Avec 12 graphiques
Depuis un an, nombre de travailleurs sont devenus des télétravailleurs, d’autres sont en activité partielle, voire ont perdu leur job. Une grande partie de Français a réussi à épargner et constituer ce fameux matelas à 120 milliards d’euros, quand les plus précaires ont dû se tourner massivement vers les minima sociaux. Des files d’attente se sont formées dans les banlieues et devant les restaurants universitaires pour chercher des colis alimentaires ou déjeuner pour 1 euro. Faute de perspectives, le moral des jeunes et des moins jeunes est en berne.
Depuis des mois, les chaises sont empilées sur les tables des restaurants, les musées et théâtres ont fermé leurs guichets, les avions restent cloués au sol en l’absence de touristes… Et ce qui est apparu un temps comme une bonne nouvelle pour la planète n’a finalement été qu’un répit de courte durée : les émissions de gaz à effet de serre ont repris de plus belle, tout comme les cours du baril de pétrole.
Amie de l’ubérisation et du commerce en ligne, la pandémie laisse en revanche de nombreux secteurs sur le flanc, sous perfusion d’argent public. De quoi alimenter les conjectures sur la sortie de crise qui pourrait prendre du temps et nourrir des débats houleux sur l’avenir de la dette. Alternatives Economiques a choisi de revenir sur douze mois historiques qui ont durablement marqué l’économie française et mondiale.
1/ Les traces démographiques du virus
L’empreinte mortelle de la pandémie
Les premiers éléments statistiques montrent que la pandémie de 2020 a eu des conséquences démographiques marquées. Au 1er janvier, la France compte 67,4 millions d’habitants, une très légère hausse de 0,22 % par rapport à 2019. Un tiers de l’augmentation tient à l’excès des naissances sur les décès et les deux tiers à un excédent migratoire. La population française aurait dû être plus élevée car l’impact du Covid a été négatif aussi bien du côté des décès que des naissances.
Selon l’Insee, la France a connu 55 340 morts supplémentaires en 2020 par rapport à 2019, dont 13 000 par le vieillissement naturel de la population. Pourtant, selon l’Ined, la pandémie a provoqué l’an dernier la mort de 68 000 personnes. La différence s’explique bien sûr par le fait que les autres sources de mortalité ont diminué : moins de morts de la grippe et d’accidents de la route avec les confinements, à quoi s’ajoutent des décès attribués au Covid-19, mais pour des personnes en situation de comorbidité dont une partie serait morte même sans la pandémie.
Pour rappel, la surmortalité liée aux épisodes de grippe particulièrement violente s’établit plutôt dans la fourchette de 8 000 à 14 000 personnes, rappelle l’Ined. La pandémie a donc bien laissé son empreinte mortelle sur la France. Et pas de manière disproportionnée sur les personnes très âgées comme on l’entend souvent. En réalité, 11 % des personnes décédées du Covid ont 95 ans et plus, contre 10 % pour celles décédées d’une autre cause.
Enfin, la pandémie a également eu un impact significatif sur les naissances, ramenées à 697 000 en 2020 contre 714 000 un an avant. Et ce n’est pas fini. A la fin décembre 2020, les naissances étaient inférieures de 7 % à celles de décembre 2019 et celles de janvier 2021 de 13 % par rapport à janvier 2020. Cet effet va se poursuivre car « il est probable que le nombre de naissances baisse fortement en 2021 suite à l’épidémie de Covid-19 », affirme l’Ined.
Pour autant, les femmes continuent à avoir des enfants de plus en plus tardivement et les naissances seront peut-être décalées et non pas perdues. L’Ined pronostique ainsi que, sur l’ensemble de leur vie féconde, les femmes devraient continuer à avoir deux enfants en moyenne, comme celles nées en 1980 ou en 1970.
2/ Croissance : des effets très différenciés et durables
Les Etats-Unis et la Chine tirent leur épingle du jeu
On commence à avoir un début d’image des conséquences de la pandémie sur l’activité économique. Sans surprise, la croissance mondiale a été largement en berne l’an dernier mais pas de manière disproportionnée. Selon les dernières estimations de mars 2021 de l’OCDE, la baisse aurait été limitée à 3,4 %.
L’Europe fait partie des zones qui s’en sont le moins bien sorties. La récession au sein de la zone euro a été de 6,8 %, certains pays comme la France, l’Italie ou l’Espagne affichant des chutes bien plus marquées, sans même parler de l’ancien membre de l’Union européenne, le Royaume-Uni, plongé dans un fort recul de l’activité.
C’est finalement la principale caractéristique du Covid : ses effets ont été très largement différenciés sur l’ensemble de la planète. Certains pays émergents se sont effondrés, à l’image de l’Argentine, du Mexique ou de l’Inde, tandis que d’autres ont fait plus que résister, comme la Turquie et la Chine, championne du monde de la reprise rapide. Du côté des pays industrialisés, les Etats-Unis ont montré une forte capacité de résistance.
