Réponse collective à une infamie

Sur l’accusation d’antisémitisme portée contre LFI

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Extraits

D’accord ou non avec LFI, nous voulons montrer que l’accusation d’antisémitisme est une infamie politique : panique devant le Front populaire, diffamation contre une organisation combative, criminalisation du soutien au peuple palestinien. La lutte contre l’antisémitisme en sort affaiblie. À l’écoute des personnes qui ont pu être parfois heurtées, toute la gauche doit renforcer cette lutte commune.

L’antisémitisme est un fléau, qu’il s’incarne dans le négationnisme, le complotisme, la fabrique de stéréotypes diabolisants, les appels à la haine, et bien évidemment les agressions et la violence allant jusqu’au meurtre. L’antisémitisme est une ignominie qui doit être combattue avec la plus grande force et une détermination implacable : sans faillir.

Dans la conjoncture cruciale et dramatique que nous traversons, les adversaires du nouveau Front populaire répandent sur LFI une calomnie, en la caractérisant comme un « parti antisémite » voire « le plus grand parti antisémite du pays ». Cette accusation est d’une gravité sans nom. Elle se propage pourtant comme une formule toute faite dans certains médias et chez des personnalités politiques qui en ont fait leur unique « « argument » » dans une bataille haineuse contre toute une partie de la gauche. Il y a aussi des personnes sincères qui imaginent des accointances de LFI avec l’antisémitisme, à force d’entendre cette accusation diffusée dans tant de médias, au point que l’équivalence monstrueuse « LFI = antisémite » soit devenue une sorte de banalité, parfaitement naturalisée. Au-delà, la couverture médiatique réservée à cette organisation est effarante. La banalisation du RN est extrêmement grave elle aussi mais son traitement politique et médiatique est sans commune mesure avec le déversoir réservé à un parti dont le programme est la lutte contre les discriminations, pour la justice sociale et l’émancipation.

Les critiques, les discussions vives, l’expression de divergences voire de désaccords forts sont indispensables ; nous avons confiance dans le fait qu’elles se mèneront et d’autant mieux avec la conscience collective de cette nécessité : être à la hauteur d’une époque aussi grave. Que nous soyons d’accord ou non avec LFI, il s’agit dans ce texte de démonter une infamie et d’évoquer son soubassement politique, quand il n’est pas, simplement, politicien. À l’heure où nos droits, les biens communs, les principaux fruits des conquêtes sociales sont détruits un à un, les tentatives de disqualifier une organisation sincèrement engagée pour contribuer à stopper ces destructions au bulldozer sont à la fois ignobles et très claires : toutes proportions gardées, « Plutôt Hitler que le Front populaire ».

Répondre honnêtement aux personnes honnêtes, et démonter cette accusation abjecte, nous a paru une nécessité. Mais répondre vraiment : en tenant compte de ce qui a pu heurter, à l’heure où la recrudescence des actes antisémites crée non seulement de l’indignation mais de l’anxiété, avivant ou ravivant les peurs et les blessures, et la nécessité opiniâtre de combattre l’abjection qu’est l’antisémitisme. Nous savons bien que le racisme dans nos sociétés est dramatiquement structurel et même systémique ; que l’antisémitisme en fait partie ; qu’il a une longue histoire, dont la gauche n’est pas exempte. Lutter contre tous les biais qu’il engendre demande une attention constante. Répondre, donc, de la manière la plus sérieuse et précise possible, est essentiel non seulement pour la gauche, mais aussi et surtout pour le combat contre l’antisémitisme, affaibli et dévoyé par ces accusations mensongères.

Peur panique devant le Nouveau Front populaire : quand l’abject atteint des sommets

Nous savons bien pourquoi cette offensive déchaînée est menée : la possibilité d’une arrivée de la gauche au pouvoir terrifie les représentants d’un ordre social, économique et idéologique. Il leur faut absolument briser l’alliance de gauche, disqualifier par une sorte de mise à mort politique l’une de ses forces les plus importantes et les plus combatives. Le Nouveau Front populaire engendre une profonde panique chez les tenants de l’ordre tel qu’il est. L’abject atteint donc des sommets.

