A propos de la sortie du livre de notre ancien sinistre de la santé
Si depuis la semaine dernière vous avez vous aussi appris qu’Olivier Véran publiait un livre intitulé Par-delà les vagues racontant « de l’intérieur » sa crise du Covid alors qu’il était ministre de la santé, qu’avez-vous ressenti ?
De la stupéfaction ? De l’incrédulité ?
Peut-être de la curiosité ?
Pour ma part, cet exercice de promotion égocentrée de la part d’un ministre en exercice (M. Véran n’est plus ministre de la santé, mais porte-parole du gouvernement et « ministre délégué chargé du renouveau démocratique » – je n’ai toujours pas compris ce que cela impliquait concrètement, il s’occupe peut-être du réassort mobilier de l’Assemblée nationale ?) m’a paru pour le moins déplacé.
Mais vous allez voir que cet « évènement » nous permet de mieux comprendre le profil psychologique de l’ex-ministre de la santé.
Ministre, il se voit héros et écrivain
Nous sommes habitués à ce que les ministres en exercice publient des livres alors qu’ils ont un mandat public – les champions du genre dans le gouvernement actuel étant Marlène Schiappa (10 livres depuis qu’elle est au gouvernement[1]!) et Bruno Le Maire (5 livres depuis 2017).
Je me demande toujours où ces ministres trouvent le temps d’écrire autant alors qu’ils sont censés être pleinement au service de leurs concitoyens.
Mais le livre de M. Véran n’a rien d’un roman, d’une profession de foi politique ou d’une analyse de la situation de la France : c’est un « récit de l’intérieur ».
Voici comment ce surplus de ministre-écrivain, en pleine tournée promotionnelle pour son livre, présente sa démarche :
Je passe sur la faute de français (« vous partager » ne se dit pas : on partage avec vous ; « vous partager » consiste à se munir d’un couteau et à découper son interlocuteur – ça fait mal), qui fait toujours un peu tache quand on se pique de littérature.
Son livre apparaît en réalité comme un exercice d’équilibriste entre énième régurgitation de la propagande officielle (entre autres : les vaccins ont sauvé des milliers de vie ; le Pr Raoult est un charlatan, comparé dans ses pages au Dr Doxey de Lucky Luke) et journal intime.
L’héroïque Olivier Véran se met à nu, déclarant s’être trompé sur les masques (rappelez-vous, il avait déclaré sur tous les plateaux télé qu’ils étaient inutiles, avant de les rendre obligatoires une semaine plus tard) et avoir « touché du doigt le burn-out ».
Et c’est ce versant du livre que je juge obscène (voilà le mot que je cherchais !…) : durant le Covid, Olivier Véran a tout simplement :
- aggravé un peu plus chaque jour la crise de notre système de santé– personnels soignants dépassés et en dépression, réduction des lits alors que le contraire avait été promis, exclusion des soignants non-vaccinés ;
- contribué à la séquestration des Français au moyen des confinements, des volte-face permanents sur telle ou telle mesure, des mesures absurdes (attestations de sortie, interdiction de prendre son café debout, etc., etc.) ;
- dilapidé des dizaines de millions d’euros d’argent public en achetant à des géants de l’industrie pharmaceutique des millions de doses de vaccins expérimentaux, et à MacKinsey des « conseils » ;
- posé les bases d’un système d’obligation vaccinale et de surveillance médico-sociale avec les instaurations du pass sanitaire puis vaccinal.
En fait, c’est très simple : la santé des Français, sous le mandat d’Olivier Véran, s’est dégradée comme jamais.
Regarde le système de santé brûler
Nous faisons aujourd’hui face à une mortalité record toutes causes confondues, les plus jeunes souffrent de séquelles psycho-sociales suite aux mesures que le gouvernement leur a imposé, et notre système de santé vit la plus grave crise de son histoire.
Pendant qu’il contribuait à l’enracinement de cette catastrophe, Monsieur Véran, écrit-il, souffrait de nausées, de stress permanent, et s’est mis à la méditation (grand bien lui fasse !).
A ce niveau de responsabilité, s’épancher dans un livre pour raconter ses états d’âme au plus fort de la catastrophe aggravée par son action, est, je répète ce mot et le souligne deux fois, obscène.
Je n’ai aucun doute sur le fait que M. Véran a, durant ces mois de crise, vécu et travaillé sous pression.
Mais sa responsabilité était d’aider ses concitoyens et soutenir le système de santé ; à mon sens non seulement il a échoué, mais son « action » laissera des traces funestes et concrètes dans l’hôpital public et la santé des Français durant des décennies.
Monsieur Véran, face au chaos que vous n’avez pas su gérer, et que vous avez même contribué à rendre pire, vous auriez pu, vous auriez dû, c’est la moindre des choses, garder votre devoir de réserve.
Votre exercice de pseudo-mea culpa (sur les masques) et de mise en scène de vos atermoiements est insultant envers les personnels soignants que vous n’avez pas su protéger, et envers les Français dont vous avez gâché l’existence.
