Cela se produit à propos de l’installation d’un nouveau terminal méthanier
Méthanier du Havre : symbole d’une politique absurde et mensongère
Malgré ses engagements sur la sortie des énergies fossiles, Emmanuel Macron alimente la dépendance de la France au gaz et au pétrole, en approuvant de nouveaux projets comme le terminal méthanier du Havre. Dans un rapport et deux articles publiés mercredi 28 juin, Greenpeace France et Disclose remettent en question l’utilité réelle de ce projet et montrent comment TotalEnergies en profite.
En 2022, Emmanuel Macron s’était engagé à faire de la France « le premier grand pays du monde à sortir de la dépendance aux énergies fossiles » d’ici 30 ans. Pourtant cette même année, la France est devenue le premier importateur mondial de gaz “naturel” liquéfié (GNL) américain. Malgré les promesses du président, la politique énergétique de notre gouvernement encourage en réalité le développement de nouveaux projets gaziers, renforçant notre dépendance à ce système énergétique climaticide.
Le terminal méthanier flottant du Havre est le parfait exemple de cette politique absurde. Décidé en toute hâte en août 2022 et bénéficiant de larges facilités réglementaires, ce bateau-usine devrait entrer en service en septembre 2023, pour une durée de cinq ans, pour accueillir d’autres bateaux chargés de GNL, principalement en provenance des USA.
Avec le média Disclose, nous avons enquêté sur l’utilité de cette nouvelle infrastructure affrétée par TotalEnergies, pour déterminer si elle est véritablement essentielle à la sécurité énergétique du pays et à celle de nos voisins européens, comme le prétend le gouvernement.
Le méthanier du Havre, symbole d’une politique absurde. À quoi va servir ce terminal méthanier ? On cherche encore
L’installation de nouveaux terminaux de GNL en Europe était présentée par les gouvernements comme une solution pour réduire notre dépendance envers la Russie, qui était, avant la guerre en Ukraine, l’une de nos principales sources d’approvisionnement de gaz.
Pour autant, la France continue d’importer du GNL russe et ses importations ont même augmenté en 2022. Aujourd’hui, rien ne nous garantit que le nouveau terminal du Havre ne sera pas également utilisé pour recevoir ce GNL en provenance de Russie.
Ce n’est pas tout : en réalité, la France a déjà les capacités de recevoir les quantités de gaz nécessaires, surtout que les prévisions se basent sur une nécessaire baisse de la consommation de gaz si on veut tenir nos engagements climatiques. Malgré la guerre en Ukraine et sans le méthanier du Havre, le niveau de ses stocks était particulièrement haut à la fin de l’année dernière, si bien qu’elle a pu en exporter une quantité considérable vers ses voisins européens.
Et même si le gouvernement français aimerait nous le faire croire, ces derniers n’auront bientôt plus besoin de nous. Plusieurs pays de l’Union Européenne, comme l’Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas, sont également en train de se doter de nouvelles infrastructures pour importer du GNL.
Le développement de nouveaux projets fossiles va à l’encontre des recommandations des scientifiques. Et aucun argument du gouvernement français ne semble justifier la mise en service de cette nouvelle infrastructure au Havre.
Un projet néfaste pour le climat
Si les gouvernements veulent tenir leurs engagements climatiques, la consommation de gaz fossile doit nécessairement réduire. Le gaz “naturel” liquéfié (GNL) qui est beaucoup plus émetteur de gaz à effet de serre que le gaz transporté par gazoduc, connaît pourtant un boum retentissant depuis plus d’un an.
Le terminal méthanier du Havre va entraîner une augmentation de nos importations de GNL, ce qui va notamment encourager la production de gaz de schiste provenant des États-Unis. En France, l’extraction de gaz de schiste a été interdite car elle est particulièrement nocive pour l’environnement et la santé humaine.
Cette nouvelle infrastructure, qui au passage a été dispensée d’une véritable étude environnementale, va ainsi renforcer notre dépendance au gaz fossile pour plusieurs années.
Un projet poussé par les lobbies du gaz : les profits de TotalEnergies avant tout
Le terminal méthanier du Havre, dont 50% de la capacité est réservée pour le gaz de TotalEnergies, va en réalité principalement servir les intérêts financiers de la multinationale française. Sa stratégie de croissance repose en grande partie sur le GNL, ce qui lui a permis d’engranger des profits records de 19 milliards d’euros en 2022. Tout ça, sur fond de guerre en Ukraine et d’augmentation des prix du gaz pour les consommateurs et consommatrices européen·nes.
Selon ses propres dires, TotalEnergies serait le deuxième acteur du GNL dans le monde. Elle a donc tout intérêt à pousser les gouvernements à poursuivre une politique tournée vers son importation. Ce qu’elle n’a pas hésité à faire puisqu’elle a rapidement cherché à profiter des conséquences de la guerre en Ukraine pour vendre le GNL comme une solution à la crise énergétique.