Emmanuel Macron, dans une fuite en avant face à l’incendie politique qu’il a allumé en pompier pyromane, y est allé de son couplet inacceptable sur l’association entre LFI et l’antisémitisme. Meyer Habib de son côté parle de la France insoumise comme du « parti le plus antisémite, pro-terroriste et pro-islamiste ». Comme Emmanuel Macron lui-même, qui rabaisse ici considérablement la fonction politique qu’il occupe, il ose brandir le nom de Léon Blum qui d’après lui se retournerait dans sa tombe. « Non, ce n’est pas le Front Populaire, c’est le Front Antisémite », déclare Habib. On a rarement vu un tel degré de calomnie. Et de retournement historique infâme : un mensonge et un abus éhonté de la référence au Front populaire de la part d’une droite et d’une extrême-droite violentes que les femmes et les hommes du Front populaire version 1936 auraient à n’en pas douter combattues de toute leur âme.

L’accusation d’antisémitisme portée contre LFI est un outrage. Pour ce parti en général, et pour celles et ceux, juives, juifs, qui en sont membres, ou simplement soutiennent ses positions, votent pour cette organisation. C’est le cas de plusieurs parmi nous, qui n’en peuvent plus de se voir associés-es à cette injure infâme et d’être traîné-es dans la boue. Jean-Luc Mélenchon, qui subit au quotidien cette disqualification à nos yeux injuste et écœurante, a eu ces mots lors d’un meeting du 23 mai dernier : « le cœur saigne en pensant à ceux de nos compatriotes juifs qui sont de notre avis et qui subissent tous les outrages, jusque dans leur propre famille. Notre pensée se tourne vers eux, en solidarité humaine, totale, complète ».

La criminalisation du soutien au peuple palestinien

Depuis que les bombardements ont commencé sur Gaza, LFI a dû braver une vague d’affronts, d’injures et d’infamies avec une position ferme de soutien au peuple palestinien. Plus le temps passe, plus c’est une évidence pour beaucoup, heureusement. Mais il y a d’abord fallu un certain courage pour résister à ce rouleau compresseur de la diffamation et la criminalisation de ce soutien. À l’heure où ce texte est écrit, une commission d’enquête de l’ONU vient d’accuser Israël de crimes contre l’humanité, d’extermination, de transfert forcé, d’actes de torture et de traitements inhumains. Tous ceux qui ont apporté leur aide, leur soutien officiel et des armes au gouvernement israélien ont du sang sur les mains. C’est pourquoi, dans la solidarité avec le peuple palestinien, et plus largement dans cette bascule du rapport à l’humanité, nous éprouvons de la gratitude pour les personnes qui sauvent la dignité : LFI en fait partie.

Le 7 octobre a été une journée monstrueuse. LFI l’a clairement dit : le Hamas et les autres organisations ayant participé aux tueries de civils ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, et bien sûr des actes terroristes. Il n’y a pas de tergiversation sur ce terme, on peut d’ailleurs trouver nombre de déclarations publiques – de Mathilde Panot, Jean-Luc Mélenchon, Alma Dufour, Aymeric Caron, Rima Hassan, Manuel Bompard et de bien d’autres encore, indiquant clairement que ces tueries étaient des actes terroristes. Aux lendemains du 7 octobre, s’il y a eu parfois une hésitation sur la caractérisation du Hamas comme organisation terroriste, c’est essentiellement pour une raison de qualification juridique au regard du droit international. Mais évidemment, ces tueries atroces ont été condamnées avec la plus grande fermeté, dans l’effroi partagé. Elles n’ont pas cessé de l’être depuis par LFI. Le 12 octobre, dans un communiqué, étaient rappelées sa « condamnation totale des crimes commis lors de l’attaque opérée par le Hamas sur le territoire israélien » et sa « condamnation de tous les actes de terreur, crimes de guerre, susceptibles d’être requalifiés en crimes contre l’humanité par la justice internationale ».

