Megabassines : histoire secrète d’un mensonge d’État

En « accès libre » sur YouTube !

! https://www.youtube.com/watch?v=f9kCvSwxuyU

Un documentaire d’investigation qui éclaire bien le contexte de la question des mégabassines, à voir en complément de ce beau « film sensible »…

https://vraivrai-films.fr/catalogue/de_l_eau_jaillit_le_feu_fr (en salles)

alors que :

Agriculture – l’inexorable progression du recours à l’irrigation

Le ministère de la transition écologique vient de rendre publiques des statistiques sur l’usage de l’eau dans l’agriculture. Elles montrent que le secteur a accru ses capacités d’irrigation entre 2010 et 2020, rendant plus sensible la question de la gestion et du partage de la ressource.

Ce sont des données d’autant plus précieuses qu’elles sont rares. Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a publié, en février, des statistiques sur l’eau agricole en France. La mise à jour est un peu datée – elle concerne la période 2010-2020 – mais suffisante pour constater que l’irrigation des cultures gagne du terrain. Les parcelles arrosées ont progressé de 14,6 % et les prélèvements de 13,4 % au cours de ces dix années. Elles s’étendent désormais sur 1,8 million d’hectares et représentent 6,8 % de la surface agricole utile du pays.

Le choix d’asperger ou non les cultures dépend des variations météorologiques, il est donc plus significatif de constater la progression des terres agricoles nouvellement équipées d’un système d’irrigation. Craignant le changement climatique, les exploitants ont investi de façon accélérée pour rendre irrigable une superficie de 2,8 millions d’hectares, soit une augmentation moyenne de 23 % en une décennie.

En 2020, l’agriculture représente 11 % des 30,4 milliards de mètres cubes d’eau prélevés en France. Ce volume reste loin derrière les 45 % captés par les centrales de production électrique afin de refroidir leurs installations. Cependant, cet indicateur évalue la part de la ressource qui est prélevée d’un côté avant d’être majoritairement rendue à la nature. L’étude ne précise pas que sous l’angle de la consommation – c’est-à-dire sans restituer l’eau au milieu –, il en va tout autrement.

La consommation totale en France est estimée à 4,1 milliards de mètres cubes d’eau par an en moyenne durant cette même décennie. Or l’agriculture utilise la part la plus importante de cette ressource, comme le chiffrait une autre étude du ministère de la transition écologique portant sur la période 2010-2019 et publiée en 2023 : elle en consomme 58 % (essentiellement pour l’irrigation, 92 %, et 6 % pour abreuver les troupeaux, selon une étude de 2010). Elle devance largement l’eau potable (26 %). Dans le bassin-versant d’Adour-Garonne, l’activité agricole consomme même 80 % de la ressource hydrique, 59 % et 57 % respectivement en Loire-Bretagne et Rhône-Méditerranée.

Transformation de la culture de la vigne

En métropole, quinze départements concentrent plus de la moitié des terres irrigables, dont, en tête, le Loiret, l’Eure-et-Loir, les Landes, le Lot-et-Garonne et le Gers, qui en comptent chacun plus de 100 000 hectares (197 500 hectares dans le Loiret). Cette pratique culturale s’étend jusque dans des régions qui n’étaient pas connues pour leurs déficits en pluies jusqu’à présent. Ce sont les régions du nord, de l’est et du centre de la France métropolitaine qui ont vu leurs parcelles arrosées augmenter le plus fortement. Les auteurs de l’étude notent un lien probable avec la sécheresse prononcée des sols dans ces territoires en 2020. Pour effectuer ce bilan, ils ont croisé des statistiques de la Banque nationale des prélèvements en eau (BNPE) avec celles du ministère de l’agriculture.

Leurs chiffres montrent que le maïs continue d’avoir la faveur des irrigants : cette plante tropicale occupe 38 % des terres irriguées (684 000 hectares), même si les exploitants se plaignent de rendements en baisse. Le blé arrive en deuxième position avec 12 %, suivi des légumes frais, des fraises et des melons.

Les exploitations spécialisées en grandes cultures atteignent plus de 1,6 million d’hectares en 2020, 18 % de plus qu’en 2010. Enfin, phénomène nouveau et inquiétant : en une décennie, la culture de la vigne s’est beaucoup transformée, en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Occitanie surtout. Les vignobles irrigués qui occupaient 29 000 hectares en 2010 s’étendaient sur 69 000 hectares en 2020.

Pour apporter de l’eau aux cultures, toutes les méthodes ne demandent pas le même investissement, mais toutes progressent. La plus onéreuse mais la plus précise, la micro-irrigation, utilisée surtout en maraîchage et arboriculture, a plus que doublé entre 2010 et 2020 pour couvrir 8 % des surfaces irrigables. L’aspersion, la plus simple à mettre en œuvre, s’étend sur 87 % des parcelles irrigables, soit une augmentation de 17 %. Enfin, l’irrigation par gravité, présente surtout en montagne, a crû de 42%.

Ressource de surface insuffisante

De l’eau, on en cherche partout. La ressource de surface ne suffit plus, les aquifères souterrains sont de plus en plus sollicités. En dix ans, les volumes puisés dans les nappes ont enflé de 21 %, tandis que les prélèvements dans les rivières et les plans d’eau – qui restent majoritaires – ont augmenté de 8 %. Une telle accélération de la consommation agricole pose question. Comment la répartition de la ressource entre tous les acteurs – particuliers, industrie et énergie, milieux naturels – va-t-elle évoluer ?

Le Comité national de l’eau – une instance de concertation qui rassemble l’ensemble des usagers – avait demandé dès mai 2022 d’obtenir des éléments sur l’évolution de l’irrigation, poussé notamment par France Nature Environnement (FNE). « Nous considérons que le ministère de l’agriculture n’a toujours pas donné accès aux données détaillées qui permettraient de se faire une idée région par région des cultures qui réclament le plus d’eau et de leur usage : sont-elles destinées à l’alimentation ou pas ? », regrette Florence Denier-Pasquier, administratrice de FNE.

Au moment de la présentation du plan national pour l’eau, en mars 2023, il est apparu que tous les secteurs devraient s’efforcer d’économiser la ressource… Tous, sauf les irrigants, appelés non pas à réduire leur consommation totale, mais à faire preuve de sobriété à l’égard de chacune de leurs parcelles. Selon ce bilan statistique, la baisse demandée est à peine esquissée : la moyenne à l’hectare a baissé de 1 %, passant de 1 920 mètres cubes par hectare à 1 900 mètres cubes par hectare.

https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/02/21/agriculture-l-inexorable-progression-du-recours-a-l-irrigation_6217767_3244.htm