Inondations dans le Nord et le Pas‐de‐Calais

Pour continuer à vivre sur le polder, « il faudra des adaptations importantes »

Les inondations en cours dans la région révèlent les fortes vulnérabilises du système d’évacuation des crues dans un contexte d’accelerando du changement climatique.

Bertrand Ringot, maire de Gravelines et président de l’institution intercommunale des wateringues liste les évolutions nécessaires pour faire face a une menace appelée a devenir de plus en plus récurrente.

Quatre‐vingts millions de mètres cubes d’eau, soit l’équivalent de 21 000 piscines olympiques. En fonctionnant 24 heures sur 24 pendant une semaine, voici ce que les pompes situées en aval des canaux d’évacuation – connus sous le nom de wateringues – ont permis de rejeter a la mer depuis le début de l’épisode de pluie intense qui frappe le Nord et le Pas‐de‐Calais. A titre de comparaison, soixante millions de mètres cubes d’eau avaient été pompes sur la totalité de l’annee 2022.

Pourtant, cette intense activité n’a pas suffi pour garder au sec les 450 000 habitants du polder qui s’étend entre Dunkerque, Calais et Saint‐Omer. Une situation qui révélé les importantes faiblesses du dispositif anti‐inondation alors que le déréglementer climatique s’accélère et que les phénomènes météorologiques extrêmes sont appelés a devenir de plus en plus récurrents dans la région.

Cercles d’eau

Wateringue signifie littéralement ≪ cercle d’eau ≫ en flamand. Il s’agit d’un vaste ensemble de canaux permettant d’acheminer les eaux continentales vers la mer. Le territoire entre Dunkerque, Calais et Saint‐Omer est en effet un polder, c’est‐a‐dire des terres situées sous le niveau des hautes mers.

Pour faire face a l’enjeu, on sait déjà qu’ajouter du pompage supplémentaire sera insuffisant ≫, livre Bertrand Ringot, maire de Gravelines et président de l’institution intercommunale des wateringues depuis 2020. Il dresse l’inventaire des adaptations possibles afin de renforcer la résilience du territoire face au risque inondation.

Une mission : lutter contre les inondations

L’Institution intercommunale des wateringues (IIW) est un syndicat mixte compose de six établissements publics intercommunaux : la communauté urbaine de Dunkerque, la communauté d’agglomération de Grand Calais Terres et Mers, et les communautés de communes des Hauts‐de‐Flandres, du Pays d’Opale, de la Région d’Audruicq, et du Pays de Saint‐Omer.

La mission de l’institution consiste a lutter contre les inondations continentales en

entretenant les grands ouvrages d’évacuation des crues a la mer. Le réseau annexe – connu sous le nom de ≪ sections de wateringues ≫ est quant a lui a la charge d’associations locales majoritairement constituées d’agriculteurs.

Locaux et maisons dévastées, réseaux électriques fortement endommages, écoles fermées…. S’il est encore trop tôt pour faire le bilan des conséquences du déluge d’eau qui s’abat sur la région depuis le début du mois de novembre, une chose est d’ores et déjà sure : le changement climatique révèle les vulnérabilises des wateringues. Comment expliquer que le système d’évacuation des crues ait été

a ce point dépassé ?

Bertrand Ringot : On a un système qui est globalement très performant… mais jusqu’à un certain seuil, tout comme les toitures d’un bâtiment résistent jusqu’à un certain niveau de vent. Il nous faut être réaliste : on n’arrivera pas a faire face a chaque fois et il y aura besoin d’une résilience face aux crises.

On a pompe en six jours l’équivalent de six mois de précipitations. Ces seuils sont tout a fait exceptionnels. De plus, le niveau de la mer en marée haute était anormalement haut, empêchant l’écoulement naturel des crues. On a ainsi cumule un second évènement ppénalisant a une pluviométrie exceptionnelle. Ce phénomène exceptionnel est‐il amené a se renouveler ? Tout porte à le croire quand on lit les études sur le dérèglement climatique. Pour faire face, une des options est d’améliorer les capacités de pompage. Problème : en raison de la crise énergétique, les dépenses de l’institution intercommunale des wateringues n’ont cesse d’augmenter ces derniers mois. Dans ce contexte, est‐ce une solution d’avenir ?

Bertrand Ringot : Sur la semaine écoulée et avec un pompage quasi ininterrompu, on parle d’une facture électricité de l’ordre d’un million d’euros. Cette dépense n’est pas subventionnée, elle rentre dans notre budget de fonctionnement qui repose en totalité sur les contribuables des six intercommunalités.

Il nous faudrait une aide de l’État sur le pompage. Les wateringues sont d’utilité publique : au‐delà des habitations, elles protègent les voies d’accès aux sites Seveso, ainsi qu’a la centrale nucléaire.

Or tout l’argent que je mets pour payer les factures, je ne le mets pas pour les travaux et je ne peux pas demander aux collectivités d’abonder a chaque fois.

