Une petite brochure écrite par Bernard Legros
Editions Quartz ; 3 €
La brochure se finit de la façon suivante
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Conclusion … provisoire
Que voulons-nous ? Une société décent,vivable, respirable, la plus libre et autonome possible, ou un psychobiopouvoir 2.0 qui nous mène à tombeau ouvert vers la paranoïa traumatique contagieuse (Jean Furtos), l’anomie, la déréliction, la déshumanisation, la bureaucratie et la numérisation intégrales de la vie (ou le crédit social à la chinoise mondialisé), bref, la poursuite du mode de vie capitaliste-industriel jusqu’à son acmé cybernétique-totalitaire qui nous sera létal ? Si nous en sortons par le haut, ce sera de haut lutte. Les paris sont ouverts : sera-ce une tranquille « révolution des œillets » bis ou risque-t-il plutôt d’y avoir, comme disait Winston Churchill, du sang, de la sueur et des larmes ? « S’affranchir de la domination revient donc, in fine, à affronter la violence physique ; à affronter la mort », écrit Jacques Luzi. Quoiqu’il en soit, le psychobiopouvoir ne lâchera pas ses prérogatives de lui-même et jusqu’à présent, il peut compter sur l’exécutif et ses forces de l’ordre, la justice (jusqu’à présent) les majorités parlementaires, les médias dominants ainsi qu’une partie non négligeable de l’opinion publique. Nous les résistants, avons-nous un autre choix que de livrer bataille ? Non, direz-vous, mais, à vrai dire oui, celui de vivre à genoux, d’accepter de fonctionner dans une fourmilière connectée, ultra-technicisée, cybernétiquement contrôlée, donc de perdre toute notre humanité en nous robotisant, ce qui est le projet des sinistres transhumanistes qui se pressent aux portes du psychobiopouvoir. Certains répondront que l’humanité étant face à un destin funeste (une eschatologie en terme philosophique), on ne peut donc rien y faire. Restera la prière ou ma méditation, selon les goûts. Ils s’appuieront aussi sur la dégradation de la planète qui nous imposera une autre façon de vive et un nouveau contrat avec la nature. Après ou avec les pandémies, un nouveau krach financier et la lutte contre les dérèglements climatiques justifieront les tours de vis à venir. Les contraintes écologiques vont s’institutionnaliser. « Entre la catastrophe et le totalitarisme planétaire destiné à l’éviter, quelle est encore la marge de notre liberté ? » se demandait lucidement Bernard Charbonneau à quelques semaines de sa mort en avril 1996.
D’autres comme moi croit encore en l’individualité,au libre arbitre (dans une certaine mesure) à la conscience, à l’esprit. Certains m’ont soupçonné d’être devenu libertarien parce qu’ils sont convaincus que l’avenir appartient exclusivement au collectif. Ils souligneront la difficulté de définir précisément ce qu’est la liberté, diront que son sens s’est obscurci, pour mieux se débarrasser du concept. Par contre, la servitude sera bien visible et parfaitement définissable ! La gouvernementalité algorithmique (Antoinette Rouvroy et Thomas Berns) nous promet l’éradication du spontané, de l’intempestif, de l’aléa, du hasard, de la désobéissance. Nous n’avons toujours pas tiré les ,leçons des travaux ou des expériences de Solomon Asch sur le conformisme (1951), de Stanley Milgram sur l’obéissance à l’autorité (1963), de Hannah Arendt et de la banalité du mal (1963) de Nils Bejerot ou du syndrome de Stockholm (1973). Qu’a fait l’école, ou que n’a-t-elle pas fait, si c’est pour en arriver à un tel état de déshérence intellectuelles et morale ? « Notre scolarité, aujourd’hui, est de l’amnésie planifiée » et elle verse « dans une barbarie de l’innovation creuse », remarquait Georges Steiner (1929-2020). Adapter le cheptel humain à la médiocratie est plutôt sa mission en oubliant au passage de le vacciner … contre la crédulité. L’école est-elle encore réformable ? Il faudra beaucoup d’efforts pour récupérer nos congénères tombés dans la marmite covidiste, car « il est plus facile de tromper les gens que de les convaincre qu’ils ont été trompés » (Mark Twain). Une partie d’entre eux est d’ailleurs irrécupérable. Dés lors, résolvons-nous à « ne plus rien attendez de la masse hargneuse des adeptes du Grand Sommeil », et misons sur les autres en espérant atteindre rapidement une masse critique.
