Rencontre au Centre International de culture populaire
A l’heure où le projet de loi olympique autorise le recours aux algorithmes pour le contrôle des citoyens par la reconnaissance faciale et la vidéo-surveillance ; à l’heure où des vagues d’arrestations et de perquisitions ont récemment frappé des militantes et militants écologistes, pouvons-nous parler de « montée » de l’autoritarisme dans notre civilisation occidentale ? Le déferlement technique contemporain nous laisserait-il même envisager une victoire totale de l’autoritarisme, comme on peut envisager une victoire totale du capitalisme ?
Ces événements s’inscrivent dans une longue histoire. Pour Lewis Mumford, l’organisation centralisée, incarnation du processus de rationalisation, serait la première « technique » en cause. Il a nommé « Machine » cette domination physique, organisée sous la férule d’un roi, d’un empereur tout puissant (« le centre »), dans laquelle l’homme n’est plus qu’un rouage. A partir de la révolution industrielle, le « centre » sera de plus en plus intégré au système comprenant l’élite technocratique, scientifique, le système normatif, bureaucratique, l’organisation du travail, l’automatisation, mais aussi chaque membre de la communauté qui y prendra part, à qui il sera promis les retombées bénéfiques du système.
L’autoritarisme aujourd’hui qui s’impose à nous dans tous les pans de nos vies, semble ne nous laisser aucun choix. Il agit par la répression sur les groupes dont les solidarités et les liens, menaces pour le système doivent disparaître, ou plus insidieusement en suscitant l’adhésion, sans coercition, par diverses techniques de propagande, de fabrique de consentement, par le primat de l’expertise, de la technocratie et des normes sur les valeurs humaines, par les injonctions à nous adapter. Il s’agit d’une organisation à grande échelle à même de gérer et contrôler des masses tout en nous donnant l’illusion de la liberté individuelle : nous sommes tous libres… d’obéir (1).
Le cas de l’ « intelligence » artificielle (IA) est particulièrement inquiétant à cet égard. La « Machine » exerce un contrôle sur les fondements de ce qui nous rend humains (la créativité, l’effort, le langage, la sensibilité, la socialisation) et contribue à brouiller les repères entre réalité et monde virtuel, entre vérité et mensonge. Les algorithmes sont des exécutants sans « états d’âme ».
L’IA constitue donc un des outils privilégié de consolidation des pouvoirs autoritaires : l’automatisation de la prise décision, de l’application des procédures, des interactions avec les administrations est désormais systématisée. Privés de toute capacité d’initiative et de négociation, il ne reste aux citoyens qu’à docilement obtempérer !
Aujourd’hui c’est bien dans tous les domaines de notre vie que la technique permet au pouvoir en place de se consolider : la santé et le poids croissant des techniques de management et des outils techniques ; l’agriculture et la disparition du paysan au profit de l’entrepreneur agricole assisté par ordinateur et bientôt par drone ; l’enseignement où les professeurs sont de plus en plus contraints et contrôlés par le numérique.
Au vu des tendances lourdes à l’oeuvre, pouvons-nous aujourd’hui craindre une victoire totale de l’autoritarisme par la technique, menant à l’obsolescence de l’homme ? Nous préférons quant à nous défendre les techniques démocratiques « dirigées par l’homme, relativement faibles, mais ingénieuses et durables ».
« Il faut transmettre l’autorité, actuellement aux mains de la machine collective, à la personnalité humaine et au groupe autonome » (2)
Programme
Vendredi 9h-18h
- Accueil
- Techniques et formes sociales d’après Lewis Mumford – Annie Gouilleux
- Généalogie de l’autoritarisme technicien – François Jarrige
- La technocratie, classe de puissance à l’ère technologique – PMO
- E. Bernays et technique de propagande – Olivier Leduc
- Le rôle de la numérisation du monde dans les formes contemporaines d’autoritarisme – Matthieu Amiech
- Les robots-tueurs et déshumanisation digitale – Anne-Sophie Simpere
Journée entrecoupée de pauses et de périodes de questions-débats
Samedi matin 9h-12h
- Accueil
- Régir un Etat Nucléaire : perspectives depuis la campagne meusienne – un opposant au projet d’enfouissement de Bure
- Comment mettre fin à l’autoritarisme techno-industriel ? – ATR
- Débat et Conclusion
Les horaires détaillés seront communiqués ultérieurement.
Contact et informations : rencontres@technologos.fr
Moyens d’accès au 21 ter rue Voltaire – 75011
Métro : L9 rue des Boulets , L2 Alexandre Dumas ou Avron, RER A Nation
Bus : L71 Philippe Auguste, L56 rue des Boulets
** **
Notes
(1) Voir « Libres d’obéir », Johann Chapoutot, Gallimard, 2020
(2) « Technique autoritaire et technique démocratique », Lewis Mumford, 1963