L’écologie des gestionnaires : une impasse
https://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/l_e_cologie_des_gestionnaires_-_un
Extraits
Le Parc National des Calanques (PNC) use de médias pour promouvoir son massif : affichages publicitaires, site internet, réseaux « sociaux » (Facebook, Instagram…) et une application mobile. Tout est fait pour inciter les touristes à s’y rendre. Paradoxalement, il souhaite mettre un terme à « l’hyper-fréquentation » de Sugiton pour mieux protéger ce « site naturel en péril ». En effet, l’été dernier, nous apprenions la mise en place d’un permis de visite de cette Calanque dès la saison 2022. Cette mesure expérimentale de « contingentement » vise à plafonner le nombre de visiteurs du site à un seuil fixé par le directeur du PNC. Un système de réservation génèrera automatiquement le précieux sésame : un QR Code. Un de plus.
En d’autres termes, pour visiter cette Calanque, il faudra télécharger son code barre et se faire scanner (comme des colis) au col de Sugiton pour y accéder. Improvisation, spontanéité, changement de plan, simple détour pour admirer un point de vue splendide sont exclus dans le monde des gestionnaires de la Nature.
Une fois de plus, nous déplorons l’incapacité des Parcs à agir face à ce qui relève plus de la culture de masse que d’un simple problème d’optimisation des flux. Effectivement, il semble impossible de trouver une issue au problème de la fréquentation des Parcs sans soulever la question du tourisme de masse et de l’ultra-médiatisation de certains lieux. D’ailleurs, est-il réaliste d’envisager la diminution du nombre de visiteurs dans certaines Calanques alors qu’elles se situent dans la deuxième ville de France ? Pour les gestionnaires du Parc la solution réside dans la contrainte des touristes – pions qu’ils gèrent (comme du bétail), en utilisant tous les moyens d’actions que la société technicienne et bureaucratique met à leur disposition : le permis, le contrôle (par une société de sécurité privée), la jauge, le seuil et la surveillance. A grand renfort de… numérique ! Cette fraude écologique ne suscite que très peu de critiques.
Nous tâcherons donc de combler ce vide par le texte qui suit.
Avant-propos
Il convient de rappeler trois évidences.
Tout d’abord, la stratégie de communication du PNC n’est pas la seule responsable de l’attrait touristique du massif. Historiquement, les Calanques, ont toujours accueilli beaucoup de monde. Ceci a inévitablement généré de nombreuses détériorations et pollutions. Un travail considérable de nettoyage a été entrepris dès les années 90 si bien qu’aujourd’hui, certains considèrent les Calanques comme étant plus propres que dans les années 80. En effet, les pollutions les plus choquantes notamment les nombreuses carcasses de voitures ont disparu depuis l’opération « Les Calanques propres ».
La deuxième, c’est que nous sommes conscients qu’il y a effectivement un problème de
fréquentation. Nous le constatons à chaque fois que nous nous y rendons. C’est également cet argument qui pousse certains d’entre nous à fuir ces lieux quand les beaux jours arrivent.
Et enfin la troisième, c’est que nous regrettons les conséquences de cette fréquentation sur la faune et la flore. Pour y remédier, nous soutenons des solutions pérennes et efficaces pour régler ces problèmes et non les gérer. Cela implique nécessairement un examen approfondi de notre société thermo-industrielle que nous ne développerons pas ici. Toutefois, il est incohérent que le PNC s’indigne des flux excessifs de touristes tout en faisant la promotion des sites. Comme si une campagne publicitaire pour un produit n’avait jamais eu aucun impact sur sa consommation.
Que cherche à faire le PNC en focalisant l’attention sur les visiteurs de Sugiton ? Justifier son existence en simulant son engagement pour la sauvegarde des Calanques par des « solutions innovantes » ? Il ne faudrait pas oublier que le massif dont il a la gestion est une immense poubelle. C’est ce que nous rappelons dans une première partie, tout en exposant l’impasse dans laquelle nous mène la volonté de gestion des Parcs.
Des nuisances à combattre prioritairement
Depuis 1966, Péchiney, puis Altéo défèque des tonnes de boues rouges dans le Canyon de Cassidaigne, en plein coeur marin du Parc. Ces boues sont les déchets inévitables de l’industrie de l’aluminium (les professionnels du secteur lui préfèrent l’euphémisme de résidus). Le massif est la décharge d’une activité industrielle polluante. Les visiteurs tartinés de crème solaire qui barbote dans l’eau ont des progrès à faire pour être à la hauteur en termes d’impact sur le milieu naturel.
