Les panneaux solaires ne sont pas écologiques !

Encore une mauvaise nouvelle. On va réussir à s’en sortir ?

Après les lotissements, parkings, zones commerciales, aéroports et autres formes d’artificialisation des sols, la dévastation de la nature prends une nouvelle forme : il s’agit de vastes étendues de plastique, métal et silicium : les « fermes » — l’appellation sert à donner une image bucolique à la chose, aussi et mieux nommée « centrales » — solaires. Tandis que jusque-là, on détruisait les forêts, terres agricoles et autres espaces naturels au nom de la croissance, du développement, de la production, de l’économie et de l’emploi, aujourd’hui, on le fait en plus au nom de l’écologie (désormais assimilée au « développement durable »).

Depuis quelques temps, au hasard de mes randonnées, je rencontre de plus en plus souvent dans le paysage d’hideuses balafres dans les forêts et les champs, souvent sur des coupes rases dans les bois, le plus à l’écart possible des routes et villages pour préserver l’illusion d’un paysage naturel intact. Par exemple, plusieurs sites, au pied de la Montagne de Lure, sur les hauteurs du lac de Serre-Ponçon, entre la plaine de la Durance et les Monges et dans le Sud de l’Aude.

Les commentateurs mi-lucides, mi-inconséquents déplorent l’absurdité évidente consistant, pour installer des panneaux solaires, à abattre des arbres, raser des bois, ou simplement à recouvrir des terres particulièrement cruciales pour la biodiversité autant que pour le climat, tandis qu’existent pléthore de toits, hangars, parkings, routes (sachant, certes, que certains toits de villes sont protégés au titre du patrimoine, qui accorde donc plus d’importance aux ardoises de Paris qu’aux arbres des forêts de montagne) pour ce faire. Cependant, il importe d’aller au-delà de cette absurdité évidente et de réaliser que :

LES PANNEAUX SOLAIRES NE SONT PAS ECOLOGIQUES

1/ La construction, l’installation, l’entretien (usage de produits nettoyants, de désherbant) des « fermes » solaires possède un lourd impact écologique. Il faut extraire les métaux et autres minerais, fondre la silice a très haute température pour obtenir le silicium, etc. Et qui dit extractions minières dit destructions environnementales et pollutions. Au préalable, il faut avoir construit les machines qui permettent d’extraire, transporter et traiter lesdits minerais, ainsi que les machines pour construire ces machines, et ainsi de suite — c’est un large ensemble d’industries qui sont nécessaires pour fabriquer des panneaux solaires (la même chose est vraie de n’importe quel objet de la civilisation industrielle). Par ailleurs, leur durée de vie ne dépasse guère vingt à trente ans ; ils ne sont ensuite que partiellement recyclés, génèrent donc des déchets, et n’ont pas grand-chose de « renouvelables » (sachant que le recyclage est en lui-même une industrie énergivore, qui requiert des machines, des machines qu’il faut construire, etc. — sachant, en d’autres termes, que le recyclage n’est pas non plus écologique). Enfin, des études récentes semblent montrer que la haute température des panneaux est mortelle pour les insectes qui les survolent, déjà durement éprouvés pour d’autres raisons.

2/ Les panneaux solaire n’ont de plus probablement jamais permis d’éviter un seul gramme d’émissions de gaz à effet de serre. En effet, les nouvelles sources d’énergie ne font que s’ajouter aux précédentes tandis que la production totale ne fait que croitre. On exploite les hydrocarbures partout où on le peut (gaz de schiste, sables bitumineux, gisements arctiques) et de surcroit on détruit les forêts pour construire des panneaux solaires. Il y a addition, et non remplacement.

La part prise par l’énergie solaire photovoltaïque est au demeurant extrêmement faible dans la consommation totale d’énergie (une tromperie commune consiste à ne parler que de l’électricité en oubliant que le gros de notre énergie est issue d’hydrocarbures de façon directe sans passer par la forme électrique), soit 0,4% du total dans le monde[1] et 0,8 % en France[2]. Cette légère augmentation ne suffit pas même à compenser la profusion de nouveaux « besoins » énergétiques créés par les technologies nouvelles.

Ainsi, la consommation d’électricité mondiale du seul bitcoin est dix fois supérieure à la production d’électricité photovoltaïque de la France[3], et trois fois supérieure à celle de l’Allemagne dont on vante l’avance dans le domaine. Interdire une crypto-monnaie, qui n’est au fond pas grand-chose de plus qu’une pyramide de Ponzi permettant à certains de spéculer, à d’autres de blanchir de l’argent et financer des activités illicites, ferait plus pour limiter les besoins en électricité fossile que des décennies de subventions massives du photovoltaïque.

3/ Un argument encore plus fort est celui du cannibalisme énergétique, qui prend en compte le fait que la construction de panneaux solaires est très couteuse en énergies fossiles sous une forme ou sous une autre (mines, fonte des métaux, du silicium, camions pour leur mise en place…). Si le déploiement de l’énergie censé remplacer les fossiles se fait à un rythme élevé, le secteur de substitution sera pendant la période de déploiement consommateur net d’énergie. En effet, si un panneau solaire, sur ses 20 à 25 années de durée de vie produit en 7 ans une quantité d’énergie qui compense celle nécessaire à sa construction, mais que dans le même temps on a construit deux autres panneaux, alors il faudra encore attendre pour que la construction de tous ces panneaux soit compensée, et si on ne cesse d’en construire toujours plus, alors le secteur augmente la demande de fossiles au lieu de la réduire. Au mieux, ce ne sera qu’au bout de longues décennies que le secteur cessera de croître et pourra réellement compenser les émissions liées à son déploiement. Le problème c’est que, comme le disent les climatologues, après plusieurs décennies, il sera trop tard.