Si elle a été la seule multinationale occidentale à ne pas déclarer vouloir se retirer de la Russie après le début de la guerre, il paraît évident que TotalEnergies est prête à tout pour faire toujours plus de profits, quels que soient les coûts humains et environnementaux. Elle n’a aucune intention de renoncer à l’expansion des énergies fossiles, qui représentent encore plus de 90% de ses activités.
La France, complice de cette stratégie climaticide
Les lobbies du gaz sont puissants et murmurent à l’oreille de l’Etat pour protéger leurs intérêts et garantir leurs superprofits. La prise de parole d’Emmanuel Macron du 23 juin sur le plateau de Franceinfo est un parfait exemple de cette influence toxique.
Plutôt que d’affronter la crise énergétique en mettant en place une vraie trajectoire de sortie des énergies fossiles, notre président a plongé la tête la première dans les discours mensongers de TotalEnergies. Cette politique absurde encourage l’augmentation de la production d’énergies fossiles partout dans le monde, comme le gaz de schiste aux Etats-Unis, et ouvre potentiellement la porte au développement d’autres infrastructures gazières.
Malgré ses promesses de transition énergétique, Emmanuel Macron fait une nouvelle fois passer les intérêts privés de TotalEnergies avant la protection de l’environnement et la sécurité de la population. L’installation du terminal méthanier du Havre s’est faite sans que les habitant·es ne soient informé·es des dangers posés par sa configuration unique au monde : ce bateau-usine amarré au fond d’un port, derrière une écluse, sera entouré de sites industriels présentant des risques d’incidents majeurs.
L’association France Nature Environnement Normandie a déposé un recours juridique pour demander l’annulation de l’autorisation d’exploitation de ce terminal méthanier dont l’audience doit avoir lieu le 6 juillet au tribunal administratif de Rouen.
Mettons un terme à l’ère du gaz
Pour nous assurer un monde plus vivable et plus juste, les activités des entreprises pétro-gazières comme TotalEnergies doivent prendre fin. La France doit progressivement sortir de cette dépendance au gaz, et aux autres énergies fossiles comme le pétrole, en se tournant vers les énergies renouvelables et plus de sobriété.
Pour en savoir plus :
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Le Conseil d’État estime que l’association Écologie pour Le Havre et Europe Écologie les Verts « ne sont pas fondés à demander l’annulation du décret qu’ils attaquent ».
Deux nouvelles décisions prévues en juillet et septembre
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Un autre article : https://disclose.ngo/fr/article/au-havre-le-nouveau-terminal-methanier-repose-sur-un-mensonge-detat
Extraits
Au prétexte d’une menace pour la sécurité énergétique de la France, le gouvernement, main dans la main avec TotalEnergies, va importer massivement du gaz naturel liquéfié via un nouveau terminal, au Havre. Or, l’enquête de Disclose, en partenariat avec Greenpeace, prouve que cette menace est largement fantasmée.
Cela fait quelques heures seulement que les blindés russes ont envahi l’Ukraine et Patrick Pouyanné affiche une mine inquiète. En ce matin du 24 février 2022, le PDG de TotalEnergies a répondu à l’invitation du lobby des travaux publics pour une conférence sur « la fin des énergies fossiles ». Mais c’est plutôt la fin annoncée des livraisons de gaz en provenance de Russie qui le préoccupe. La guerre qui vient de débuter aux portes du continent menacerait, selon lui, la sécurité énergétique de la France. « On n’a pas assez de terminaux de gaz naturel liquéfié en Europe » pour remplacer les hydrocarbures russes, prévient-il. Un cri d’alarme aussitôt répercuté jusqu’au sommet de l’État.
Dès les premiers jours du conflit, TotalEnergies part à l’assaut des cabinets du président de la République, du Premier ministre et du ministère de la transition écologique, avec un objectif : « sensibiliser les autorités françaises sur les enjeux et les solutions d’approvisionnement en GNL [gaz naturel liquéfié] », comme en atteste une déclaration déposée auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). La cause du groupe pétrolier va rapidement être entendue. À partir du printemps 2022, les gouvernements successifs de Jean Castex et d’Élisabeth Borne vont agiter une menace imaginaire de rupture d’approvisionnement en gaz de la France pour imposer un nouveau terminal méthanier flottant au Havre (Seine-Maritime). Ce projet climaticide, qui doit être mis en service à la rentrée, a été approuvé en urgence par l’État, et sous la pression de TotalEnergies, comme le démontre l’enquête de Disclose, en partenariat avec l’ONG Greenpeace France.
Menace fictive pour « les consommateurs français »
Les premiers échos officiels du projet havrais se font entendre dès le 16 mars 2022. Face aux sanctions contre la Russie qui commencent à pleuvoir, le premier ministre de l’époque, Jean Castex, annonce un plan de résilience pour « que les stockages de gaz français soient remplis ». Pour y parvenir, l’ancien chef du gouvernement appelle à « augmenter nos capacités d’importation en gaz naturel liquéfié ». Autrement dit, du gaz naturel refroidi à -160 degrés pour être acheminé par bateaux, notamment depuis les États-Unis, avant d’être réchauffé pour être injecté dans les canalisations françaises. Et peu importe que le GNL arrivant en France soit massivement issu de gaz de schiste, comme l’a montré Disclose dans une enquête publiée en avril dernier.