Pour rappel, le procédé de fabrication connu depuis la fin du XIXe siècle consiste notamment à broyer de la bauxite puis à la mélanger sous pression avec de la soude à haute température pour obtenir l’alumine destinée à la production d’aluminium. Il en résulte un certain nombre de contaminants : plomb, cadmium, mercure, arsenic, fer… En 2016, le Parc prétend avoir mis fin aux boues rouges en mer. En réalité, Altéo a une dérogation de six années l’autorisant à rejeter la partie liquide et incolore de ces boues avec une réduction jugée satisfaisante des principaux contaminants. Est-ce vraiment une victoire lorsqu’on songe aux quantités de matières dangereuses de cette partie liquide qui continuent à être déversées dans les fonds marins ? De plus, Altéo a déjà prouvé son incapacité à respecter les seuils fixés par la dérogation comme l’a révélé l’association ZEA. Pour noircir encore davantage le tableau ne négligeons pas les conséquences écologiques et sanitaires des tonnes de résidus solides des boues rouges16 entreposées sur terre, comme c’est le cas sur le site de stockage de Mangegarri à Bouc Bel Air. On constate par exemple chez les riverains de ce site une sur-représentation des cancers et des affections de la thyroïde. La solution proposée par Altéo consiste donc en un partage équitable de ces rejets écocides entre terre et mer. Qu’importe, continuons à nous empoisonner puisque l’aluminium est d’utilité publique ! Les dérogations accordées à Altéo s’enchaînent à chaque date butoir laissant libre cours à la nuisance. Qu’adviendra-t-il en 2022 à la date supposée de fermeture du site ?
Cette affaire est un parfait exemple de la gestion des nuisances que nous propose le PNC. Les technoscientifiques fixent des quotas, des seuils à ne pas dépasser en prétendant que cela est neutre pour l’environnement. Dans le cas des Calanques, on parle d’une baisse de 90 % des contaminants. Chiffre qui, à première vue, donne l’impression d’une diminution drastique des pollutions. Mais, halte-là ! 10 % de rejets nuisibles à la vie sur terre n’est-ce pas déjà bien trop au regard des quantités astronomiques dont il est question et du caractère irréversible de chaque litre supplémentaire ? Le problème n’est jamais réglé, seulement géré, donc déplacé. Il s’agit d’un leurre visant à nous faire accepter les pollutions d’industries en tout genre. La contamination du monde, une histoire des pollutions à l’âge industriel de François Jarrige et Thomas Le Roux montre d’ailleurs que ces procédés sont aussi anciens que l’histoire de l’industrie. A lire pour mettre en perspective ce problème local avec l’Histoire.
A cela s’ajoutent les eaux usées de Marseille déversées dans la Calanque de Cortiou, du flux ininterrompu de paquebots, de porte-conteneurs, de pétroliers passant aux larges de la baie de Marseille, des anciennes usines de soude dans le sud de Marseille (ancienne usine de Legré Mante), de l’agrandissement de l’école de commerce Kedge et de tous les projets d’urbanisme qui viennent grappiller toujours un peu plus les espaces verts (Boulevard Urbain Sud, zone d’activités des Caillols se trouvant dans la zone d’adhésion du Parc). Tous ces exemples démontrent que les Calanques étaient, sont et seront toujours mises en péril si des solutions plus radicales ne sont pas envisagées.
Si l’ambition du Parc était de protéger la faune et la flore des Calanques il faudrait prioriser les luttes contre les menaces exposées ci-dessus. Il préfère stigmatiser l’impact écologique des visiteurs de Sugiton, pourtant bien moindre en comparaison des nuisances inhérentes à l’activité industrielle de la région marseillaise.
Ceci ayant été dit, revenons à notre propos initial sur l’instauration d’un permis de visite de la Calanque de Sugiton et évaluons l’efficacité de cette mesure sur la protection de l’environnement.