La tragédie en cours à Gaza est accélératrice des calomnies chez les soutiens inconditionnels du gouvernement israélien. La démarche de la France insoumise est très claire : une solidarité active avec le peuple palestinien et en particulier la population gazaouie, qui subit selon LFI un génocide. Elle n’est pas seule à utiliser cette caractérisation : c’est le cas de nombreux-ses juristes, historien-nes, chercheur-ses, universitaires, organisations internationales, et notamment plusieurs historiens israéliens spécialistes de l’histoire des génocides et en particulier de la Shoah, à l’instar de Raz Segal ou Amos Goldberg … Mais la bataille à ses yeux n’est pas d’abord sémantique : elle ne porte pas sur le terme. Ce qui compte pour elle, c’est de mesurer l’ampleur abominable du drame qui se déroule sous nos yeux : un événement historique tragique ayant peu d’équivalent.

Dans ce contexte effroyable, certains détracteurs accusent la France insoumise de vouloir « assimiler les juifs à des nazis » parce qu’elle parle de génocide à Gaza. Double erreur inqualifiable. D’abord évidemment, les juifs ne sont en rien assimilables à Israël et, en Israël même, des manifestations considérables demandent l’arrêt des massacres ; ensuite, c’est une insulte à toutes les victimes de génocides de réduire une appellation fondée sur le droit international et d’en faire une spécificité nazie.

Les accusations contre Rima Hassan sont particulièrement choquantes, parmi d’autres. Que des « chroniqueurs » puissent affirmer sans ciller qu’elle aurait « la haine des juifs chevillée au corps » est une abomination. R. Hassan est d’une solidité à toute épreuve sur le sujet, connaît l’histoire des persécutions antisémites, comprend la peur face à leur recrudescence et exprime cette compréhension avec une véritable attention – sensible, humaine, politique. Si elle est une cible privilégiée de détracteurs sans vergogne et sans honneur, c’est qu’elle ne s’excuse pas d’être Palestinienne. Il est inadmissible, éthiquement et déontologiquement, d’associer à une quelconque forme d’antisémitisme l’expression qu’elle utilise comme tant et tant d’autres : « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre ». Dire que cet espoir politique serait antisémite est une odieuse manipulation. Rima Hassan n’a cessé de le répéter avec les plus grandes clarté et fermeté : il s’agit d’une aspiration que portent depuis des décennies les partisans d’une paix fondée sur l’anticolonialisme, une coexistence des deux peuples sur cette même terre, un État binational. À ceux qui jugent cet espoir utopique, elle répond avec l’exemple, de fait probant et concret, de l’Afrique du Sud post-Apartheid. Quoi que l’on pense de ce débat ancien et sans cesse renouvelé, entre la « solution à deux États » et la perspective d’un seul État fondé sur l’égalité, l’accusation d’antisémitisme est au minimum le signe d’une grave inculture politique et au pire, pour les malveillants sans scrupules, une attaque infamante qui doit être fermement condamnée, au lieu d’être reconduite dans tant de médias sans interrogation aucune et sans matrice factuelle sur un enjeu pourtant essentiel.

Évidemment, même si la diffamation contre LFI sur un sujet aussi important ne date pas du 7 octobre 2023, elle se déverse sans plus aucune digue depuis. Ce flot d’injures a encore vu son débit se renforcer avec l’annonce par Emmanuel Macron de la dissolution de l’Assemblée. De telles attaques n’ont rien d’étonnant, mais sont particulièrement perverses venant de partis qui parfois se sont compromis dans des formes diverses de complaisance avec l’antisémitisme, historique ou actuel. Que nous sachions, la réhabilitation des antisémites Pétain et Maurras n’a pas été programmée par LFI, mais par Emmanuel Macron. Personne, à la LFI, ne peut être accusé comme Gérald Darmanin d’avoir été membre de l’Action française, une ligue royaliste notoirement antisémite, ou d’avoir cité l’historien antisémite Jacques Bainville lors d’une intervention à la tribune de l’Assemblée nationale.

