Des forages pétroliers pourraient être autorisés en France
Alors que le réchauffement planétaire s’aggrave, l’industriel canadien Vermilion a demandé à l’État français son aval pour forer huit puits de pétrole au cœur de la forêt de La Teste-de-Buch, en Gironde.
L’an dernier, ce massif forestier avait été ravagé par un mégafeu attisé par le dérèglement climatique.
« Nous serons la première grande nation écologique à sortir des énergies fossiles », a promis en juillet 2022 Élisabeth Borne, première ministre, chargée de la planification écologique. Un an plus tard, l’État français pourrait autoriser le forage de huit puits de pétrole au sein de la forêt de La Teste-de-Buch, en Gironde. Le groupe pétrolier canadien Vermilion est à l’origine de la demande d’autorisation de forer. Cotée en bourse, l’entreprise exploite déjà depuis 2006 une quarantaine de puits de pétrole au sein de cette pinède-chênaie située au sud du bassin d’Arcachon, à quelques encablures de la dune du Pilat. Chaque jour, elle y extrait du sous-sol près de 240 000 litres de pétrole. La firme, qui se définit comme « une compagnie pétrolière résiliente » souhaitant « accompagner la transition énergétique », s’est spécialisée dans l’optimisation et le prolongement de la vie de vieux gisements. Le champ pétrolier dans la forêt de La Teste-de-Buch, dénommé « concession de Cazaux », appartenait auparavant au groupe Esso qui y a foré près d’une centaine de puits à partir de 1959.
Les gisements devenant peu rentables, Vermilion les a rachetés en 2006 et s’est vu accorder la concession jusqu’en 2035. Depuis fin 2017, la loi française a acté la fin en 2040 de l’exploitation du pétrole sur le territoire, ainsi que l’interdiction de l’attribution de nouveaux permis de recherche. D’ici cette date fatidique, Vermilion entend donc rentabiliser au maximum sa concession de Cazaux, « un de ses meilleurs gisements en France », dixit la compagnie. Pour ce faire et lutter contre le déclin naturel de ce champ, le groupe souhaite réaliser huit nouveaux forages pétroliers à plus de 2 000 mètres de profondeur, et à côté de ses plateformes actuelles. Vermilion estime, dans le meilleur des cas, récupérer 200 millions de litres de pétrole supplémentaires avec une première campagne de forage de quatre puits.
Un champion du pétrole sur un territoire vulnérable au climat En puisant littéralement jusqu’à la dernière goutte de pétrole des gisements du pays, l’industriel s’est hissé au rang de premier producteur d’or noir en France. C’est que la France génère encore 1 % de ses besoins en pétrole et Vermilion serait à l’origine des trois quarts de cette production. Contactée par Mediapart, la compagnie canadienne affirme qu’elle « produit du pétrole en France, consommé en France.
Cette production nous permet de contribuer à la transition énergétique et de nous préparer pour l’avenir », avant d’indiquer que le groupe « soutient les objectifs de l’accord de Paris ». Vermilion souligne, à propos de son projet de développer huit nouveaux puits : « Nous considérons qu’il est essentiel de continuer à produire du pétrole pour travailler sur des projets de conversion industrielle vers des énergies bas carbone, ce qui sécurise une partie importante de l’approvisionnement énergétique de la France, des emplois et de l’expertise. »
« Le changement climatique s’accélère, mais cette entreprise veut forer de nouveaux puits de pétrole sur un territoire en première ligne du réchauffement planétaire, s’insurge Virginie Rog, du groupe local Europe Écologie-Les Verts Bassin d’Arcachon-Val de l’Eyre. Le littoral landais s’érode actuellement à grande vitesse et les mégafeux ont ravagé nos forêts durant l’été 2022. »
Chaque année, le trait de côte recule en moyenne de 2,50 mètres en Gironde. Et en juillet dernier, 7 000 hectares de la forêt de La Teste-de-Buch ont été dévorés par les flammes, obligeant vingt mille personnes à être évacuées. Cet été-là, le massif forestier avait été soumis à une sécheresse hors norme et à des températures caniculaires liées au dérèglement climatique. Durant ce mégafeu, Vermilion a dû mettre à l’arrêt les infrastructures de production pétrolière de la concession de Cazaux, et mettre en sécurité ses installations de stockage, à titre préventif. Un site classé et protégé Conformément à la réglementation minière et environnementale, les travaux de forage pétrolier de Vermilion doivent être soumis à une demande d’autorisation administrative auprès de la préfecture de Gironde et à une enquête publique.