Le permis : Une solution inefficace et injuste pour la préservation des Calanques
Le Parc s’agite pour la protection du massif en mettant en place un laissez-passer pour l’accès à la Calanque du torpilleur (Sugiton). Partons du postulat, quelque peu fantaisiste compte tenu des nombreux chemins d’accès au site, que le contrôle soit efficace et qu’aucune personne non autorisée ne puisse y entrer. Que feront les refoulés ? Ils iront sur un autre site. Ainsi, la quantité de touristes sera globalement la même dans le massif et l’impact sur la Nature sera simplement étendu aux autres Calanques prisées. La gestion des flux de touristes aura simplement pour effet de déplacer le problème (Morgiou, Sugiton). C’est une nouvelle illustration de l’impasse dans laquelle nous mène la gestion des nuisances.
De plus, les arguments qui visent à nous faire croire que le permis va permettre de limiter l’agitation et les rejets des visiteurs ne sont pas pertinents. En effet, rien ne laisse présager que les personnes munies d’un QR Code soient plus respectueuses du lieu. Il suffit de quelques personnes mal intentionnées ou peu conscientes des enjeux écologiques locaux pour détériorer le site. L’efficacité de cette mesure semble donc toute relative.
Le contrôle
Ce permis se heurte à des problèmes pratiques de mise en oeuvre. Il parait compliqué de maîtriser la foule qui se dirige à la belle saison vers la Calanque sans l’utilisation de moyens de coercition (et peut être de répression) coûteux. Pour ce faire, le PNC envisage-t-il de faire appel à des sociétés privées de sécurité (en plus de celle qui contrôle les QR Code au col de Sugiton) ou à des compagnies de CRS ? La présence future de forces de l’ordre écologique dans les Calanques semble ainsi très probable et accentuera cette fâcheuse tendance de contrôle qui plane au-dessus des espaces naturels.
Et enfin, est-ce que le GR, qui arrive à Sugiton par Morgiou et qui passe sous la paroi des Toits, sera interdit ? Autant de questions pratiques qui ne trouvent pas encore de réponses.
Les dérives possibles
La logique gestionnaire du massif engendrera probablement la multiplication des permis de visite dès l’été 2023 pour plusieurs Calanques comme En-Vau, Morgiou, Sormiou, Marseilleveyre… Cette projection nous laisse donc imaginer un accès conditionné à l’ensemble du massif. On nous prépare à l’idée d’un « pass » généralisé aux Calanques. D’ailleurs, François Bland, le directeur du Parc, se déclare favorable à cette idée, laissant entrevoir la possibilité d’un Parc à l’américaine, où les conditions d’accès à la Nature sont limitées. La défense de l’environnement est un prétexte pour y parvenir.
Il nous semble crucial d’alerter sur les dérives possibles de l’instauration d’un tel permis qui fera des émules dans tous les massifs gérés comme la Sainte Baume, la Sainte Victoire, les Alpilles etc… Effectivement, nous pourrions imaginer que le laissez-passer devienne plus restrictif : sur des critères sociaux ou après versement d’une somme d’argent par exemple.
Ainsi, est-ce peut-être la première étape de l’instauration d’une sorte de crédit éco-social permettant de jouir des sites naturels. La porte est ouverte à ces dérives.
Une solution injuste
En instaurant un permis numérique, le PNC se veut parfaitement équitable. Mais est-ce vraiment le cas ? En France, il y a environ treize millions d’individus qui n’ont pas d’ordinateur ou sont mal à l’aise avec ces systèmes. Que le Parc ne propose pas d’autres solutions est un motif de refus catégorique de cette mesure. Seules les personnes munies d’un smartphone ou parfaitement à l’aise avec les systèmes de réservation en ligne pourront jouir de l’accès à cette Calanque. La mesure est donc injuste. De plus, la gratuité est évoquée comme un point positif de ce dispositif. Doit-on se féliciter de la gratuité de cette mesure quand elle se révèle aussi inéquitable ?
L’aspect inéquitable d’un permis numérique ne doit pas non plus servir de justification à l’instauration d’un laissez-passer sans moyen technologique. Tous les permis d’accès à la Nature sont à prohiber.
L’instauration d’un permis cumule donc les inconvénients : c’est globalement inefficace pour le massif, injuste pour les laissés-pour-compte ou réfractaires du progrès numérique et laisse entrevoir en Europe des dérives que le peuple chinois subit depuis 2018.
A cela s’ajoute de très surprenantes collaborations qui expliquent la volonté du PNC à mettre en place, sans justifications solides et argumentées, des outils de gestion numérique.
