Y’a de l’eau dans le gaz pour le méthaniseur !

Une décision de justice intéressante

Le 1er octobre 2024, la Cour administrative d’appel de Nantes a rendu une décision majeure en faveur des associations Eau et Rivières de Bretagne et Bretagne Vivante SEPNB. Par cet arrêt, la cour a annulé l’autorisation préfectorale du 16 janvier 2023 pour l’unité de méthanisation de la « Centrale Biométhane du Roi Morvan » à Guiscriff. Cette victoire est un nouveau coup porté aux projets industriels de méthanisation intensive en Bretagne, confirmant l’importance de la protection des zones humides et des espèces protégées.

Un projet aux conséquences environnementales lourdes

L’installation de méthanisation prévoyait le traitement quotidien de 90 tonnes de déchets agricoles et industriels, soit une quantité proche de la limite soumise à autorisation. Dès le départ, ce projet a soulevé de vives oppositions, notamment en raison de son impact sur les écosystèmes locaux, dont plusieurs zones naturelles d’intérêt écologique (ZNIEFF) situées à proximité immédiate du site. Tout comme notre collectif, les associations ont alerté sur les risques de pollution des eaux, de destruction des habitats naturels et d’atteinte à la biodiversité.

Le projet visé, prévoyant le traitement quotidien de 90 tonnes de déchets agricoles et industriels, s’inscrit dans une logique industrielle qui n’a rien d’écologique. Sous couvert de transition énergétique, ces unités de méthanisation profitent de la crise climatique pour s’implanter dans nos campagnes, ravageant des écosystèmes fragiles et menaçant la biodiversité. À Guiscriff, le projet allait saccager une zone humide en bordure du bassin versant de l’Isole, un lieu riche en biodiversité, vital pour la qualité de nos cours d’eau et déjà en danger face à l’industrialisation agricole.

Une manoeuvre malhonnête pour rendre le projet conforme

Le dossier de la société Centrale Biométhane du Roi Morvan est entaché d’une malhonnêteté flagrante, tant du porteur de projet que de l’administration préfectorale. La première version de l’étude environnementale s’appuyait sur une expertise naturaliste solide, concluant à la présence d’une zone humide sur le terrain d’implantation. Cette zone humide, cruciale pour la biodiversité locale, rendait le projet inacceptable sans des mesures de protection effectives. Mais plutôt que de répondre à cette exigence, la société a délibérément écarté cette première expertise pour soumettre une version révisée de l’étude. Dans cette deuxième version, une simple étude pédologique, moins contraignante et incomplète, concluait à l’absence de zone humide. La première étude naturaliste a été purement et simplement retirée du dossier pour faciliter l’obtention de l’arrêté préfectoral, démontrant une volonté manifeste de contourner les règles en vigueur.

Cette tromperie montre à quel point ces projets sont souvent menés sans aucune considération pour les obligations environnementales et avec la complicité tacite d’une administration qui ferme les yeux sur de telles manipulations. Heureusement, cela ne nous n’a pas échappé et avec les associations, nous avons pu mettre en lumière cette fraude, aboutissant à l’annulation de l’arrêté.

La justice tranche en faveur de la protection de l’environnement

Face à ces dangers, la Cour administrative d’appel a jugé que le préfet avait fauté en accordant une simple procédure d’enregistrement à ce projet destructeur. Une évaluation environnementale complète aurait dû être exigée pour mesurer l’ampleur des ravages. En ne respectant pas les obligations légales de protection des zones sensibles, l’État s’est une nouvelle fois rangé du côté des lobbies industriels. Mais cette fois, la justice a entendu nos arguments et a fait primer la défense du vivant sur les intérêts privés.

Cette décision souligne une évidence : les projets de méthanisation ne sont pas des solutions mais des symptômes d’un système agricole à bout de souffle. Il est temps de sortir du modèle productiviste qui asservi les paysan•nes, dévore nos terres, pollue nos rivières et hypothèque l’avenir de notre région.

Une résistance collective, le nerf de la lutte

Cette victoire n’aurait jamais été possible sans la synergie des forces militantes et associatives. C’est grâce au travail en commun entre Bretagne Vivante, Eau et Rivières de Bretagne et Bretagne contre les fermes-usines que ce combat a pu aboutir. Les expertises de terrain, enrichies par des études précises et un dossier technique minutieux, ont mis à jour les lacunes graves du projet. Les cartes que nous avons produites, révélant les atteintes aux écosystèmes locaux, ont été des outils déterminants dans ce bras de fer juridique.

Cette bataille est une victoire pour nous tous et toutes. Elle montre que face à l’industrialisation débridée de nos campagnes, un front uni peut faire barrage. Cette convergence des luttes est plus que jamais nécessaire pour renverser le rapport de force. Le système fermes-usines n’a aucun avenir dans une Bretagne que nous voulons vivante, respectueuse des habitant•e•s, des animaux et de l’environnement. Nous avons prouvé que, ensemble, nous pouvons gagner. Et nous continuerons, avec force et détermination, à combattre chaque projet qui menace la vie de nos territoires.

Lien vers la décision de la Cour Administrative d’Appel de Nantes

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