Le préfet du département a sollicité la mission régionale d’autorité environnementale de Nouvelle-Aquitaine (MRAE) pour un avis consultatif sur l’impact écologique du projet. Dans son rapport rendu au printemps dernier, l’organisme public souligne que « sur les vingt-deux plateformes présélectionnées pour le projet, dix-neuf sont incluses dans le site Natura 2000 Forêts dunaires de la Teste-de-Buch ». La MRAE révèle aussi que l’étude d’impact de ces nouveaux forages a été réalisée avant les incendies de juillet 2022, recommandant à Vermilion de préciser les impacts subis par la concession de Cazaux.
Enfin, elle rappelle que le projet pétrolier « s’insère dans un contexte aux enjeux environnementaux multiples » relatifs à des sites classés ou protégés, à des captages d’eau potable, aux riverains ou aux risques d’incendie. Par ailleurs, la concession étant sur le site classé dit « de la dune du Pilat et de la forêt usagère », la commission départementale de la nature des sites et des paysages (CDNPS) a dû passer au crible l’impact paysager du projet. Dans son dossier déposé auprès de cette structure et qu’a pu consulter Mediapart, Vermilion indique : « La production de pétrole a décliné invariablement jusqu’en 2006, date à laquelle Vermilion a repris l’exploitation du champ de Cazaux.
Depuis seize ans, la production du champ a cessé de décliner et a même augmenté régulièrement grâce à la remise en service de puits et à l’optimisation de l’exploitation. » Le 25 mai, la CDNPS a donné son avis favorable aux nouveaux forages. Des autorités publiques conciliantes L’enquête publique est pour sa part prévue du 28 août au 26 septembre 2023. Pour préparer le terrain, Vermilion a organisé le 3 juin une journée d’information à la salle des fêtes de Cazaux, avec exposition itinérante et interview dans la presse locale. Dans sa plaquette distribuée au public, la société canadienne justifie ces nouveaux forages en avançant que la concession de Cazaux « présentait encore un potentiel important de production », synonyme d’activité, « avec une visibilité au moins jusqu’à 2030 », de pérennisation des emplois et de « maintien, voire d’augmentation, des redevances des mines aux collectivités ». En janvier 2022 et en juin 2023, Vermilion s’est vu accorder par le ministère de la transition énergétique l’autorisation de continuer d’exploiter du pétrole jusqu’en 2040 dans deux concessions.
À l’issue de l’enquête, le préfet de la Gironde prendra, par arrêté préfectoral, sa décision d’autorisation ou de refus. Les autorités publiques françaises se sont jusqu’à ce jour montrées très conciliantes envers les demandes de Vermilion. En janvier 2022 et en juin 2023, l’industriel canadien s’est vu accorder par le ministère de la transition énergétique l’autorisation de continuer d’exploiter du pétrole jusqu’en 2040 dans deux concessions voisines, celles du Pin et de Tamaris, situées à une poignée de kilomètres de Cazaux. Pourtant, les scientifiques et les Nations unies martèlent que pour maintenir le réchauffement planétaire, il faut diminuer la production de pétrole de 4 % par an.
De même, le forage de puits pétroliers est à rebours des recommandations de l’Agence internationale de l’énergie, qui préconise depuis 2021 l’arrêt immédiat de tout nouveau projet fossile afin de contenir le dérèglement climatique. Le Giec juge que « les émissions de CO2 projetées par les infrastructures fossiles existantes » nous mènent déjà tout droit dans un monde à + 1,5 °C.
Interrogé à ce sujet, le groupe Vermilion assure à Mediapart : « Nous croyons fermement que les opérations de forage à Cazaux ne mettront pas en danger le climat. » https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/040823/en-plein-chaos-climatique-des-forages-petroliers-pourraient-etre-autorises-en-france
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Hélas en l’état du code minier et du décret 2006-649 tout cela est légal.
Il est même probable que notamment les filiales françaises de Vermilion vont demander le recul de la date de fin de l’exploitation 1er janvier 2040…