L’antisémitisme est un poison

« L’antisémitisme est un poison. » Mathilde Panot n’a cessé de le répéter. Jean-Luc Mélenchon l’a rappelé maintes fois, sous différentes formes, et notamment avec ces mots : « Chaque juif dans le plus modeste village de France doit savoir que s’il est mis en cause parce qu’il est juif, il me trouvera à l’instant d’après à ses côtés. Tout ce qui ressemble à de la discrimination sur la base de la religion, du sexe ou de la couleur de peau m’insupporte au dernier degré et je la combats politiquement ». Dans une allocution à l’Assemblée nationale le 19 février 2019, alors que des tags antisémites avaient été tracés sur des murs et qu’Alain Finkielkraut avait été insulté en marge d’une manifestation de Gilets jaunes, Jean-Luc Mélenchon a rappelé que ces actes antisémites n’étaient en rien des faits mineurs, qu’ils étaient « choquants », « détestables » et « inacceptables » ; il a exprimé sa « condamnation la plus nette et ferme » de l’injure antisémite lancée à A. Finkielkraut et son inquiétude devant cette « vieille et horrible habitude de désigner des boucs-émissaires ». Il a également ajouté, dans un tweet cette fois : « Autour de Finkielkraut, il y avait aussi des Gilets jaunes qui voulaient le défendre et s’opposer à l’attaque. Je suis avec eux ».

Il y aurait beaucoup d’exemples à donner pour étayer le combat de la gauche en général et de LFI en particulier contre l’antisémitisme. Le 28 mars 2018, lors de la marche blanche en hommage à Mireille Knoll, victime d’un assassinat antisémite, Jean-Luc Mélenchon rappelait la nécessité que « toute la communauté nationale serre les rangs, manifeste de la compassion, de l’amour ». Lui et Éric Coquerel, Clémentine Autain, Alexis Corbière, Raquel Garrido notamment, qui participaient dignement à cette marche, en avaient été chassé-es d’une manière honteuse par la Ligue de défense juive. Cette brutalité indécente n’avait évidemment pas empêché J.-L. Mélenchon de considérer qu’elle était un « épiphénomène », à l’importance sans rapport avec la gravité du meurtre antisémite commis. Il fallait avant tout, rappelait-il, se sentir solidaires et au côté de toutes les personnes juives qui pourraient se sentir en danger.

Le 29 octobre 2023, des dizaines de personnes se sont introduites sur la piste d’atterrissage de l’aéroport de Makhatchkala au Daguestan en Russie et s’en sont prises à un avion en provenance de Tel-Aviv pour « s’opposer à tout débarquement de juifs dans la ville » au prétexte de la guerre en Israël et Palestine. Le positionnement de LFI a été là encore très clair, comme en témoigne sa déclaration : « Ces événements sont particulièrement graves et choquants. S’ils sont d’une ampleur inédite, ils ne sont pas isolés. Depuis les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier, les témoignages et signalements d’actes antisémites se sont multipliés en France. Nous les condamnons avec la plus grande fermeté. Nous réaffirmons notre refus d’une lecture du conflit israélo-palestinien fondée sur un “choc des civilisations” et des appartenances religieuses qui ne fait qu’attiser l’antisémitisme et le racisme anti-arabes ou anti-musulmans. Nous assurons notre soutien et notre solidarité envers toutes les personnes qui en sont victimes, en France et partout dans le monde ».

On sait aussi combien la marche contre l’antisémitisme du 12 novembre 2023 a suscité de clivages, à gauche. Il ne s’agit pas ici de trancher sur ce qu’il fallait faire ou non : chacune et chacun, en tant qu’individus, collectifs ou organisations, a pris en conscience ses responsabilités. Le sujet étant LFI, rappelons que sa position était : « Il est impossible de manifester avec l’extrême droite contre l’antisémitisme » ; mais il était à ses yeux nécessaire de manifester contre l’antisémitisme, d’une manière sûre et sans ambiguïté. C’est pourquoi elle a pris part au rassemblement au square des Martyrs juifs du Vélodrome d’hiver. Elle avait d’ailleurs préparé un rassemblement plus conséquent, interdit par la Préfecture de police. Cependant qu’ont retenu les médias ? Uniquement l’arrivée de contre-manifestants venus perturber la solennité et le recueillement qui caractérisaient cette initiative. Nouvelle opération réussie pour les contempteurs de LFI : la trace médiatique générale sur ce moment de lutte contre l’antisémitisme se réduit aux pancartes brandies par les perturbateurs « Touche pas à mon Vel’ d’Hiv’ » et à l’insulte de « collabos » lancée aux militant-es LFI en raison de leur position sur Gaza.

Ce qui a pu heurter : écouter les premières et premiers concerné-es