Le Parc, ses mécènes et le numérique
Avec ces mesures de gestion, le Parc prétend donc régler le fléau de la fréquentation massive de Sugiton. C’est aussi l’occasion de proposer des nouveaux marchés à ses partenaires et mécènes, notamment ceux du monde de la logistique et du numérique. La CMA-CGM (transport maritime et logistique), Schneider Electric (Électricité, digital), Interxion (Numérique), Ecoact (du groupe Atos donc du numérique et de la vidéo-surveillance) sont les mécènes affichés du Parc. Cette association entre des entreprises qu’il serait malhonnête de présenter comme écologiques et un Parc National nous laisse incrédules. Ça ne fonctionne pas !
Pourtant, il n’y a rien d’étonnant à ce que les gestionnaires du PNC s’associent à des entreprises qui font de la gestion leurs spécialités. Le PNC apprend à « gérer » avec les meilleurs du marché.
Il semblerait également que ces entreprises soient désireuses de s’acheter une image positive grâce à cette collaboration. Ce procédé du partenariat intéressé est d’ailleurs bien connu. Les entreprises les plus polluantes du monde osent toutes prétendre qu’elles se soucient de l’environnement en l’utilisant. L’indécence frise l’humour noir.
A cela s’ajoute la volonté des pollueurs de gagner des points sur le marché de la « neutralité carbone » en versant des sommes d’argent qui iront dans des projets dits de « compensation carbone ». C’est une nouvelle illusion que toutes associations ou individus soucieux du vivant devraient s’attacher à critiquer.
Enfin, il ne serait pas étonnant que les entreprises du numérique soient intéressées par la recherche effrénée d’innovation. La Nature présente, à ce titre, un terrain de jeu sans borne.
Les récentes innovations numériques du PNC tels que le permis de visite sur une application mobile et l’installation de caméras de surveillance répondent à cette logique.
Détaillons ceci, entreprise par entreprise.
La CMA-CGM
La CMA-CGM s’est engagée aux côtés du PNC pour mieux « valoriser son patrimoine ». En effet, on peut lire sur le site du transporteur que la valorisation permettra la « production de supports d’interprétation pédagogiques et l’aménagement d’espaces emblématiques des Calanques, etc. ». Des panneaux d’explications pour les visiteurs que l’on continue d’infantiliser et des barrières pour contraindre les visiteurs à rester sur les grands axes de circulation prévus et autorisés par le Parc. Bref, une gestion douce des touristes-pions.
Lorsqu’on appauvrit le sens d’une balade, le randonneur devient un container, sans émotion, sans sentiment… Scanner les boîtes vides que l’on cherche à nous faire devenir devient une normalité.
Interxion
La société Interxion, A Digital Realty Company (c’est le nom complet) est un fournisseur européen de services de centres de données. Leur raison d’être est de quadriller le monde de data centers car, dans le monde-machine de demain, il faudra des infrastructures pour stocker toutes les données recueillies par les capteurs qui pullulent partout. L’entreprise a déjà créé plusieurs « Hub » à Marseille et est sur le point d’en inaugurer un quatrième : MRS4.
Marseille a effectivement une place de choix dans le monde de la donnée. Place qui justifie l’installation de l’entreprise dans la cité phocéenne. Pour redorer le blason des data centers,
l’entreprise s’associe donc avec le Parc emblématique de la ville. Interxion voit, peut-être, dans l’accès à la Nature conditionné un potentiel générateur de nombreuses données qu’il faudra stocker sur un cloud, analyser et… gérer. Ça pourrait être le cas si, par exemple, le Parc mettait en place un permis d’accès avec géolocalisation. Il faut suivre ce partenariat de très près car il n’augure rien de bon.
Osons une digression pour critiquer l’image « écolo » d’Interxion. Sous prétexte que le refroidissement d’un de leurs data centers se fait par la méthode du Rivercooling, les politiques et les médias habillent ces infrastructures en vert. Cédric O, le secrétaire d’état chargé du numérique, frôle l’indécence en prétendant que les serveurs fonctionnent grâce à une énergie 100 % renouvelable. En réalité le système de refroidissement ne peut pas être considéré comme écologique. En effet, la pompe alimentant le système en eau froide nécessite l’électricité du réseau Enedis. A cela s’ajoute le fait que le Rivercooling n’est pas installé sur MRS1.