Vous me faites l’effet d’un homme ayant mis le feu à notre système de santé, se retournant vers nous et nous disant « regardez comme j’ai été courageux, et regardez comme je souffre ! »
Et le pire, c’est que vous écrivez, noir sur blanc dans votre livre : « Ça rend modeste, une gestion de crise… »
Mais au fond, cela ne m’étonne pas.
Vous avez un prédécesseur, qui a sévi il y a 2400 ans.
Il met le feu à une merveille du monde pour… devenir célèbre
En 356 avant Jésus-Christ, on compte parmi les sept merveilles du monde le temple d’Artémis, à Ephese.
Ce sanctuaire, vieux de deux siècles, est dévolu à la déesse grecque de la nature et de la chasse. On vient de tout le monde antique pour le visiter.
Mais, le 21 juillet, un berger du nom d’Érostrate met le feu au temple, qui disparaît totalement dans un chaos de flammes et de fumée.
Le berger est arrêté. Il ne se débat pas. Puis il est interrogé.
Quand on lui demande pourquoi il a commis ce crime sacrilège et pyromane, Érostrate a cette réponse inattendue : « je voulais devenir célèbre, je voulais rentrer dans l’histoire ».
Incapable de construire ni d’inventer quoi que ce soit de grand ni de mémorable, Érostrate a trouvé dans l’anéantissement de ce que d’autres avaient mis plusieurs années à construire et rendre beau, la « porte d’entrée » vers la postérité.
Et d’une certaine façon… il a réussi.
Après la confession de ce « mobile » ahurissant, les sages d’Éphèse décrétèrent que le nom d’Érostrate serait interdit : proscrit dans les conversations, effacé de toute écriture.
Lui, qui pour passer à la postérité détruisit volontairement l’une des sept merveilles du monde, fut condamné à l’oubli et à l’anonymat.
Et pourtant, son nom nous est parvenu par la plume de quelques historiens antiques.
Et surtout, ce nom, loin de sombrer dans l’oubli, est devenu celui d’un trouble psychologique : le complexe d’Érostrate.
Le complexe d’Érostrate identifie celle ou celui qui est « prêt à tout » pour se mettre en avant, pour devenir célèbre, pour que l’on parle de lui – y compris à tuer, à détruire ou à « surfer » sur un malheur ou une catastrophe.
Notre époque est pleine d’Érostrate
Cela va de l’existence, égocentrique mais anodine, d’un nombre croissant d’êtres humains tournant uniquement autour de leur mise en avant sur les réseaux sociaux, à des actes tragiques comme les tueries dont les Etats-Unis sont malheureusement coutumiers depuis deux décennies.
Ce n’est pas, ou pas que, du narcissisme : il s’agit d’exister, aux yeux des autres, par les dégâts que l’on fait, ou dont l’on profite.
Olivier Véran est un produit de notre temps.
Il n’est pas seulement un homme qui n’a pas été à la hauteur de la situation, ni un ministre fossoyeur de notre système de santé : il n’existe aujourd’hui publiquement que par ce chaos.
Ce chaos, qui a pris des proportions ahurissantes, durant deux ans et demi, est aujourd’hui le terreau sur lequel il cultive sa posture, l’autocélébration prétentieuse de son rôle fantasmé de ministre héroïque.
D’ailleurs, le fait qu’il profite actuellement de son poste au gouvernement pour faire la promotion de son livre ne semble choquer personne ; on appelle pourtant ça, en principe, un conflit d’intérêt.
Mais surtout, Olivier Véran est un produit de notre temps dans le sens où il n’est pas le seul.
Beaucoup de médecins, de politiques, n’existent que sur les cendres des incendies qu’ils ont eux-mêmes allumé.
Olivier Véran est un Érostrate, certes, mais ils sont désormais légion… et cela paraît parfaitement normal !
Car c’est bien cela le pire : les habitants d’Éphèse ont voulu bannir le nom d’Érostrate, condamner à l’oubli celui qui avait voulu devenir célèbre en provoquant le chaos.
Aujourd’hui, Érostrate ne serait ni ostracisé, ni condamné à l’oubli : il publierait un livre, serait invité sur les plateaux de télévision, questionné par des journalistes avides de connaître ses impressions.
« Alors, Érostrate, qu’avez-vous ressenti au moment précis où votre torche a touché le temple d’Artémis ? Racontez-vous, c’est passionnant ! »
Cela ne peut se faire, hélas, qu’avec la complicité de l’ordre en place. Le Parisien révélait il y a quelques jours que, sur 19 avis postés sur le site de vente en ligne Amazon, le livre d’Olivier Véran en récoltait 17 médiocres (1 ⭐ sur 5).
Deux jours plus tard, il ne restait « plus » que deux avis à 5 ⭐[2]. Les autres avaient disparu.
Cette stratégie éhontée du contrôle de l’opinion porte ses fruits : le livre de M. Véran est n°1 des ventes sur Amazon.
Érostrate est désormais un auteur à succès. Félicitations à lui, malheur à nous.
R. Bacquet ; alternatif bien-être