Macron et l’extrême droite
Un livre important
Après le vote de la loi sur l’immigration, proposée par Gérald Darmanin, réécrite quasiment sous la dictée du RN, et votée par ledit RN, voici donc qu’Emmanuel Macron offre, avec sa dissolution-coup de poker, une chance historique à l’extrême droite d’accéder aux commandes de l’appareil d’État. Dans le moment gravissime que nous vivons, il nous paraît utile de reprendre la généalogie de cette collaboration quasiment scellée entre le président Macron et le Rassemblement National. Fallait-il en 2017 voter pour un candidat assez clairement réactionnaire pour faire « barrage » à l’extrême-droite ? Puis, après un quinquennat bien plus droitier que promis, était-il encore utile de faire une différence entre lui et la candidate d’extrême-droite ? Que ce soit la première ou la seconde fois, la réponse n’a souffert pour nous aucun doute : l’arrivée à la présidence d’une fasciste, dans un régime qui offre des quasi pleins pouvoirs au président, nous bascule dans un autre monde, bien pire que celui que nous ne connaissons que trop bien, fait de violences racistes autorisées voire encouragées par le pouvoir, de limitations sans précédent des droits (bien au-delà, hélas, de ce qui se déploie aujourd’hui même sous nos yeux, et qui est déjà odieux) – et bien d’autres choses encore qu’il est difficile même d’imaginer. Alors qu’il nous reste peu de temps pour construire enfin une alternative unitaire à gauche, en mesure de nous soustraire à ce choix entre une droite de plus en plus radicale et une extrême droite fasciste, le dernier livre de Sébastien Fontenelle nous apporte de précieux éléments de réflexion. Sans jamais établir d’équivalence et donner raison aux sarcasmes des « anti-castors », Sébastien Fontenelle alerte, comme nous le faisons ici-même, sur la manière dont le vote rempart qui fut celui du peuple de gauche – et plus largement des antifascistes – est quasi quotidiennement méprisé et piétiné par la présidence Macron, qui s’évertue chaque jour un peu plus à ouvrir un boulevard pour l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Que ce soit consciemment, voire cyniquement, ou par aveuglement, par calcul stratégique, par conviction profonde (ou peut-être un peu de tout cela ensemble), l’irresponsable « Macronie » porte la responsabilité d’une dégradation sans précédent (au-delà encore des années Valls et Sarkozy), d’une brutalisation et d’une extrême-droitisation de la vie politique, dont les effets sociaux sont bien décrits par Sébastien Fontenelle : non seulement un démantèlement présent des libertés publiques et des protections sociales (sans parler des services publics d’éducation ou de santé), mais aussi le risque futur, de plus en plus tangible, d’une victoire des fascistes, qui mèneraient à leur terme l’œuvre de destruction sociale et morale du pays – et en premier lieu de ses populations non-françaises, non-blanches, non-hétérosexuelles et non-masculines. En guise de présentation d’un livre de salubrité publique, qui prend aujourd’hui des allures de signal d’alerte, nous en reproduisons ici les premières lignes.
Le mensonge, en politique, n’est certes pas complètement nouveau : d’autres l’ont pratiqué avant lui, mais de manière intermittente, et en assumant à peu près cette sournoiserie, fût-ce sous le sceau de la plaisanterie méchante. On se rappelle que feu Charles Pasqua, qui fut l’un des ministres de l’Intérieur les plus droitiers de la Cinquième République, se plaisait à théoriser que « les mensonges » politiciens « n’engagent que ceux qui les croient ».
Mais Emmanuel Macron se signale par cette singularité, tout à fait inédite, elle, qu’il ment toujours plus effrontément.
Il bafoue quotidiennement la vérité des faits.
Il nous explique, très tranquillement, que nous n’entendons pas ce que nous entendons, et que nous ne voyons pas ce que nous voyons.
Lorsqu’il déverse des centaines de milliards d’euros dans les poches des Français les plus aisés, par exemple, c’est pour mieux soutenir qu’il n’est absolument « pas le président des riches ». Et lorsqu’il accable les plus pauvres – qui selon lui « ne sont rien » – de son incommensurable mépris, c’est pour mieux soutenir qu’il « aime notre pays et nos compatriotes ».
Quotidiennement, il remplace donc la réalité par une « vérité » alternative, où ses incessantes brutalités deviennent des preuves d’amour.
Cette politique du mensonge érigé en régime de gouvernement alimente évidemment la défiance à l’égard de la parole publique dans laquelle prospère la démagogie réactionnaire. Elle constitue probablement la principale contribution du chef de l’État à l’extrême droitisation du pays qui l’a élu président sur la promesse qu’il ferait, nous allons y revenir, « barrage aux idées de l’extrême droite ». Car c’est la droite nationaliste, intégralement construite dans la forgerie de dangers imaginaires, qui profite au premier chef de ce brouillage général des repères permettant de distinguer le vrai du faux. Mais, au-delà de cet apport essentiel, Emmanuel Macron, depuis le tout début de son règne, a constamment œuvré à la normalisation de cette extrême droite qu’il avait pourtant promis de contenir.
Il lui adresse régulièrement des signaux très directs, comme autant de témoignages de sa complaisance, lorsqu’il décide par exemple – avant de renoncer à ce sordide projet – d’ « honorer » la mémoire du « grand soldat » Pétain. Ou lorsqu’il accorde un entretien exclusif à un magazine condamné pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence contre les Roms. Ou encore quand il apporte son soutien à un éditocrate condamné, lui, pour provocation à la haine contre les musulmans.
Dans le même temps, le chef de l’État, secondé par quelques ministres profondément réactionnaires, fait aussi d’autres cadeaux à l’extrême droite–en imposant des politiques brutales qui aggravent les inégalités et exacerbent les tensions, et en déchaînant contre les protestataires des répressions d’une violence stupéfiante.
En cela : Emmanuel Macron peut être considéré comme un fourrier du fascisme, dont il prépare, par son autoritarisme, le très possible avènement.
lmsi.net
P.-S.
Ce texte est extrait du nouveau livre de Sébastien Fontenelle, Macron et l’extrême droite. Du rempart au boulevard, qui vient de paraître aux Éditions Massot.