Mais, seconde caractéristique, toutes les économies vont mettre du temps à éponger le manque de croissance provoqué par l’épidémie. Ainsi, selon l’OCDE, seuls les Etats-Unis, engagés dans un massif plan de relance, retrouveraient à la fin 2021 le niveau d’activité de la fin 2019. Car, pendant que l’Union européenne peine à mettre en œuvre son plan de soutien de 750 milliards d’euros, entre Donald Trump et Joe Biden, les Américains ont déjà voté pour 2 800 milliards de dollars d’aides budgétaires, en attendant un plan d’infrastructures de 2 000 milliards, soit au total l’équivalent de 4 000 milliards d’euros. De quoi laisser l’Europe à la traîne de la reprise mondiale.
3/ Le chômage n’a pas explosé, mais…
Une dégradation globale sans forte augmentation
Huit pour cent seulement, du jamais-vu depuis 2008 ! Fin 2020, le taux de chômage en France était orienté à la baisse, atteignant son taux le plus bas depuis douze ans. Par quel miracle, alors que l’Hexagone traverse la pire crise économique depuis la Seconde Guerre mondiale ? Que les athées se rassurent : le miracle est rationnel. Il se justifie d’abord par les jeux d’écriture statistique qui font que, lors du confinement, de nombreux chômeurs ont basculé de la case chômage à celle de halo du chômage. Il faut donc tenir compte des deux simultanément pour se faire une idée de l’état du marché du travail.
Mais, même en prenant cette précaution, on ne constate pas d’envolée pour le moment. L’explication vient du plan de soutien du gouvernement qui a mis l’économie française sous cloche et a pour le moment masqué les réelles difficultés. Ainsi, malgré l’ampleur historique de la crise économique et une récession de 8,3 % du PIB en 2020, l’emploi privé n’a reculé que de 1,8 % entre le quatrième trimestre 2020 et l’année précédente à la même période.
Une large partie des « non-suppressions » d’emplois tient au chômage partiel massif qui a concerné jusqu’à 8,6 millions de travailleurs en avril 2020, pendant le premier confinement, et qui bénéficiait encore à 2,1 millions de personnes en janvier 2021. Si on rassemble le nombre de personnes au chômage, celles dans le halo du chômage et celles qui travaillent moins que ce qu’elles aimeraient : 21 % des participants au marché du travail étaient « contraints » dans leur offre de travail fin 2020. Un niveau jamais atteint depuis que l’Insee calcule cette statistique.
4/ Pauvreté : le recours massif aux minima sociaux
RSA : une forte hausse dès le début de la crise
Effets secondaires immédiats. La crise a pour le moment plutôt épargné les salariés en emploi stable, mais elle n’a pas manqué l’armée des travailleurs précaires. CDD non renouvelés, intérim en chute libre… dès les premiers jours du confinement, les précaires qui n’avaient pas cotisé suffisamment pour toucher les allocations chômage ont basculé sur les minima sociaux. Et notamment sur le revenu de solidarité active (RSA), dont le nombre de bénéficiaires s’est envolé en 2020, avec une progression de 7,5 % entre décembre 2019 et 2020.
Le RSA n’est pas une exception : la tendance est la même pour les aides au logement (+ 2,1 %) ou l’allocation spécifique de solidarité, destinée aux chômeurs en fin de droits (+ 4,6 %). La crise a rendu visible des scènes de pauvreté saisissantes, à l’image du McDonald’s de Saint-Barthélemy à Marseille, devenu un centre d’aide alimentaire autogéré, ou des impressionnantes files d’attente d’étudiants venus chercher de l’aide pour se nourrir. En janvier 2021, 9 100 étudiants ont bénéficié d’une aide ponctuelle attribuée par les services sociaux en cas de situation d’urgence ou de détresse avérée, soit une hausse de 39 % par rapport à janvier 2020.
Voilà pour la face émergée de l’iceberg. L’autre face, qui se joue – souvent dans la honte – derrière les murs privés du confinement, sera connue lors de la publication des chiffres 2020 de l’Insee sur la pauvreté, dans quelques mois.
5/ La dette publique à la rescousse
Les dettes publiques s’envolent
Confrontés à une récession de grande ampleur, les Etats ont souhaité apporter un soutien à leur économie. Finies les hésitations sur la dette publique et la nécessité de la contenir au prix d’une politique de maîtrise des déficits publics. Devant la pandémie, les vannes ont été lâchées : selon les estimations de l’Institute of International Finance, la dette publique mondiale a progressé de 12 000 milliards de dollars (10 080 milliards euros) en 2020 – dont 10 700 milliards de dollars (8 988 milliards d’euros) de la part des grands pays industrialisés – passant de l’équivalent 88 % à 105 % du PIB mondial.