Un système pris entre deux eaux

Avec les effets du dérèglement climatique, le système des wateringues est pris non pas entre deux feux mais entre deux eaux, expliquait en février dernier Olivier

Cohen, géographe de l’université du Littoral Cote d’opale. D’un cote des eaux marines qui montent, rendant l’évacuation a la mer sans cesse plus complexe et, de l’autre, des eaux continentales qui vont devenir de plus en plus difficilement maîtrisables en raison d’une plus forte concentration des précipitations. ≫ Dans un rapport récent, la chambre régionale des comptes précisait qu’en hiver, la pluviométrie devrait augmenter de 7 a 19 %, d’ici 2050, et de 14 a 35 %, d’ici 2100.

Taxe ≪ Gemapi ≫

L’institution intercommunale des wateringues tire son financement de la taxe dite ≪ Gemapi ≫ pour gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations. Son niveau est fixe par les collectivités et s’élève par exemple a 20 euros par an pour les résidents de l’agglomération dunkerquoise.

Nous savons que nous allons devoir investir massivement pour améliorer nos capacités de pompage.

C’est ce que nous faisons, majoritairement sur fonds européens via le programme d’actions de prévention des inondations dans lequel 12 millions d’euros sont prévus rien que pour renouveler les pompes. Mais nous savons aussi que face a l’enjeu, ajouter du pompage supplémentaire sera insuffisant.

Alors comment faire ? Xavier Chelkowski, spécialiste des wateringues a l’agence d’urbanisme de Dunkerque détaillait en février dernier la possibilité d’inonder volontairement des terres agricoles dans le but de protéger sites sensibles, villes et villages. Qu’en pensez‐vous ? Faut‐il s’acheminer vers une dépolderisation en sacrifiant certaines prairies et champs pendant l’hiver pour en faire des zones de stockage temporaire ?

Bertrand Ringot : Il ne s’agit pas de remettre en cause notre capacité a vivre sur le polder, mais il faudra nécessairement des adaptations importantes. C’est la réflexion que nous menons avec le projet “Delta de L’An 2050 : un polder face au changement climatique” , dont les conclusions seront rendues dans les prochaines semaines. Il faut imaginer une mixité de solutions. D’abord, maintenir et renforcer le système d’évacuation des eaux a la mer. Cela se fera en réduisant l’imperméabilisation des sols, en créant des bassins de rétention ou encore via la plantation de haies et la réalisation de fosses. L’enjeu, par toute cette série de mesures, est de freiner les volumes d’eau.

De plus en plus, il nous faudra accepter de laisser une place a l’eau dans le paysage pour éviter que des habitations ne soient touchées ≫

Mais tout cela prend du temps. Les zones d’expansion de crues, par exemple, nécessitent de la concertation, voire des rachats de terrains, puisqu’il n’est pas évident qu’un agriculteur accepte de mettre ses terres en eau. Aussi, il nous faudra rendre les aménagements actuels et futurs moins vulnérables, sensibiliser les habitants a la problématique inondation. Et plus globalement accepter de plus en plus de laisser une place a l’eau dans le paysage pour éviter que des habitations ne soient touchées.

Cela intervient a un moment ou le littoral est attractif et dans un contexte d’important développement économique. Il y aura donc un enjeu pour rendre le tout compatible.

500 000 habitants sur le polder en 2050

La population du territoire des Wateringues devrait croître de 1,4 %, d’ici 2030, et de 2,5 %, d’ici 2050, pour atteindre plus de 500 000 habitants ≫, notait dans un rapport récent la chambre régionale des comptes.

MediaCités

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Commentaire


Les wateringues : cela ne date pas d’aujourd’hui. Si ma mémoire est bonne cela existait déjà au 13ème siècle.
Le problème est toujours le même : on a voulu faire les malins, nous les humains. On a supprimé les fossés, on a supprimé les haies pour laisser place à l’agriculture industrielle. Et on se prépare à l’agriculture 4.0.
Même dans mon secteur, il y a des inondations sporadiques qui ne font pas trop de dégâts.
Mais la nature se rappelle à nous … surtout nous les Français qui pensons être les meilleurs sur tout. Un exemple : nos voisins Hollandais ont déjà étudié le problème et s’en sortent avec moins de problèmes que nous les meilleurs ! A tel point qu’ils nous ont amené, ces jours-ci, des grosses pompes, bien plus puissantes que les nôtres. Je sais, cela ne résout pas le problème de fond.

Mais va-t-on s’occuper vraiment de ce problème ? Ce n’est pas Macron et son équipe qui vont apporter la solution. La venue de Le Maire est un sparadrap sur une jambe de bois. Des promesses. On l’a vu avec Bihucourt :

« Un an de la tornade de Bihucourt : un village toujours en chantier et des bras de fer avec les experts »

Article dans Voix du Nord.

Dans les régions impactées par les inondations, ce sera la même bagarre  avec les experts.
Ce seront les sans dents qui trinqueront … comme d’hab !