4/ Pire encore. Au même titre que l’énergie fossile ou nucléaire, l’énergie produite par les panneaux solaires (ou les éoliennes, ou n’importe quelle autre source d’énergie dite verte, propre, renouvelable ou décarbonée) ne sert par définition qu’à alimenter d’autres appareils, d’autres machines issues du système techno-industriel ; à alimenter les infrastructures industrielles et numériques de la machine à détruire la nature qu’est devenue notre société, à alimenter les smartphones, les ordinateurs, les écrans de télévision, les voitures (électriques), l’inutile pollution lumineuse, les serveurs financiers, les usines d’aluminium, les écrans publicitaires dans l’espace public poussant à surconsommer, etc. (de plus en plus de compagnies minières se tournent vers les centrales de production d’énergie dite renouvelable, verte ou propre, notamment le solaire ou l’éolien, afin d’alimenter leurs installations d’extractions minières, pour la raison que ces centrales sont relativement simples à mettre en place). L’électricité produite par les centrales de production d’énergie dites vertes, propres ou renouvelables est donc elle-même largement néfaste écologiquement, dans ses usages, indépendamment de la façon dont elle est produite.

5/ On pourrait enfin évoquer un argument d’ordre culturel et politique. Les panneaux solaires (et éoliennes), négligeables en ce qui concerne les réalités du système énergétiques, sont omniprésent dans les discours, images et communication du grand récit officiel : « le développement durable ». À ce titre, on peut penser que leur rôle principal est celui d’une diversion, d’objets inutiles mais rassurant au service du consentement à l’ordre établi. Il n’y a pas à s’inquiéter pour l’avenir, ni à restreindre sa consommation, ce n’est pas la peine de renoncer à l’automobile ou à l’avion : les énergies renouvelables sont là pour nous permettre de conserver pour toujours la débauche énergétique actuelle. Il suffit d’investir où il faut son épargne, de favoriser la finance verte ou de lancer un vaste plan d’investissement public.

Bref, une des choses que je trouve les plus navrantes dans le monde politique actuel (pourtant peu avare en ce domaine) est la façon dont une large part de l’écologie politique, jadis mouvement subversif remettant frontalement en cause la société industrielle, tend à ne plus être rien d’autre qu’une agence de com’ et de lobbying bénévole au service d’un secteur industriel capitaliste hautement profitable pour ses actionnaires.

Du programme politique des candidats supposés écologistes pour les prochaines présidentielles aux investissements dits éthiques de banques coopératives (parmi lesquels ces énergies renouvelables se taillent la part de lion), on retrouve partout cette façon de présenter comme un summum d’écologie la destruction des forêts, l’extractivisme et l’industrie capitaliste.

Nota bene : Il est considéré ici comme évident que le charbon, le pétrole, le gaz naturel sont des calamités écologiques, et que le nucléaire est une abomination qui n’apporte pas plus de réponses aux problèmes écologiques susmentionnés et auquel on pourrait transposer la plupart des critiques susmentionnées + les déchets mortels pour des millions d’année dont on ne sait sérieusement que faire.

En bonus : il existe une technologie totalement disruptive, permettant à rebours de tout ce que j’ai dit ici d’obtenir des « panneaux solaires » 100% biodégradables, non polluants, renouvelables, respectueux du paysage et à impact positif sur la biodiversité, productibles de façon artisanale n’importe où dans le monde à un cout très bas et sans dépendre de matières premières lointaines. Mieux encore, cette technologie est auto-réplicante (on croirait de la science-fiction !) et permet la synthèse directe de nourritures et matières premières. Vous devinez ?

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Notes

  1. L’électricité représente 19% de la consommation finale d’énergie mondiale en 2018, d’après le rapport 2021 “Chiffres clefs de l’énergie” du ministère de la transition écologique. URL : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres (consulté le 18 mars 2022). Par ailleurs, le solaire photovoltaïque représente 2,1% de l’électricité produite dans le monde d’après EDF, URL : https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l‑energie-de-a-a‑z/tout-sur-l-energi (consulté le 18 mars 2022).

    Le photovoltaïque représente donc 19%*2,1% = 0,4 % de l’énergie consommée dans le monde.

  2. La production photovoltaïque de la France est de 11,6 TWh d’après EDF, URL : https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l‑energie-de-a-a‑z/tout-sur-l-energi (consulté le 18 mars 2022). La production totale d’énergie primaire est de 1423 TWh d’après le rapport 2021 “Chiffres clés de l’énergie” du ministère de la transition écologique déjà cité. Le photovoltaïque représente donc 11,6 / 1423 = 0,8% de l’énergie produite en France.
  3. Pour la consommation électrique du bitcoin, 80 à 130 TWh en 2021 d’après Alex de VRIES. « Bitcoin boom : What rising prices mean for the network’s energy consumption ». In : Joule 5.3 (17 mar. 2021). Publisher : Elsevier, p. 509–513. ISSN : 2542–4785, 2542–4351. DOI : 10.1016/j.joule.2021.02.006. URL :https://www.cell.com/joule/abstract/S2542-4351(21)00083–0 ,
  4. cité par Pierre Boulet, “Consommation énergétique des technologies blockchain”, Ecoinfo.cnrs. URL :https://ecoinfo.cnrs.fr/2021/11/05/consommation-energetique-des-technologies-blo consulté le 18 mars 2022.Pour la production photovoltaïque de la France et de l’Allemagne : 11,6 TWh en 2019 pour la France et 45,8 TWh en 2018 pour l’Allemagne d’après EDF, URL : https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l‑energie-de-a-a‑z/tout-sur-l-energi (consulté le 18 mars 2022).

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