La dette publique a ainsi progressé dans toutes les parties du monde, y compris dans des pays où elle était déjà élevée, comme le Japon, l’Italie ou la Grèce. De ce point de vue, les Etats-Unis sont complètement en train de changer la donne. Après le plan de relance de 900 milliards de dollars de l’ère Trump, Joe Biden vient d’ajouter un nouveau soutien budgétaire à l’économie de 1 900 milliards, en attendant son futur plan d’infrastructures de 2 000 milliards. Une réforme fiscale est à venir qui devrait rapporter 2 800 milliards, laissant tout de même un besoin d’endettement supplémentaire de 2 000 milliards, l’équivalent de 10 points de PIB.
Il faudra mesurer l’impact de toutes ces mesures sur la croissance, mais le message américain est clair : avec des taux d’intérêt très bas et des politiques monétaires ne pouvant plus agir, c’est au tour de politiques budgétaires nourries par la dette de prendre le relais pour atteindre le plein-emploi et développer les investissements publics pour demain.
6/ Des matelas d’épargne plus ou moins épais
Epargne : 120 milliards supplémentaires
Vacances annulées, restaurants et cinémas fermés, gros achats reportés, projets immobiliers remis à plus tard… Pendant le confinement, privés d’opportunité de consommation, les Françaises et Français ont rempli leur bas de laine. Selon la Banque de France, l’épargne accumulée sur l’ensemble de l’année 2020 aurait été supérieure de 120 milliards d’euros à la tendance pré-Covid. « Sans surprise, ce surplus s’est constitué surtout lors des mois de confinement (mars, avril, mai et novembre) », précise l’institution.
Cette épargne est allée se loger principalement sur les comptes courants des ménages et leurs livrets d’épargne réglementée (livret A, LDDS, etc.). D’abord forcée, l’épargne des ménages s’est en effet muée en une épargne de précaution, d’où une préférence pour les supports permettant de retirer facilement son argent en cas pépin.
Le niveau d’épargne a certes augmenté au niveau global, mais il faut garder en tête qu’il cache des disparités importantes selon le niveau de revenu des ménages. « Près de 70 % du surcroît de l’épargne ont été faits par les 20 % des ménages les plus riches », a noté le Conseil d’analyse économique. Quand certains, faute de loisirs et d’occasions de dépenses, ont profité de cette économie forcée pour renforcer leur matelas d’épargne, les plus pauvres ont au contraire dû se serrer la ceinture pour faire face à la crise.
7/ L’année où le télétravail décolla…
Le télétravail dopé par les confinements
Toutes celles et ceux qui défendaient un essor du travail à distance en France ont été servis. Alors que 3 % de salariés télétravaillaient régulièrement avant la crise, ils ont été entre 25 % et 44 % à le faire pendant les périodes de confinement. En toute logique, entre les deux vagues de l’épidémie, un certain retour à la normale s’est imposé. Selon les chiffres du ministère du Travail, ils n’étaient plus que 10,9 % à travailler à distance au moins un jour par semaine en juillet.
A la décharge des promoteurs de ce mode de fonctionnement, le télétravail de crise n’est pas celui qu’ils appelaient de leurs vœux. Pour autant, la brutalité de cette expérience grandeur nature a exacerbé un certain nombre d’inégalités dont les directions et les salariés ont pu mesurer les conséquences. Inégalités entre les secteurs d’activité (voir graphique), entre les catégories professionnelles – les télétravailleurs sont à 61 % des cadres alors qu’ils ne représentent que 17 % de la population active –, et entre hommes et femmes.
Non seulement, les salariées occupent des emplois de première et seconde lignes non télétravaillables (70 %, voire 90 % de femmes chez les infirmiers et les aides-soignants ; 82 % parmi employés de la distribution…) mais celles qui ont pu travailler à la maison ont disposé de moins d’espace que les hommes et ont dû davantage s’occuper des enfants et des tâches domestiques…
Le télétravail contraint a également mis à jour des risques psychosociaux liés à l’isolement ou à un management intrusif et des problèmes de conditions de travail et de prise en charge des coûts. Autant de sujets auxquels l’accord national interprofessionnel, non contraignant, signé en novembre dernier sur la question, est loin de répondre.
8/ La santé mentale : le coup de blues de la jeunesse
Dépression : la santé mentale des jeunes particulièrement atteinte
9/ Emissions de CO2 : ça redémarre très fort
Les émissions de CO2 repartent à la hausse
10/ Le yo-yo des cours du pétrole
Les cours du pétrole sont encore convalescents
11/ L’e-commerce rafle la mise
Le commerce en ligne ne cesse de progresser
12/ La culture a particulièrement souffert
La culture durement frappée par le Covid
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