Nous, policiers et gendarmes, participons à la criminalisation des classes populaires.
Les collègues ne cachent pas leur xénophobie. Je pense toujours qu’il ne faut pas laisser ces métiers à des gens de droite. Mais j’ai envie de rejoindre la lutte face à ce système profondément injuste. Passer de l’autre côté de la barricade, comme diraient certains.
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Aujourd’hui, j’ai décidé de démissionner.
Je ne le fais pas parce que je n’aime plus mon métier, pas parce que je trouve qu’il est difficile, que selon certains on ne se fait plus respecter, qu’il n’y a pas de justice et autres inepties. Non, j’ai décidé d’arrêter car ce métier n’est pas aligné avec mes valeurs. Des valeurs d’entraide, de solidarité, de justice, d’écologie, d’égalité, toute simplement des valeurs Humaines ; Des valeurs profondément ancrées à Gauche.
Je me suis engagé avec l’idée de pouvoir améliorer un peu le monde à mon échelle : aider les victimes notamment de violences sexuelles et sexistes, aider la population en général, insuffler des idées humanistes d’entraide et de partage au sein de la Gendarmerie. La Gendarmerie est un corps militaire où la tradition veut que le collectif dépasse l’individu, on s’engage pour une cause, pour les autres. Et pourtant même ici l’individualisme est triomphant, l’esprit de corps n’existe plus. C’est chacun ses petites guéguerres, les égos qui se brisent entre eux mélangé à un racisme latent. Les collègues qui ne cachent pas leur xénophobie face à ceux qu’ils appellent avec ironie « les suédois », bel euphémisme pour parler de ceux qui n’auraient pas la bonne couleur de peau ; qui ne cachent pas non plus leur vote pour Marine Le Pen. Par contre, osez dire, même d’une petite voix, enfoui dans un coin de votre bureau, que vous ne pensez pas comme eux et vous serez mis au ban. On vous expliquera que vous n’êtes pas comme les autres et on hésitera pas à vous rappeler chaque jour que vous êtes différents. Pour eux, vous êtes l’utopiste ou pire, un clown. Il ne leur apparaît même pas vraisemblable que quelqu’un avec une opinion différente puisse s’être engager dans la tanière du loup.
Je pense toujours qu’il ne faut pas laisser ces métiers à des gens de droite ; mais la question me taraude de plus en plus de savoir si la Police, sous sa forme actuelle, est réellement utile et devrait exister.
Je ne me vois pas continuer dans ce métier qui défend un système profondément injuste où les inégalités battent leur plein. Les travailleurs galèrent à acheter de quoi manger et à payer leur facture chaque mois tandis que certains organisent des dîners à presque un SMIC par personne.
Tandis que certains sont obligés d’utiliser leur voiture thermique chaque jour afin d’aller bosser, faute d’avoir d’autres moyens de locomotion, d’autres utilisent des jets privés afin de faire un Paris-Milan aller/retour pour le simple plaisir de dormir chez soi.
Tandis que nous, policiers et gendarmes, participons à la criminalisation des classes populaires. Nous sommes le fameux « bras de la justice » face au vol à l’étalage pour se nourrir. Nous sommes aussi les gardiens de l’ordre « Républicain », sensés répondre face aux mouvements sociaux qui troubleraient la République par ces velléités démocratiques.
Face à l’urgence climatique et sociale, on ne peut pas rester de marbre face à nos concitoyens qui réclament un peu plus de justice, un peu plus de solidarité et d’Humanité.
Et d’autant plus à l’aune de la réforme des retraites, en plein bafouillement de la démocratie par un énième 49-3 et par un gouvernement à peine légitime, élu encore une fois à défaut d’autre choix démocratique, je ne me vois pas d’autres choix que de partir.
Quand je vois sur internet diffuser les vidéos de mes collègues, leurs agissements, leur violence non-nécessaire et non-proportionné, bien loin de ce qu’on nous avait pris en école, je me demande ce qu’il reste de nos forces de l’ordre. Où sont les fameux Gardien de la paix, les Gendarmes calmes et bienveillants venus assurer la sécurité de leur concitoyen ? Je n’en vois aucun sur ces vidéos. Où sont tous ces gendarmes et policiers qui s’engagent, non pour protéger l’État et un pouvoir « démocratique », mais pour protéger le peuple ? On s’engage dans ce genre de métier avant tout pour les autres, alors où sont passés ces convictions quand ils frappent sur leurs frères et sœurs ?
Je suis en colère et profondément déçu de ce système, de ces injustices qui triomphent encore une fois de plus. Je ne veux plus être derrière lui, je veux être devant. J’ai envie de manifester cette colère, mon mécontentement. J’ai envie de rejoindre la lutte face à ce système profondément injuste. Passer de l’autre côté de la barricade, comme diraient certains.
Aujourd’hui, je démissionne.
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