Résumons-nous. L’anti-covidisme représente un « oasis d’humanité » (Arendt) dans le désert de la barbarie hygiéniste. A la suite d’Aristote dans l’Éthique de Nicomaque ; il pose que les relations humaines (amour, amitiés, engagement politique) sont essentielles à la vie bonne et fonctionnent dans la réciprocité. Il invite à choisir son camp : la résistance ou la collaboration. « Mais cette présentation des choses manque de nuances, c’est trop binaire », m’a-t-on objecté, telle cette camarade décroissante me disant ne plus se reconnaître tant dans la critique radicale du covidisme que dans sa doxa – « ninisme petit-bourgeois » aurait commenté Roland Barthes. Imaginons que, durant la seconde guerre mondiale, il eut été possible de se positionner quelque part entre de Gaulle et Pétain, m’avait dit le regretté Paul Lannoye. Nous pouvons nous amuser à mettre toutes les nuances possibles et imaginables, au bout du compte s’impose un choix binaire : se faire vacciner ou rester non-vacciné, pour ne prendre qu’un exemple. Autrement dit, obéir ou désobéir. Plutôt que de prôner une révolution, il faudra revenir « à la véritable raison du mouvement écologique : non pas établir le paradis sur terre mais éviter l’enfer ». Pensons aussi à le transformer à partir de tout autres bases anti-productivistes, anti-industrielles et décroissantes cette fois.
Enfin, voici un viatique de survie mentale et morale pour les années à venir : Comme le recommandait déjà Thoreau, fuir les médias dominants sources de désinformation, de manipulation, de mal-être, de sentiment fataliste ; dans le cadre d’une décivilisation industrielle, cesser de faire confiance aux pouvoirs d’où qu’ils viennent (vive l’anarchie!) : combattre radicalement la crédulité et devenir des agnotologues ; ne pas désespérer de trouver la vérité. Au-delà du bruit médiatique et des conversations du café du commerce, elle existe : refuser le solutionnisme technologique (Evgueny Morozov), la fuite en avant technicienne,la « pharmacisation de l’existence » (Olivier Rey) ; réintroduire inlassablement du conflit dans le consensus, dur ou mou. Le ,jour où les opposants se tairont, la violence totalitaire se déchaînera -Arendt nous aura prévenue ; être prêts à prendre des risque importants, mais bien moins importants que la nécessité de vivre debout, dignes et libres ; vise l’authenticité personnelle, au sens de Rousseau ; nous comporter de manière autonome dans le cas de contraintes normes et traditions – érigées par les autres du groupe auquel nous appartenons ; revitaliser le sens commun, cette belle faculté mêlant la raison, le sentiment et l’intuition ; comprendre que l’intelligence qui compte vraiment est celle du cœur ; être à nouveau capable de regarder la mort en face, condition pour vivre pleinement sa vie. Pour y arriver, voir le sublime film de Terence Malik, une vie cachée (2019), un biopic sur Franz Jägeerstätter (1907-1943), simple paysan autrichien qui refusa de prêter serment à Hitler et ouvrir la voie aux objecteurs de conscience de l’après-guerre. Après de multiples actes de désobéissance , ce résistant jusqu’au bout des ongles et de l’âme fut condamné à mort par un tribunal militaire et décapité. Il laissait une femme et trois enfants. L’église l’a béatifié en 2007.
Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer
Guillaume d’Orange
Nous pouvons attendre le pire et quand même tenter le bien-être
Max Horkheimer
Une bonne vengeance est toujours salutaire. C’est le meilleur antidote contre le ressentiment
anonyme
Quand trop de gens transgressent l’interdiction de marcher sur la pelouse, on enlève l’écriteau qui porte l’interdiction
proverbe anglais
Rien n’est joué, nous pouvons tout reprendre
Claude Lévi-Strauss