Très vite, le port industriel du Havre est vu comme la meilleure porte d’entrée pour absorber ces nouveaux flux d’hydrocarbures. Ce choix n’est pas le fruit du hasard. D’après le registre des actions de lobbying de la HATVP, TotalEnergies, GRTgaz, la filiale d’Engie chargée du transport du gaz en France, et Haropa Port, l’établissement public qui administre les ports du Havre, de Rouen et de Paris, se sont coordonnés pour organiser des « réunions », des « discussions informelles » et une « correspondance régulière » avec les cabinets du Premier ministre et du ministère de la transition écologique. À l’ordre du jour de leur mission d’influence : « encourager la simplification des procédures pour accélérer la mise en production d’un terminal méthanier flottant au Havre compte tenu de la gravité de la crise énergétique ».
Pourquoi « flottant » ? Car, à la différence des quatre terminaux méthaniers terrestres déjà en service à Dunkerque (Nord), Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique), ce dispositif est moins coûteux et plus rapide à installer. Surtout, le choix d’un bateau-usine amarré en permanence aux quais permet de contourner la réglementation environnementale liées aux usines dangereuses. Seul hic pour les industriels : le projet requiert de changer la loi pour passer en urgence — l’instruction d’un tel dossier demanderait normalement au minimum 24 mois, selon un récent rapport sénatorial.
Qu’à cela ne tienne. Le gouvernement de la nouvelle première ministre, Élisabeth Borne, qui envisageait d’abord de déposer un projet de loi « permettant des substitutions urgentes aux fournitures d’hydrocarbures russes », choisit une autre option, beaucoup plus cavalière : glisser le terminal méthanier flottant entre deux articles d’un projet de loi sur le pouvoir d’achat, présenté à l’Assemblée nationale quelques jours après les élections législatives. Et le texte d’insister sur la menace grave qui plane au-dessus des ménages qui se chauffent au gaz. Un argument qui reviendra, quelques jours plus tard, dans une note transmise par le parti Renaissance (ex-LREM) à ses député·es fraîchement élu·es et que Disclose s’est procurée : « le raccordement d’un terminal méthanier flottant est une solution pour renforcer rapidement les capacités d’importation de gaz naturel et rétablir un système gazier permettant d’assurer l’approvisionnement des consommateurs français ». La loi est adoptée le 3 août 2022. Et pourtant, jamais l’approvisionnement en gaz des Français·es n’a été menacé.
Du gaz revendu aux voisins
Les données compilées par Greenpeace, puis recoupées par Disclose, montrent en effet que la France a largement de quoi satisfaire ses besoins en gaz sans avoir à installer de nouvelles infrastructures. Pour preuve : sur les 64,8 milliards de mètres cubes (bcm) de gaz importés en 2022, 25 % (16,47 bcm) ont été revendus à ses voisins européens, selon les chiffres du réseau européen des gestionnaires de réseau de transport de gaz (ENTSOG).
Pour adopter une vision complète de la situation du gaz en France, il faut ajouter les réserves constituées ces dernières années. Les chiffres fournis par le lobby européen du secteur, Gas Infrastructure Europe, confirment la situation extrêmement favorable des stocks français, remplis à 52,2 % à la fin mai 2023, un niveau identique à celui observé un an plus tôt (52 %) et bien supérieur à la fin mai 2020 (40 %).
Autrement dit, malgré le déclenchement de la guerre en Ukraine, la souveraineté énergétique de la France n’a jamais été menacée. Aucune urgence, donc, à mettre en service un nouveau terminal méthanier au Havre dès le printemps 2022. Pas plus qu’aujourd’hui : sur les cinq premiers mois de l’année 2023, les quatre terminaux français ont été utilisés à 66,7 % de leurs capacités. Dans le même temps, la consommation française de gaz a baissé de 14 % entre le 1er août 2022 et le 12 juin 2023 (hors variations du climat) par rapport à la même période 2018-2019. Des chiffres à mettre au regard des capacités prévues du bateau-usine du Havre, qui doit apporter l’équivalent de 10 % de la consommation française de gaz. Autant d’éléments qui laissent penser que le projet défendu par TotalEnergies vise d’abord à augmenter les quantités de gaz ré-exportées ailleurs en Europe. Contactée, la multinationale assure que le terminal « contribuera à la sécurisation de l’approvisionnement en gaz » de la France qui, jure-t-elle, « constitue son marché. » Sollicité à de multiples reprises, le ministère de la transition écologique n’a pas donné suite.
De nouveaux terminaux méthaniers en projet au Havre
Aujourd’hui, c’est devant le juge administratif que le ministère de la transition écologique tente de faire valoir l’urgence d’installer le Cape Ann, le nom du terminal affrété par TotalEnergies, sur les docks du Havre. Les arrêtés qu’il a pris font l’objet de trois recours différents, déposés par l’association France Nature Environnement d’une part, et par l’association Écologie pour le Havre, le député (EELV) Julien Bayou et Europe Écologie Les Verts – Normandie d’autre part.