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Commentaire reçu

En région méditerranéenne, les pluies pouvant causer des inondations et entraîner le plus de dégâts sont les épisodes méditerranéens à l’automne. Mais cette année, nous avons eu aussi pour la première fois 2 épisodes océaniques d’intensité plus forte que les épisodes méditerranéens qui ont été plutôt de faible intensité et n’ont pas touché des zones fortement peuplées. Comme les épisodes océaniques ne sont pas couplés avec des tempêtes littorales méditerranéennes, ils n’ont pas fait beaucoup de dégâts chez nous à la différence du Nord-Pas-de-Calais où ils ont été couplés avec des tempêtes littorales océaniques. Les tempêtes littorales méditerranéennes (appelées médicanes) n’ont quasiment jamais été couplées avec des épisodes méditerranéens dans le passé. Mais dans le cas contraire, nous aurons une catastrophe de type Xynthia, vu que l’aménagement urbain et hydraulique du littoral est un désastre. Nos chers élus (quelle que soit leur étiquette politique) continuent d’urbaniser et de développer le tourisme en bord de mer, de détruire les zones humides associés aux étangs littoraux, d’artificialiser les cours d’eau… et prient pour qu’aucune catastrophe ne se produise pendant leur mandat.

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Autre commentaire

Problème important : quelles ont été les conséquences de l’agriculture industrielle dominante dans les inondations récentes ?

Effectivement, les fossés et les haies ont disparu, ce qui est un facteur négatif, mais on ne sait pas quel a été l’impact de la perte de matière organique dans les sols, liée au mode d’agriculture qui privilégie les intrants chimiques par rapport aux apports organiques. Si on regarde les données géologiques, la taux de matière organique dans la région est moins bas que dans des régions comme la Beauce (céréales) ou le sud-est (vignes), mais la perte au niveau national est en moyenne de la moitié depuis les années 50.

1% de carbone dans le sol, c’est environ 190.000 litres par hectare de capacité de stockage d’eau dans l’humus des sols, soit une pluie de 19 mm (19 litres/ha –> 19 mm d’eau)

C’est évidemment peu par rapport au volume des pluies qui sont tombées, mais les besoins agricoles annuels sont du même ordre de grandeur que les pluies de ces dernières semaines, et une partie a été pompée vers la mer, ce qui me semble la pire des solutions. Des zones d’épandages de crue existent déjà et semblent avoir été utilisées.

Au lieu de débloquer des crédits pour de nouvelles digues, ne devrait-on pas réaliser des bassins de stockage d’eau provisoire, dans la mesure où cette eau sera utile à d’autres périodes ? Il vaudrait mieux qu’elle serve au lieu de partir à la mer.

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Commentaire arrivé le 24 novembre au soir, à la suite du commentaire précédent

le raisonnement de X est solide pour les plaines et les plateaux (souvent limoneux ou argilo-limoneux) des régions du Nord, Picardie et Normandie.

Ce qui explique les crues. Et l’érosion de ces sols sous différentes formes (érosion en nappe, rigoles et ravines) plus lessivage des fines.

Il y a un autre phénomène qui avait fortement affecté la Somme en 2002 : les crues de nappes qui avait pris tout le monde au dépourvu. Voir colloque inondations de 2003 (J’ai le CD Rom).

De plus, pour les Flandres, les Wateringes sont des polders anciens gagnés sur les basses terres, reconfigurés et réhabilités plusieurs fois au cours de l’histoire.

Ces Wateringes sont des « biens communs », aménagements endigués et drainés de collectifs de propriétaires fonciers comme les ASA ou ASCO de marais.

Doublement affaibli par la baisse des soutiens publics d’État, celui-ci refourguant les dépenses de soutien aux collectivités, et par la baisse tendancielle de la rente foncière des propriétaires qui ne sont pas forcément les fermiers/exploitants. D’où la faiblesse d’investissement des propriétaires et de leurs syndicats.

Le tout combiné explique l’ampleur de la crise que révèle l’inondation. Et que dire de la GEMAPI dans ces conditions ?

A quand un prochain colloque inondations ?

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Au risque de me répéter (autant que nécessaire), serait-il possible d’envisager la redistribution des excédents de précipitations, de plus en plus fréquents dans certaines régions du monde, vers celles en stress hydrique, au moyen d’aquaducs ? Il existe bien des oléoducs et des gazoducs !

Les raisonnements habituels de rentabilité à court terme, pour une catégorie limitée d’individus, devront, c’est inéluctable et démontré par de nombreuses études crédibles, être remis en cause dans l’urgence. Il en va de la paix dans le monde ! Les virus ne connaissent pas de frontières, tout comme les migrants !

Un livre très documenté développe ce genre d’approche avec brio : 

https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/course

Juin 2022

Après un tableau des réalités économiques et monétaires, le chapitre 3 propose des solutions.

La nécessité de la gestion de l’eau à l’échelle mondiale est approchée par de plus en plus de scientifiques et d’économistes. La même question est posée au sujet de la santé et des médicaments.

Qui va oser ?

https://www.bfmtv.com/environnement/le-secretaire-general-de-l-onu-appelle-l

– https://fondationdaniellemitterrand.org/leau-bien-commun-de-lhumanite-4/