Des étudiants de l’Université de Technologie de Compiègne considèrent que c’est un « projet écocidaire ».
En plus de ravager la nature, ce projet pèserait lourdement sur les finances publiques et fragiliserait un peu plus encore le fret ferroviaire.
La lutte − victorieuse − menée contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) a donné un nouveau souffle à la contestation des « grands projets inutiles et imposés ». D’autres foyers d’opposition à la destruction de l’environnement au nom de la rationalité technicienne ont, depuis lors, vu le jour, que l’on songe aux méga-bassines dans l’ouest de la France ou encore à l’autoroute A69 entre Castres et Toulouse. Le collectif « Stop Canal » de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC) espère rallier des forces similaires dans le combat qui l’oppose au canal Seine-Nord Europe. Ce collectif d’étudiants-ingénieurs organise le 16 décembre un rassemblement rue du Chevreuil à Compiègne, dans l’Oise.
L’idée du canal Seine-Nord Europe circule dans les milieux politiques depuis les années 1970. Les travaux préparatoires de ce serpent de mer ont finalement débuté cette année. Cette voie de 107 kilomètres de long et 54 mètres de large reliera Compiègne à Aubencheul-au-Bac, dans le Nord. Elle connectera la Seine à un réseau fluvial couvrant le département du Nord et une bonne part de la Belgique. Des marchandises pourront ainsi être transportées par bateau entre le bassin parisien, les Hauts-de-France, les ports de Dunkerque, le Havre, Rouen et le nord de l’Europe.
Le collectif « Stop Canal UTC » souligne que les travaux « détruiraient 3 000 hectares de zones agricoles et toucheraient des zones Natura 2000 ». L’alimentation en eau du canal nécessiterait la création d’une retenue d’eau de 14 millions de m3 pompée dans l’Oise. Cet immense réservoir mettrait une pression supplémentaire sur une ressource déjà considérablement menacée.
LE FRET FERROVIAIRE FRAGILISÉ
Le collectif réfute également le principal argument avancé en faveur de l’opération : la réduction du trafic routier. « En réalité, le canal concurrencerait le fret ferroviaire, comme l’affirment de nombreuses évaluations indépendantes. Le rapport Massoni-Lidsky, publié en 2013, affirme que 40 % du trafic du canal viendrait du rail (ce qui correspond à 15 % du volume transporté par le ferroviaire) et soulagerait de seulement 3 % le volume de marchandises transportées par la route. Ainsi, le canal Seine-Nord Europe fragiliserait surtout le fret ferroviaire, pourtant déjà en manque de financements et moins polluant que le fluvial. Et évidemment, ce ne sont pas les 3 % de camions en moins qui suffiraient à désengorger l’A1 ; cette autoroute étant saturée, à peine cette place libérée, de nouveaux camions prendraient la place laissée vacante. » Le canal pourrait même entraîner une hausse des échanges commerciaux. Les emplois générés dans les pôles logistiques associés seront alors « précaires et destructeurs pour les travailleurs », avance « Stop Canal UTC ».
Autre sujet de débat : le budget de l’opération se monte à 5,1 milliards d’euros, financé par l’Etat, l’Union européenne, les Départements et les Régions traversés. « Nous sommes face à une situation où l’argent public est dilapidé dans un projet complètement à rebours des enjeux contemporains », estime le collectif.
En parallèle de la manifestation du 16 décembre, d’autres actions sont en cours. Quelque 440 étudiants ont déjà signé une pétition pour réclamer la fin du partenariat entre l’UTC et la Société du Canal Seine Nord-Europe, l’entreprise administratrice du projet. Quant à la pétition de l’association des Citoyens de l’eau, elle a recueilli 20 000 signatures. Les deux documents sont à retrouver sur la plate-forme Change.org.
https://sciences-critiques.fr/des-etudiants-ingenieurs-contre-le-canal-seine-nord/