La prolongation des centrales nucléaires

Que se passe-t-il avec le risque climatique ?

Un article de Novethic

La prolongation des centrales nucléaires au-delà de 60 ans, espérée par EDF et par le gouvernement, passera-t-elle le test climatique ? L’Autorité de sûreté nucléaire exige que les impacts à long terme du changement climatique soient désormais inclus dans les documents que doit lui fournir l’énergéticien en vue de prolonger ses réacteurs. Partage de la ressource en eau, prévisions à la baisse de la production d’électricité, impacts sur les milieux naturels, tout autant d’enjeux qui devront être intégrés.

En plein débat sur notre avenir énergétique, qui devrait reposer sur la relance du nucléaire et l’accélération des énergies renouvelables, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) vient jouer les trouble-fêtes. Dans ses vœux à la presse, lundi 23 janvier, son président Bernard Doroszczuk a appelé à revoir de façon systémique la question de la sûreté, et a fixé des échéances précises à EDF, propriétaire du parc nucléaire français. Il a notamment insisté, de façon inédite, sur une meilleure prise en compte des impacts du changement climatique à long terme sur les centrales. Contacté par Novethic, EDF n’a pour l’instant pas répondu à nos questions.

Au cœur du débat, la prolongation des installations au-delà de 60 ans, voire même 80 ans, alors qu’elles sont aujourd’hui autorisées à fonctionner jusqu’à 50 ans. L’ASN demande à l’électricien de prendre en compte ces impacts dans ces démarches, les conséquences du changement climatique n’étant jusqu’ici intégrées que dans le cadre des visites décennales. « Ce périmètre est trop réduit pour apprécier les enjeux de long terme du changement climatique », a souligné Bernard Doroszczuk.

Partage de la ressource, production électrique, impacts sur la faune et la flore

« C’est un sujet sensible car il explore de nombreuses problématiques tels que le partage de la ressource en eau, les impacts sur les milieux naturels, ou encore la production d’électricité, a-t-il souligné. EDF devra donc mener les deux exercices en parallèle et le faire pour le parc en service mais aussi pour les installations neuves, en prenant en compte les effets cumulatifs potentiels à l’échelle globale des territoires ». Par exemple, la construction d’une nouvelle paire de réacteurs sur les bords du Rhône, au côté d’installations existantes, va accentuer la pression sur la ressource en eau et les impacts sur la faune et la flore, ce qu’EDF devra anticiper.

À l’été 2022, les épisodes de canicules et de sécheresses intenses avaient conduit l’ASN à accorder des dérogations à cinq centrales, en relevant les seuils de température de l’eau rejetée dans les rivières. Une première depuis 2003. La production électrique avait également été ralentie de façon temporaire. « Ces épisodes extrêmes sont encore perçus comme étant exceptionnels. Pourtant, le Giec nous dit qu’ils peuvent être deux à trois fois plus fréquents », alerte le patron de l’ASN. EDF a jusqu’à fin 2024 pour élaborer un dossier solide sur la prolongation des centrales, en y intégrant donc le risque climatique, pour une prise de position de l’ASN fin 2026.

Suppression du plafond de 50% de nucléaire dans le mix électrique

Le sujet est au cœur de l’actualité alors que les sénateurs viennent d’adopter en première lecture la loi favorisant la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. L’ambition du gouvernement est de déployer au moins six nouveaux réacteurs d’ici 2035, sur des sites existants, et en attendant, de prolonger au maximum la durée de vie des réacteurs actuels. Cette relance du nucléaire fait l’objet d’un débat public et devra être discutée dans la loi de programmation énergie et climat, prévue pour le second semestre 2023 et plutôt à l’automne, vu le retard pris.

Mais sans attendre, les sénateurs ont décidé de supprimer le plafond de 50% de nucléaire dans le mix électrique à l’horizon 2035, issu de la loi de transition énergétique de 2015 et déjà repoussé de dix ans. Un totem auquel tenaient en particulier la gauche et les écolos. La Commission nationale du débat public (CNDP) ne mâche pas ses mots, estimant qu’une telle mesure revient « à considérer comme sans intérêt les interrogations, les remarques et les propositions faites lors du débat public en cours ». Greenpeace France et le Réseau « Sortir du nucléaire » ont quant à eux décidé de claquer la porte, dénonçant « une mascarade démocratique et un sabotage en règle du débat public par le gouvernement ».

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