De plus, le fonctionnement des serveurs nécessite beaucoup électricité. Les 4 data centers marseillais pèsent lourd en puissance de raccordement. Au total, la capacité d’alimentation utile est de 72,6 MW33 pour 29100 m2. L’énergie venant du réseau HTA (Enedis), il est impossible de dire quel électron (vert ou pas vert) alimente ces data centers pour leur fonctionnement. La seule chose que l’on puisse dire, c’est que globalement en France environ 70 % de l’énergie consommée est produite par… des centrales nucléaires. Donc, Interxion est alimentée à environ 70 % par ces centrales.
De plus, n’oublions pas le paradoxe de Jevons qui s’applique dans cet exemple à l’efficacité énergétique. Chaque « gain » se traduisant par la volonté de faire toujours plus. Il est donc particulièrement urgent que les journalistes rétablissent cette vérité : les data centers n’ont jamais été, ne sont pas et ne seront jamais écologiques.
Ecoact
Ecoact est une filiale d’Atos, spécialiste, entre autres, de la vidéo-surveillance. Cette société oeuvre pour les concepts aussi flous que mensongers de « développement durable », de « stratégie bas-carbone ». Elle met en avant toute son expertise pour promouvoir auprès des entreprises des actions climatiques considérées comme ambitieuses. C’est le rôle des « objectifs fondés sur la science (SBT)». Une nouvelle invention pour montrer que les entreprises polluantes prennent en compte les enjeux climatiques sans rien changer. Vous serez donc heureux d’apprendre, sur leur site internet, que STMicroelectronics définit un SBT aligné sur une trajectoire 1,5°C. C’est merveilleux, merci la technoscience qui nous sauve du pétrin dans lequel nous nous trouvons à cause d’elle !
Ecoact lance donc avec les autres partenaires un « projet de méthodologie pour la préservation des herbiers marins : Prométhée – Med36 ». C’est dire si le problème de la disparition des herbiers marins de posidonie dans la Calanque de Sugiton est pris très au sérieux. Cette méthodologie doit permettre la « certification de projets bas-carbone en France ». Comment appeler ça autrement que du greenwashing ? Le directeur du PNC, François Bland précise la chose suivante : « Parce qu’il vise à évaluer le prix du carbone bleu au regard des actions permettant d’éviter la destruction d’un habitat naturel clé de voûte en Méditerranée, ce projet rentre pleinement dans les objectifs du Parc national et de ses missions de protection du milieu marin. Si le projet aboutit, le Parc national pourra intégrer le marché carbone en tant que bénéficiaire et ainsi financer les aménagements prévus dans le cadre de son schéma global de mouillage, ainsi que les actions de surveillance et de gestion permettant une protection effective de l’herbier ». L’objectif annoncé du Parc est donc le suivant : intégrer le marché carbone. Avec de pareils objectifs, nous pouvons être sûrs que rien ne changera jamais.
Dans le même temps, Atos a trouvé, elle aussi, un nouveau marché : les caméras de surveillance dans les milieux naturels. Actuellement, nous savons qu’il en existe une installée à En-Vau pour, a priori, surveiller les bateaux y entrant. Ceci sans la moindre information aux usagers de la Calanque en question. Et demain ? Il y en aura à coup sûr d’autres dirigées, cette fois, vers les plages de toutes les Calanques ouvrant la voie à ce type de pratiques dans tous les espaces.
Les Calanques deviennent un laboratoire de la smart-nature. Une Nature gérée.
Avant la finalisation de l’écriture de ce texte, nous avons appris la disparition d’une de ces caméras selon l’association Des Calanques et des Hommes. Nous ne pleurerons pas sur le sort qui lui a été réservé. Que le site soit nettoyé de toute artificialisation devrait tous nous réjouir.
A ce propos, plutôt que de s’indigner d’une « défiance organisée », il est urgent que le milieu montagnard monte au créneau contre ces pratiques qui vont s’étendre à tous les espaces qu’ils fréquentent avec tant de passion.
Une simple projection dans le monde affreux que ces outils permettent devrait suffire à la critique de ces systèmes. En effet, imaginons une société où pour pratiquer l’escalade il serait indispensable d’avoir un « passe-grimpe » ou une cotisation à jour dans un club. Imaginons une société où la reconnaissance faciale repérerait aisément les réfractaires, mais aussi ceux qui ne seraient pas à jour de leurs cotisations. Tout ceci, bien sûr, sous couvert de protection du milieu ou encore de préservation de la biodiversité. Accepteriez-vous docilement les règles qui régiraient ce monde-là ?
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