baser une politique de soins commune à l’ensemble de la population n’a aucun sens en médecine qui s’est toujours évertuée à développer une politique de santé adaptée à chaque individu ou groupe d’individus.
On ne fait pas des colonoscopies à l’ensemble de la population au nom d’une solidarité générationnelle mais aux personnes à partir de 50 ans et aux personnes ayant une prédisposition génétique (même si des diagnostics de cancer du côlon sont également faits sur des patients n’émergeant pas à cette population cible parce que statistiquement peu fréquents). La médecine, pour mettre en place des procédures, se base sur le bénéfice-risque-coût et sur la proportionnalité des mesures à prendre par rapport à la cause. Manifestement, ces notions sont totalement étrangères à nos politiques et leurs conseillers qui préfèrent le principe de précaution ou technique dite du parapluie.
La population à risque est connue depuis juin, la prévention aurait dû se focaliser uniquement sur cette population en leur permettant d’avoir des masques de qualité professionnelle, ainsi qu’une information dédiée afin de leur expliquer comment éviter les situations dangereuses en attendant le vaccin qui ne concerne d’ailleurs que cette population à risque. Les autres auraient dû pouvoir vivre leur vie normalement. Une stratégie ciblée basée sur la bienveillance, l’empathie et la pédagogie à plus de chance de fonctionner qu’une stratégie imposée à tous, basée sur l’autoritarisme, la violence, la délation et la peur.
Primum non nocere est un principe de base de la médecine, manifestement pas de nos gouvernants et de leurs « experts » car si on regarde le bilan des mesures prises qui ne sont basées sur aucune évidence scientifique forte et qu’on effectue la balance bénéfice-risque, le bilan est malheureusement catastrophique : une des mortalités les plus importantes au monde et un effet sur le pic épidémique au mieux modéré versus un désastre économique, social, éducationnel et psychologique qui eux étaient bien certains. Les mesures utilisées n’ont pas empêché les plus âgés de mourir mais ils sont morts seuls et abandonnés. Ne parlons même pas de notre jeunesse accusée de tous les maux et sacrifiée sur l’autel de la « bien-pensance ».
En conclusion, notre gouvernement a voulu des mesures simples mais est tombé dans le simplisme, il a voulu ne pas faire de discrimination, en oubliant que la définition de la discrimination en médecine n’est pas le fait de séparer un groupe humain des autres en le traitant plus mal mais l’action de discerner, de distinguer les choses les unes des autres avec précision. Utiliser la PCR seule comme moyen de discernement de l’évolution d’une épidémie est une grave erreur car cette technique ne fait pas la différence entre les personnes malades et saines, contaminantes ou non contaminantes.
Cette affirmation est d’autant plus vraie quand une grande partie de la population a déjà été infectée par le virus. La seule variable incontestable à surveiller est le nombre d’hospitalisations car il faut le répéter, la seule raison pour le gouvernement d’appliquer des mesures restrictives à sa population est la surcharge des hôpitaux et non la suppression des maladies respiratoires infectieuses. On peut comprendre les difficultés d’être gouvernant mais vu le bilan affiché, il serait temps de prendre un peu de recul, de constater son échec, de changer de conseillers et de modifier sa politique sanitaire afin de se rapprocher du monde réel : « Errare humanum est, perseverare diabolicum ».
Dr Olivier Lhoest ; Chef de service associé du service d’anesthésie-réanimation CHC Liège (Mont Légia- ND Hermalle – ND Waremme)
Membre du conseil médical du CHC