Les dessous du système agro-industriel : face à l’hécatombe, l’urgence d’informer
Pourquoi est-il urgent d’enquêter sur l’agro-industrie ? Après dix ans passés à scruter le monde agricole, une certitude : ce système provoque une hécatombe. Notre nouvelle newsletter, On en Agro !, se veut une graine de résistance.
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Hécatombe. C’est le premier mot qui me vient en tête quand je pense au système agro-industriel après des années à enquêter sur le sujet pour basta!.
Hécatombe du monde paysan d’abord. Ils sont moins de 450 000 aujourd’hui contre plus d’un million et demi il y a 40 ans. Une bonne partie d’entre eux a succombé au mirage agro-industriel. Combien de témoignages recueillis sur la spirale de l’endettement, le désarroi, un modèle économique à bout de souffle.
L’envers de l’alimentation, ce sont aussi les cadences infernales corrélées à la maltraitance animale, et les accidents du travail à répétition subis par les salarié·es de l’agro-industrie. Ou encore le calvaire de saisonnier·ères agricoles qui décident de briser le silence.
Ceux et celles qui travaillent dans les champs sont aussi confrontés à de graves problèmes de santé à cause des pesticides. Après des années de silence, ils osent parler de leurs cancers et maladies de parkinson, et sortent parfois victorieux de leurs luttes pour obtenir la reconnaissance du caractère professionnel de leurs pathologies.
Côté consommateurs, le prix à payer est également élevé, en terme de santé. En France, plus de 40 000 nouveaux cas de cancers colorectaux sont diagnostiqués chaque année. Parmi les causes : la consommation de charcuteries enrichies en nitrites, additifs alimentaires utilisés massivement par les industriels. En coulisse, le lobbying industriel a réussi à entraver durant des années toute interdiction.
Hécatombe de la biodiversité ensuite. Les sols s’épuisent en raison de pratiques agricoles dépendantes de béquilles chimiques. 70 % des haies ont été détruites en France depuis 1950 pour agrandir les champs, et la tendance est à l’accélération. Les populations d’oiseaux s’effondrent : 800 millions d’oiseaux en moins depuis 1980 sur le continent européen. « Les recherches montrent que l’effet néfaste dominant est celui de l’intensification de l’agriculture, c’est-à-dire de l’augmentation de la quantité d’engrais et de pesticides utilisée par hectares » résume le CNRS. Peut-on être plus clair ? On sait aussi que la qualité de l’eau s’est gravement dégradée. Entre 1980 et 2021, 12 600 captages d’eau potable ont été fermés en France, dont près de la moitié du fait de teneurs excessives en nitrates et/ou pesticides.
Se replonger dans nos enquêtes c’est réentendre les voix des ouvriers et ouvrières de la banane en Guadeloupe malades du chlordécone et oublié·es de l’État français. C’est aussi faire entendre le combat d’ex-salarié·es de géants de l’agroalimentaire pour faire reconnaître l’intoxication aux pesticides.
Face à ces géants de l’agroalimentaire et plus largement au système agro-industriel, nous avons un devoir d’informer.
Informer sur les collusions à l’œuvre, depuis les coopératives agricoles à la dérive jusqu’au plus haut sommet de l’État, en passant par l’influence de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire.
Informer sur les luttes, en France à l’instar du combat mené contre les fermes-usines ou les accaparements fonciers, ainsi qu’à l’international, qui échappe trop souvent aux radars médiatiques.
Informer sur les victoires et les alternatives, depuis les semences paysannes jusqu’à la Sécurité sociale de l’alimentation.
« Qui sème le béton aura bientôt la dalle » peut-on lire sur des banderoles. Avec la newsletter On en Agro !, on vous invite à semer des graines de résistance.
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